L’une a assisté aux prières du vendredi dans deux mosquées à Montréal, l’autre a fréquenté une pagode pendant les jours saints. Les étudiantes Joanie Bolduc (maîtrise) et Anne Létourneau (doctorat) font partie d’une équipe de recherche qui s’intéresse aux solidarités féministes dans un contexte de diversité religieuse.
Leurs travaux, dirigés par Marie-Andrée Roy, professeure au Département de sciences des religions et directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF), concernent les immigrantes de quatre communautés de la région métropolitaine : des Maghrébines de confession musulmane, des Cambodgiennes bouddhistes, des Tamoules hindoues d’origine sri lankaise et des Africaines pentecôtistes. Les chercheuses sont allées sur le terrain, ont participé à différents offices religieux et réalisé des entrevues avec des femmes et d’autres membres de ces communautés.
Menée en collaboration avec le Groupe de recherche interdisciplinaire sur le Montréal ethno-religieux (GRIMER), la recherche a un caractère exploratoire et poursuit plusieurs objectifs : identifier la place des valeurs religieuses dans la vie des immigrantes, connaître leur mode de participation à la vie citoyenne et au mouvement des femmes et cerner leur conception de l’égalité. «Nous souhaitons développer une solidarité féministe avec des femmes de différentes origines et contribuer à une meilleure compréhension du monde dans lequel elles vivent», souligne Marie-Andrée Roy.
En quête de stabilité
La place occupée par la dimension religieuse varie d’une communauté à l’autre. Si des Cambodgiennes s’identifient davantage à la culture générale du Bouddhisme qu’à ses pratiques spécifiquement religieuses, plusieurs Maghrébines demeurent attachées aux symboles religieux de l’Islam.
Les femmes de ces communautés veulent circuler librement, travailler, être autonomes et avoir accès à l’éducation. «Elles craignent toutefois que trop de liberté compromette certaines valeurs culturelles et religieuses : le devoir de réserve des femmes, la virginité avant le mariage et le respect du mari», note la directrice de l’IREF.
Elles n’ont pas vraiment de liens avec le mouvement des femmes, tout comme les Québécoises catholiques d’ailleurs. Souvent impliquées dans les écoles où sont inscrits leurs enfants, elles fréquentent les mosquées, temples et pagodes où elles donnent des cours de danse et de langues, font du ménage et la cuisine. «Pour ces femmes, comme pour beaucoup d’immigrants, les lieux de culte et la famille représentent des espaces de stabilité et de sécurité permettant d’exprimer pleinement leur identité», explique Marie-Andrée Roy.
Outils de vulgarisation
Les rapports hommes-femmes sont aussi perçus différemment selon les communautés et les générations, notamment par les jeunes qui apprennent à vivre la mixité dans les écoles. «Pour plusieurs immigrantes l’égalité ne doit pas effacer les différences entre les hommes et les femmes», observe Anne Létourneau. D’autres souhaitent par ailleurs un meilleur partage des tâches domestiques, comme les Québécoises, ajoute Janie Bolduc.
Bien que leur étude ne soit pas terminée, les chercheuses travaillent déjà à l’élaboration d’outils de vulgarisation destinés aux immigrantes et aux groupes de femmes appelés à intervenir auprès d’elles. Ces documents présenteront les grandes traditions musulmane, bouddhiste, hindoue et chrétienne, traiteront de la place que les femmes y occupent, et offriront des extraits d’entrevues.
Pour Marie-Andrée Roy, «toutes les traditions religieuses sont patriarcales. Les hommes y détiennent le pouvoir, cantonnent les femmes dans des positions inférieures et cherchent à exercer un contrôle sur leur corps et leur sexualité.» Cela dit, elle considère qu’il n’y a pas de solidarités féministes possibles sans la connaissance des particularismes culturels et religieux et sans la création d’espaces de discussion.»