Deux chercheurs de l’UQAM viennent de réaliser une découverte tout à fait inusitée dans le domaine de la biologie moléculaire. Ils ont caractérisé une protéine virale qui, en raison de sa configuration, se distingue de toutes celles qui lui sont apparentées.
Denis Archambault, professeur au Département des sciences biologiques, n’est pas peu fier de cet exploit. «C’est un travail complexe et ardu que, sous ma supervision immédiate, Andrea Gomez Corredor, étudiante au doctorat en biologie, a brillamment mené jusqu’au bout». Les résultats de cette recherche sont publiés dans le deuxième numéro de décembre 2009 de la prestigieuse revue scientifique Journal of Virology.
Des clés et des serrures
Les travaux d’Andrea Gomez Corredor et de Denis Archambault portaient sur le virus de l’immunodéficience bovine (VIB), qui est apparenté au virus du SIDA chez l’humain. Les chercheurs se sont plus particulièrement intéressés à une protéine virale qui porte le nom de Rev. «Les protéines de type Rev, comme l’explique Denis Archambault, jouent un rôle essentiel lors de la réplication du virus au sein de la cellule infectée. On sait que le matériel génétique d’un virus comme le nôtre doit d’abord être transcrit en ARN dans le noyau de la cellule. Ensuite, ces segments d’ARN viral doivent être exportés à l’extérieur du noyau, dans le cytoplasme de la cellule. Et c’est justement la fonction de la protéine Rev que de servir de passeur entre le noyau et le cytoplasme.»
Il existe de nombreuses protéines de type Rev. Toutes possèdent la propriété de pénétrer dans le noyau cellulaire grâce à ce que l’on nomme un signal de localisation nucléaire (NLS). C’est littéralement une sorte de clé capable d’ouvrir une serrure. Cette clé, ou plutôt ce NLS, est normalement composée d’une séquence continue d’acides aminés basiques. Puisqu’il s’agit d’une séquence continue, on la dit monopartite. Or, première surprise, Denis Archambault et Andrea Gomez Corredor ont découvert que le signal de localisation nucléaire de la protéine Rev du VIB était bipartite.
«Franchement, reconnaît Denis Archambault, on ne s’attendait pas à cela. Il existe bien d’autres types de protéine qui possèdent des NLS biparties, et qui donc se composent de deux motifs d’acides aminés basiques séparés par une séquence d’espacement, mais nous n’avions jamais vu cela dans le cas d’une protéine de type Rev. Plus fascinant encore, ces séquences d’espacement sont soit courtes (environ une dizaine d’acides aminés), soit longues (une trentaine d’acides aminés). La séquence d’espacement de notre Rev, elle, se situe exactement entre les deux, avec 20 acides aminés!»
Une clé en cache une autre
En soi, cette découverte inusitée pourrait passer pour une simple curiosité de la nature. À la rigueur, on pourrait même supposer qu’il ne s’agit que de la première protéine Rev observée qui soit dotée d’un NLS bipartite. Or, cette découverte prend une tout autre importance à la lumière des minutieux travaux d’Andrea Gomez Corredor et de Denis Archambault.
«Nous savions, précise Denis Archambault, qu’une fois à l’intérieur du noyau, certaines protéines de type Rev ont aussi la capacité d’entrer dans les nucléoles. Ce sont de petites structures dont une fonction reconnue depuis longtemps est de participer à la production des ribosomes qui servent à la synthèse des protéines. Or, s’il faut une clé pour pénétrer dans le noyau, il en faut aussi une pour entrer dans les nucléoles, ce que l’on nomme un signal de localisation nucléolaire. Typiquement, pour les protéines de type Rev, les éléments de cette clé se trouvent distribués à même le signal de localisation nucléaire. Cette deuxième clé est donc pour ainsi dire cachée dans la première. Ce que nous avons découvert, avec la protéine Rev du VIB, c’est que cette clé nucléolaire se trouve dans la séquence d’espacement du NLS. Du jamais vu!»
On peut maintenant mieux comprendre l’enthousiasme de Denis Archambault. Grâce à de tels travaux, les chercheurs disposent désormais d’un nouvel outil pour étudier le fonctionnement des nucléoles. «Outre le fait de produire des ribosomes, explique-t-il, on ne connaît que peu de choses sur les nucléoles. Grâce à notre protéine Rev, on peut désormais espérer en découvrir davantage et, qui sait, déterminer si les nucléoles sont impliqués dans la réplication des virus. Dans un tel cas, cela pourrait nous conduire au développement de nouvelles stratégies antivirales prometteuses.»
On peut dire que cette protéine Rev porte bien son nom. En effet, découvrir ce qui n’a jamais été vu auparavant, voilà le rêve de tout chercheur!