Les Québécois ont une relation ambivalente avec la slush. L’été, les enfants l’adorent. L’hiver, les adultes la détestent. Et à cause des changements climatiques, les choses pourraient se compliquer encore. Car désormais, le célèbre mélange d’eau et de glace ne se forme plus uniquement sur les trottoirs, mais aussi dans les rivières, ce qui cause des inondations en pleine saison froide. Les scientifiques ont donné un nom à ce nouveau phénomène : le frasil.
C’est le genre de problème sur lequel se pencheront les participants du 5e Colloque sur les risques naturels au Québec qui aura lieu le 12 mai prochain, dans le cadre du congrès annuel de l’ACFAS. «Avec les changements climatiques qui s’annoncent, il est essentiel de revoir les risques associés aux phénomènes naturels», explique l’organisateur du colloque, Mustapha Kebiche, qui est également chargé de cours et professeur associé au Département de géographie de l’UQAM.
«Auparavant, les inondations au Québec avaient lieu uniquement au printemps, lors de la fonte des glaces, rappelle le chercheur. Aujourd’hui, les inondations surviennent également l’hiver, à cause du frasil. Et ce n’est qu’un exemple de nouveau risque naturel.»
Parmi les perturbations climatiques qui risquent de nous toucher figurent les ouragans, «qui remontent désormais jusque dans les Maritimes», les îlots de chaleur urbains, les glissements de terrain causés par les pluies torrentielles, etc. Certains de ces phénomènes sont nouveaux, d’autres s’accentuent et obligent les autorités publiques, les compagnies d’assurances et les ingénieurs à réviser leurs politiques de prévision et de gestion du risque. «La réévaluation devra être continue, car les changements climatiques continueront pendant des années», souligne Mustapha Kebiche.
Mieux vaut prévenir que reconstruire
Les différentes conférences du colloque viseront notamment à mieux comprendre les processus physiques des catastrophes naturelles qui surviennent au Québec. Plusieurs chercheurs de l’UQAM exposeront les résultats de leurs recherches, dont Daniel Germain, qui parlera de l’écoulement torrentiel, et Yves Beaudoin, qui discutera des îlots de froideur en milieu urbain.
Le colloque ne se limitera toutefois pas au fonctionnement des phénomènes climatiques. «Que l’on comprenne leur fonctionnement ou non, les catastrophes naturelles demeurent inévitables, affirme Mustapha Kebiche. Le plus important, c’est de savoir comment les gérer.»
Afin de bien gérer une catastrophe naturelle, il est essentiel d’avoir des politiques d’aménagement du territoire qui prennent en compte les risques climatiques. Celles-ci indiquent où construire et comment construire pour minimiser les conséquences des catastrophes naturelles. «Les politiques québécoises sont-elles adéquates? Peuvent-elles être améliorées?» se demande le chercheur.
Pour trouver des réponses à ces questions, plusieurs conférenciers en provenance de l’étranger participeront au colloque. «L’objectif est de voir s’il y a des bons coups dont le Québec pourrait s’inspirer.» Par exemple, dans la Belle Province, c’est le ministère de la Sécurité publique qui s’occupe de la gestion du risque, selon la Loi sur la sécurité civile.
«En France, ce sont plutôt les régions qui sont responsables», souligne le chercheur. Trois conférenciers en provenance de l’Hexagone seront d’ailleurs présents pour présenter des études de cas français.
Communiquer le risque
Mustapha Kebiche organise le Colloque sur les risques naturels au Québec depuis cinq ans. «À chaque édition, je réalise que la connaissance des risques ne cesse de s’améliorer. Mais à chaque édition, de nouveaux éléments surgissent.» Ainsi, auparavant, l’aspect social du risque était peu pris en compte. «Aujourd’hui, on se questionne davantage sur la manière dont on doit communiquer le risque à la population. Quand doit-on la prévenir et comment doit-on le faire pour éviter la panique?»
Ces questions mobilisent des chercheurs de tous les milieux scientifiques. L’an dernier, le colloque a d’ailleurs reçu un prix qui soulignait son aspect multidisciplinaire. «Le risque est un domaine très large qui intéresse beaucoup de gens, tant des scientifiques que des gestionnaires», rappelle Mustapha Kebiche.