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Maigrir localement: enfin possible

Par Marianne Boire

8 mars 2010 à 0 h 03

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

La technologie Adipotronics® peut faire disparaitre les tissus graisseux de façon localisée, par électrostimulation. Un des inventeurs de la technologie, Jean P. Boucher, du Département de kinanthropologie, tente présentement de lancer l’appareil sur le marché international. Pour ce faire, il a fait appel à Gestion Valeo, un organisme qui tente de valoriser les découvertes issues de sept institutions universitaires québécoises, dont l’UQAM. «Nous avons besoin d’amasser près d’un demi-million de dollars pour la mise en marché de l’appareil, mais aussi pour perfectionner sa conception», explique Jean P. Boucher. Si le chercheur atteint son but, Adipotronics® pourrait générer des revenus considérables, non seulement pour les inventeurs, mais aussi pour l’UQAM, qui détient la moitié des droits de l’appareil.

Le brevet de l’invention a été octroyé au Canada en octobre 2008, ce qui permet à l’équipe d’en révéler davantage sur l’appareil, sans craindre d’être copiée. Et Adipotronics® devrait conquérir de nouvelles contrées sous peu : «On est en attente de brevet aux États-Unis, en Europe et au Brésil», précise Jean P. Boucher.

Du côté des investisseurs potentiels, les réactions varient de l’enthousiasme débridé au scepticisme. «Il faut faire attention dans ce domaine, parce qu’il y a beaucoup de charlatans», fait valoir Alain Richard, de Gestion Valeo. On a tous déjà vu les publicités dans les tabloïds d’appareils d’électrostimulation promettant un corps de rêve. Rien à voir avec l’innovation de l’UQAM, affirme Jean P. Boucher : «Nous sommes les premiers au monde à avoir des données scientifiques rigoureuses sur le fonctionnement de cette technologie.»

Son utilisation est simple : il suffit de coller une paire d’électrodes sur la peau à l’endroit désiré – souvent sur les cuisses pour les femmes et l’abdomen, pour les hommes, régions de prédilection pour les «gras réfractaires». Un courant électrique de faible intensité incite la cellule adipeuse à vider ses réserves de graisses dans l’organisme, sans l’endommager. Pour que ce carburant soit brûlé sur-le-champ, l’appareil doit absolument être utilisé pendant une séance d’exercice.

Une étude clinique

Une étude clinique réalisée auprès d’une vingtaine de femmes a donné des résultats convaincants. Les participantes devaient se soumettre à 30 minutes de marche intense sur un tapis roulant trois fois par semaine pendant 12 semaines. Les participantes d’un des groupes portaient les électrodes, les autres non. Résultat : dans le premier groupe, les chercheurs ont noté une réduction moyenne de 19 % de l’épaisseur de graisse à la cuisse et de 5 % à l’abdomen. Rendue publique en 2008, cette étude avait été très médiatisée.

L’idée originale d’Adipotronics® est née dans la tête de Jean P. Boucher, il y a 20 ans, alors qu’il participait à un congrès en France. De retour à Montréal, il en parle à Roland Savard, spécialiste de la physiologie des tissus adipeux au Département des sciences biologiques de l’UQAM et ami de longue date. Mais à l’époque, l’électrophysiologie des cellules adipeuses étant encore inconnue, ce dernier le dissuade de s’aventurer dans cette voie.

En 2000, coup de théâtre! Des chercheurs espagnols découvrent des «canaux ioniques» dans la membrane des cellules graisseuses. Autrement dit, cela signifie que des particules chargées peuvent traverser la membrane de la cellule pour y initier des réactions métaboliques.

Cette découverte est importante, car elle montre qu’on peut «parler» aux tissus adipeux avec un courant électrique. On sait depuis longtemps que les cellules nerveuses et musculaires ont cette propriété; c’est ce qui permet au muscle de se contracter en réponse à un signal du système nerveux central.

Il restait ensuite à trouver le «mot de passe» pour entrer dans la cellule adipeuse et lui ordonner de relâcher ses graisses! «Placer des électrodes sur la peau, c’est facile, explique le professeur Boucher. Le défi, c’est de trouver exactement le bon courant avec l’intensité, la durée de l’impulsion et la fréquence voulues.» Pour qu’Adipotronics® fonctionne, l’équipe a déjà démontré que le courant doit être compris entre 4 et 6 milliampères, avec une onde carrée de longue durée. Les chercheurs travaillent maintenant à optimiser ce courant.

Des gras obsolètes

Mais n’y a-t-il pas un danger à faire disparaître ces stocks de graisse résistants? N’ont-ils pas leur raison d’être – la Nature faisant toujours si bien les choses? «On ne comprend pas encore très bien pourquoi ces masses de graisse existent, répond Roland Savard. Mais on pense qu’elles constituent des réserves spéciales pour les périodes de famine ou pour la reproduction.» Bref, dans une société de surabondance, elles seraient devenues obsolètes. «De plus, on ne fait que stimuler le métabolisme normal de la cellule, car la libération de lipides dans l’organisme se fait constamment», poursuit Roland Savard.

Si Adipotronics® est lancé sur le marché, il ne sera pas vendu au magasin du coin. «On ne veut pas qu’il tombe entre les mains de monsieur et madame tout-le-monde, explique Jean P. Boucher. L’appareil nécessitera un encadrement professionnel, dans des cliniques ou centres spécialisés.»

Adipotronics® a grandement intéressé Alain Richard et Gestion Valeo. «Cette technologie est complètement originale et elle brise le moule traditionnel en réunissant trois concepts : courant électrique, relargage des lipides et exercice physique. Convaincre les investisseurs est plus difficile, mais à long terme, le potentiel de l’appareil est vraiment prometteur.»