Les designers-producteurs québécois excellent en affaires et créent des entreprises manufacturières dont le taux de survie surpasse, et de loin, celui de la moyenne des autres entreprises manufacturières de la province. «Leur taux de survie est de 75 % après neuf ans, alors que la moyenne québécoise est de 50 % après trois ans. C’est trois fois plus en termes de longévité», constate André Desrosiers, professeur invité à l’École de design, qui a piloté une étude intitulée Les designers-producteurs au Québec.
Dans son étude, André Desrosiers a répertorié quelque 125 designers-producteurs ayant œuvré au cours des 40 dernières années – ou oeuvrant encore aujourd’hui – et il s’est penché sur leurs pratiques professionnelles. «Personne ne croyait qu’il y en avait autant au Québec», souligne le chercheur. Qui sont ces designers-producteurs? «Ce sont des créateurs qui produisent ou font produire des biens qu’ils ont conçus, précise-t-il. Le critère du diplôme n’a pas été retenu pour l’étude, même si environ 90 % des personnes rencontrées possédaient un diplôme collégial ou universitaire dans une branche du design.»
Tous ces designers-producteurs ont fondé leur entreprise, la plupart cinq à dix ans après la fin de leurs études – 80 % avant l’âge de 35 ans. «On peut démarrer sa propre entreprise à tout âge, bien sûr, mais dans la réalité, ce sont les jeunes qui le font», explique André Desrosiers, qui a lui-même possédé sa propre entreprise durant près de 20 ans.
«La taille moyenne de ces entreprises est de 19 employés et le chiffre d’affaires moyen est de deux millions de dollars de revenus par année, ajoute-t-il. C’est respectable et cela prouve qu’il s’agit d’une pratique significative.»
Objets décoratifs
Sans surprise, les deux tiers de ces designers-producteurs ont fondé leur entreprise dans le domaine des objets décoratifs : meubles, lampes, accessoires de table, etc. «Cela reflète le lien historique entre le design et les arts décoratifs, et surtout la passion des designers pour ce domaine», analyse le professeur Desrosiers. Le tiers restant fabrique d’autres types d’objet : des orthèses, des prises d’escalade, des jouets ou même des structures pour les aires de jeux pour enfants.
Avec Internet, la concurrence est désormais internationale et plusieurs de ces designers-producteurs exportent leurs produits. Mais comment expliquer le taux de survie exceptionnel de leurs entreprises?
«Au Québec, dans le secteur manufacturier, 20 % des entreprises font appel à des designers. Dans mon échantillon, c’est 100 %, dit en riant André Desrosiers. Cela n’a rien de scientifique, mais je crois que la passion et l’expertise sont les deux principales raisons de leurs succès. Un designer a plus de chance de concevoir un produit qui répond aux besoins de ses futurs clients, sans compter qu’il est qualifié pour bâtir adéquatement l’image de marque de son entreprise. La plupart des designers-producteurs sont des gens qui développaient des produits pour une entreprise et qui ont un jour décidé de créer leur propre firme. Ils connaissent la musique.»
Une démarche pédagogique
Cette étude est la première d’une série sur l’ensemble des pratiques des designers industriels ou de l’environnement au Québec, précise le professeur Desrosiers, qui a été président de l’Association des designers industriels de 1990 à 1992. «Je souhaite documenter une pratique qui ne l’a jamais été afin de mieux la faire connaître, dit-il. Nos étudiants, entre autres, doivent savoir qu’il existe plusieurs façons de créer son propre emploi dans leur domaine.»