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La santé à l’heure d’Internet

Par Marie-Claude Bourdon

3 mai 2010 à 0 h 05

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Vous êtes étudiant et vous voulez en savoir plus sur les médicaments comme le Ritalin utilisés pour augmenter la performance lors des examens? Il y a un forum pour vous sur Internet. Ce sont les risques associés aux drogues qui font danser toute la nuit dans les raves qui vous intéressent? Pas de problème, l’information est disponible. Même chose si vous souhaitez découvrir comment mixer les médicaments accessibles dans la pharmacie de vos grands-parents pour obtenir un buzz du tonnerre. Il y a un forum pour vous.

Professeure au Département de communication sociale et publique, Christine Thoer s’est intéressée, dans ses recherches réalisées avec Florence Millerand, aux discussions sur les usages détournés des médicaments qui ont lieu dans les forums sur Internet. Avec des collègues, elle présentera les résultats de ces recherches dans le cadre d’un colloque sur les liens entre Internet et santé qui se tiendra à l’occasion du prochain congrès de l’ACFAS, les 10 et 11 mai prochains. Intitulé Internet et santé : stratégies d’usages et d’intervention, ce colloque qu’elle a organisé en collaboration avec Joseph Lévy, professeur au Département de sexologie, et Catherine de Pierrepont, diplômée de la maîtrise en sexologie, portera, comme son titre l’indique, sur les multiples usages reliés à la santé que l’on peut faire d’Internet ainsi que sur les possibilités d’intervention qu’offre ce puissant outil de communication.

«La recherche dans ce domaine est encore presque exclusivement anglophone, note Christine Thoer. Un des buts du colloque, qui est organisé en partenariat avec le Groupe de recherche Médias et santé de l’UQAM et le Réseau de recherche en santé des populations du Québec, est de réunir toutes les personnes qui s’intéressent à ce sujet pour favoriser les échanges.»

Du bon usage d’Internet

La première journée sera consacrée à explorer les usages d’Internet, qui ne sont pas tous néfastes pour la santé. «Les statistiques montrent que de plus en plus de personnes utilisent Internet pour faire des recherches sur la santé, souligne la chercheuse. Ce peut être une personne qui apprend que sa mère souffre d’Alzheimer et qui veut un complément d’information. Ce peut être pour des questions de prévention. D’ailleurs, les gens qui font des recherches sur la santé sont souvent en bonne santé eux-mêmes.»

Si des sites sérieux peuvent aider à comprendre une prescription donnée sans trop d’explications par un médecin pressé, Internet est aussi un lieu d’échange d’informations entre internautes qui favorise l’automédication. «Beaucoup de recherches portent sur les médicaments, observe Christine Thoer. Les internautes s’informent sur les effets secondaires, mais aussi sur l’efficacité et la façon d’obtenir divers médicaments. Dans un forum sur les produits amaigrissants, on voit des gens qui sont prêts à prendre des médicaments malgré des effets secondaires très invalidants et qui s’encouragent entre eux pour ne pas lâcher!»

De la même façon, les forums fréquentés par les anorexiques deviennent souvent des lieux de soutien et de conseils sur la façon de tenir en mangeant seulement une pomme par jour! «Par contre, ces sites exercent aussi une forme de surveillance, nuance la chercheuse. Si la personne va trop loin, les autres participants la mettront en garde.»

Recettes, trucs et risques

On remarque le même phénomène dans les forums réunissant les personnes qui s’intéressent aux usages détournés des médicaments, que ce soit pour la recherche de sensations ou pour l’amélioration des performances intellectuelles. «On retrouve à la fois les recettes, les trucs pour se procurer les médicaments et les risques qui y sont associés», souligne Christine Thoer.

Pour les minorités sexuelles, Internet est souvent la première, sinon la seule, source d’information. Surtout en région, le Web peut servir à briser l’isolement. Mais, encore une fois, Internet peut encourager des comportements dangereux. «Chez les homosexuels, on sait que la fréquentation des sites de rencontres favorise les conduites à risque, dit la chercheuse. Certains hommes sollicitent des partenaires pour des relations non protégées.»

Ces sites de rencontre présentent par contre un potentiel intéressant pour la prévention de ces pratiques. Comment les acteurs du milieu de la santé peuvent-ils utiliser Internet pour intervenir auprès de leurs clientèles cibles? La deuxième journée du colloque sera consacrée aux stratégies d’intervention, aux enjeux méthodologiques et éthiques qui leur sont reliés. «On voit souvent Internet comme une forme de démocratisation du savoir sur la santé, dit Christine Thoer. Mais il y a selon moi un risque que ce soit surtout les personnes en meilleure santé qui profitent le plus d’Internet. Il faut examiner nos stratégies d’intervention pour faire en sorte que l’information soit accessible à tous et éviter qu’Internet accroisse encore davantage les inégalités en santé.»