Dix ans. C’est le chiffre qui a été avancé à la conférence internationale de Montréal sur Haïti, tenue à la fin janvier, pour évaluer le temps nécessaire à la reconstruction du pays.
Selon Pierre Toussaint, professeur au Département d’éducation et pédagogie et membre du Groupe de réflexion et d’action pour une Haïti nouvelle, il est possible de reconstruire en dix ans une partie des infrastructures, comme les routes, les écoles et les hôpitaux. Mais «il faudra compter au total 20 à 25 ans pour remettre la société haïtienne sur ses rails», soutient-il.
La priorité à court terme demeure l’aide humanitaire d’urgence, souligne Nicolas Lemay-Hébert, directeur de l’Observatoire sur les missions de paix de la Chaire Raoul-Dandurand. Et à ce chapitre, il accorde un A+ à la communauté internationale. «On doit aussi réfléchir à la reconstruction à long terme du pays, à un projet de développement économique et social durable en Haïti, ajoute-t-il. Beaucoup d’Haïtiens veulent reconstruire sur de nouvelles bases et souhaitent briser le cercle de la dépendance.»
Mais qui dirigera la reconstruction et quel rôle jouera le gouvernement haïtien?
Renforcer l’État haïtien
En raison de la faiblesse du gouvernement haïtien, les pressions sont fortes pour que soit mise sur pied une administration internationale capable de prendre les rênes de la reconstruction. «Il ne faut pas répéter les erreurs commises au Kosovo et au Timor oriental à la fin des années 90, rappelle toutefois Nicolas Lemay-Hébert. La communauté internationale avait alors marginalisé les acteurs locaux et pris en charge la reconstruction de ces pays, provoquant la colère des populations.» L’important, souligne le chercheur, est de renforcer la capacité d’agir de l’État haïtien et des organisations de la société civile.
«Tous doivent être dans le coup : le gouvernement, les entreprises locales, les ONG sur le terrain et la diaspora haïtienne. L’image de dévastation ne doit pas donner l’impression qu’il n’y a plus d’interlocuteur. La société haïtienne n’a pas été anéantie.»
Pour Pierre Toussaint, Haïti ne part pas de zéro. «Au lendemain du séisme, les Haïtiens ont fait preuve d’une formidable solidarité, dit-il. Ils n’ont pas attendu les bulldozers des pays étrangers pour porter secours aux victimes.» Rejetant toute forme de protectorat déclaré ou de tutelle déguisée, le professeur considère que la situation exceptionnelle en Haïti exige un gouvernement d’union nationale faisant appel à toutes les forces vives du pays. «Fragile, le gouvernement haïtien n’a pas le choix. Je suis convaincu qu’il tendra la main à tous ceux qui, à l’intérieur comme à l’extérieur, sont prêts à l’aider.»
Un rôle clé pour le Canada
Parmi tous les pays donateurs d’aide, le Canada peut jouer un rôle clé, affirme Pierre Toussaint. «Les Haïtiens n’entretiennent pas de méfiance à l’égard du Canada, qui n’a jamais été une puissance coloniale. En outre, il existe une longue histoire d’amour entre le Québec et Haïti. Le Québec compte plus de 130 000 Haïtiens. Plusieurs d’entre eux sont les enfants ou les petits-enfants d’Haïtiens qui ont quitté leur pays au tournant des années 60 pour venir s’établir au Québec.»
Selon Nicolas Lemay-Hébert, un acteur politique devra émerger au cours des prochains mois pour remettre systématiquement à l’ordre du jour la tragédie haïtienne avant qu’une autre catastrophe, ailleurs dans le monde, ne vienne la reléguer dans l’ombre. Le Canada peut jouer ce rôle.
La diaspora haïtienne doit également œuvrer à la reconstruction, poursuit Pierre Toussaint. «Avec des contributions de près de 2 milliards $ par année, elle constitue le principal bailleur de fonds du pays et pourrait ainsi participer à la création d’un fonds d’investissement d’environ un milliard de dollars.» Partisan lui aussi d’un fonds de reconstruction, Nicolas Lemay-Hébert souhaite que cette question soit à l’agenda de la prochaine rencontre internationale sur Haïti, qui doit se tenir au siège de l’ONU en mars prochain.
«Haïti, dont 40 % de la population est âgée de moins de 15 ans, peut renaître, lance Pierre Toussaint. Mais pour redevenir la «Perle des Antilles», Haïti devra se débarrasser de son étiquette de pays le plus pauvre de l’hémisphère.»
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Deux colloques sur la reconstruction
Le Groupe de réflexion et d’action pour une Haïti nouvelle, créé à Montréal le 12 janvier dernier, réunit plus d’une vingtaine d’organismes et de personnalités de la communauté haïtienne du Québec. Il organise deux colloques consacrés à la reconstruction d’Haïti. Le premier se tiendra les 4 et 5 mars, à l’École Polytechnique de Montréal, et sera ouvert à tous. Les discussions porteront sur dix grandes thématiques, dont l’aménagement du territoire et l’environnement, le développement économique et la création d’emplois, les infrastructures nationales, la reconstruction de l’État et la gouvernance, ainsi que le développement social et l’éducation. On peut voir la programmation au www.haiti-grahn.net/public/
Le second colloque, à caractère international, regroupera l’ensemble de la diaspora haïtienne à travers le monde et aura lieu à Montréal vers la mi-mai. Il tentera de dresser un plan global de reconstruction.
«Le Groupe de réflexion et d’action pour une Haïti nouvelle est le fruit d’une initiative citoyenne qui se veut inclusive, dit Pierre Toussaint. Nous avons cherché à réunir des gens de différents horizons qui avaient déjà travaillé ensemble. Notre objectif est de formuler des propositions concrètes au gouvernement haïtien avec lequel nous sommes en contact par l’intermédiaire du Consul d’Haïti à Montréal et du Chargé d’affaire pour Haïti à Ottawa.»
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Mesures d’aide pour les étudiants haïtiens
Le personnel du Service d’accueil des étudiants internationaux à l’UQAM invite tous les étudiants étrangers haïtiens désireux d’obtenir de l’information sur les différentes mesures d’aide interne à se présenter à ses locaux situés au pavillon De-Sève (DS-2330). Le Service pourra notamment donner toute l’information nécessaire concernant la mesure prise par le Gouvernement du Québec d’assumer, pour le trimestre d’hiver 2010, le paiement de la totalité des frais de scolarité des étudiants étrangers haïtiens inscrits dans les universités québécoises. À noter aussi qu’Immigration Canada émet gratuitement des permis de travail pour les étudiants haïtiens démunis financièrement qui en font la demande.
Fonds spécial
La Direction de l’UQAM a mis à la disposition du Service d’accueil des étudiants internationaux un fonds spécial d’aide destiné aux étudiants étrangers haïtiens. Une aide peut être accordée après analyse de la demande et de la situation financière de l’étudiant.
Services d’aide
Divers services de l’UQAM ont pris des mesures pour venir en aide aux étudiants d’origine haïtienne concernant les questions suivantes :
- Immigration, statut au pays, hébergement, questions financières : Service d’accueil des étudiants internationaux (local DS-2330; tél : 3579);
- Support psychologique : Services conseils (local DS-2110; tél : 3185);
- Paiement des droits de scolarité : Comptes étudiants (local DS-1110; tél : 3739).
«L’Association des étudiants d’origine antillaise a été très active et nous a fait part des besoins des étudiants haïtiens, raconte Hélène Durand, des Services à la vie étudiante. Plusieurs étudiants en détresse sont venus nous consulter. Certains voulaient abandonner leurs études, d’autres avaient le sentiment qu’ils n’avaient plus d’avenir. Au-delà de l’aide matérielle et financière, le soutien moral et psychologique est particulièrement important. Nous sommes là pour les écouter, les encourager et, selon les besoins, les orienter vers des ressources spécialisées.»
La Fondation recueille des dons
La Fondation de l’UQAM continue de recueillir auprès des diplômés, des étudiants et du personnel de l’Université des dons devant servir à un Fonds d’aide financière pour les étudiants haïtiens inscrits à l’UQAM et se trouvant dans le besoin. Ce Fonds sert notamment à des fins de dépannage urgent. On peut faire un don en ligne, en tout temps, au moyen du formulaire électronique accessible à l’adresse www.fondation.uqam.ca/donsenligne.htm ou encore demander par courriel à la Fondation (fondation@uqam.ca) un formulaire à retourner par courrier interne.
Contributions aux organismes humanitaires
De nombreux uqamiens ont répondu à l’invitation qui leur a été faite de contribuer à divers organismes humanitaires. On peut toujours déposer ses dons dans les boîtes de la Croix-Rouge installées aux postes de garde des pavillons Président-Kennedy (PK), de l’École des sciences de la gestion (R) ou au Centre opérationnel de sécurité (COS), situé au local A-M865, du pavillon Hubert-Aquin. Toute personne désireuse d’apporter de l’aide peut aussi s’adresser, selon son choix, aux organismes humanitaires suivants : le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI), Médecins du monde, Médecins sans frontières, la Coalition humanitaire et la Fondation Paul-Gérin-Lajoie.