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Le tremblement de terre en Haïti : des systèmes de failles complexes

Par Pierre-Etienne Caza

14 janvier 2010 à 0 h 01

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Le tremblement de terre qui a ébranlé Haïti le 12 janvier dernier ne surprend guère le professeur Normand Goulet, du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère. «L’île que se partagent Haïti et la République Dominicaine, que l’on appelle Hispaniola, est coincée entre la plaque tectonique de l’Amérique du Nord et celle des Caraïbes, explique-t-il. La plaque de l’Amérique du Nord bouge vers l’ouest, tandis que celle des Caraïbes bouge vers l’est, créant deux systèmes de failles de coulissage complexes.»

«Le premier système a développé deux grandes failles majeures, une au nord et l’autre au sud de l’île Hispaniola, lesquelles glissent d’est en ouest, poursuit le professeur. Ces failles sont aussi grandes que celle de San Andreas, en Californie. Le deuxième système s’oriente nord-ouest et c’est à la jonction de ces réseaux, soit entre la faille Enriquillo Plantain Garden (est-ouest) et une autre faille orientée nord-ouest que s’est déclenché le tremblement de terre à proximité de Port-au-Prince.»

«À cet endroit la faille est-ouest marque le contact entre deux types de roches différentes – des roches intrusives, comme le granite, et des roches sédimentaires, des calcaires – et c’est ce qui a causé le point de faiblesse. Cette faille se prolonge même jusqu’en Jamaïque», ajoute M. Goulet.

L’île Hispaniola est essentiellement volcanique et a commencé à se former à l’ère jurassique, il y a environ 150 millions d’années. «Contrairement à ce que l’on peut croire, ce sont des îles très montagneuses. En Haïti, la plus haute montagne culmine à près de 2 600 mètres et en République Dominicaine, elle atteint plus de 3 000 mètres, soit presque aussi haut que les Alpes», précise le professeur.

Une île géologiquement fascinante

Normand Goulet, qui fait partie du groupe de recherche sur la tectonique des Caraïbes, participe depuis plusieurs années à des recherches en République Dominicaine afin de comprendre la géologie de l’île Hispaniola et de faire l’inventaire des ressources minérales. «Ces recherches visent à aider le pays à atteindre une indépendance industrielle et économique. Des gisements de nickel-cuivre, d’or, de bauxite et de pétrole ont déjà été répertoriés. Or, comme la division entre les deux pays n’est que politique, puisque la géologie est la même en Haïti, nous pouvons affirmer que ces ressources se trouvent aussi dans le sous-sol haïtien.»

La République Dominicaine, poursuit le professeur Goulet, tire environ 25 % de son PIB de l’exploitation minière, alors que celle-ci est inexistante en Haïti, l’un des pays les plus pauvres de la planète. «Si on ajoute le fait qu’environ 50 % du PIB de la République Dominicaine provient du tourisme, lui aussi à peu près inexistant en Haïti, on peut alors comprendre que ce pays possède des ressources naturelles et des leviers économiques pour s’en sortir. Il faut seulement que le climat et la volonté politique s’y prêtent.»

Des étudiants de maîtrise de l’UQAM participent régulièrement à des stages de terrain en République Dominicaine dans le cadre de projets de recherche et du cours intitulé «Initiation à la prospection minière en terrain tropical».

Le fils du professeur Goulet, François, est géologue et se trouve présentement en République Dominicaine près de la frontière haïtienne. «J’ai pu lui parler le soir même et il était sain et sauf, dit Normand Goulet. Il n’y a pas eu de dommage à l’endroit où il se trouve.» Le professeur Michel Gauthier, un collègue de M. Goulet, collabore également à la compréhension de la mise en place des gisements aurifères en République Dominicaine.