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Vers une troisième génération de diplômés

Par Anne-Marie Brunet

15 avril 2010 à 9 h 04

Mis à jour le 28 août 2018 à 11 h 08

C’est en empruntant une serviette au comptoir de prêt de matériel sportif que Lorraine Lamoureux (B.Sp. enseignement/éducation physique, 75) a d’abord remarqué l’étudiant appariteur que tous surnommaient Charly. Ce dernier se souvient de la jeune femme coiffée d’une casquette de baseball. «Nous nous sommes rencontrés en jouant à la balle molle, se rappelle Gilles Beauchamp (B.Sp. enseignement/éducation physique, 74). Nous avions une ligue amicale à l’université et Lorraine entraînait l’équipe adverse. Je voulais discuter de stratégie avec elle.» Mais ce qui a fait craquer Lorraine, c’est lorsque le jeune sportif fit jouer ses relations au Café Campus pour lui épargner un long moment d’attente à l’extérieur. «Après trois semaines de fréquentations, comme je ne connaissais toujours pas le vrai prénom de Charly, je me suis enfin décidée à le lui demander», raconte Lorraine Lamoureux en riant.

L’année suivante, les amoureux apprennent à mieux se connaître. Lorraine est alors en deuxième année de bac à l’UQAM et Gilles est finissant. À peine diplômé, ce dernier obtient son premier poste de professeur d’éducation physique à l’école Curé-Antoine-Labelle de Laval. Sa première stagiaire est nulle autre que sa fiancée, maintenant finissante, qui deviendra bientôt sa femme. Le 6 juillet 1974, les tourtereaux convolent en justes noces et, en 1976, Lorraine donne naissance à Janie, l’aînée de leurs trois enfants, future diplômée de l’UQAM…

De l’enseignement à la formation des maîtres

Dans leur vie professionnelle comme aux études, Lorraine et Gilles continuent d’avoir des parcours parallèles. En 1989, quand ce dernier s’inscrit à la maîtrise en psychoéducation à l’Université de Montréal, son épouse le suit peu de temps après. Le couple s’intéresse surtout à la formation des maîtres. «En tant qu’enseignants, nous recevions beaucoup de stagiaires et il nous arrivait souvent de les ramasser à la petite cuiller», raconte Lorraine Lamoureux.

En 1991, après 20 ans d’enseignement en éducation physique, Lorraine Lamoureux sort du gymnase pour aller travailler à l’Université de Montréal, où elle devient responsable des stages. Elle participe au développement du nouveau baccalauréat de quatre ans en sciences de l’éducation. L’expérience qu’elle acquiert alors lui vaut d’être nommée responsable de la coordination des stages à la Commission scolaire de Laval, d’où elle était partie 18 mois plus tôt. Quelques années plus tard, elle met sur pied un projet pilote ayant pour objectif de favoriser l’insertion des enseignants dans leur nouvelle profession. Ce projet est devenu le Programme d’insertion professionnelle destiné au personnel enseignant débutant et a remporté le Prix d’excellence en innovation pédagogique de la Fédération des commissions scolaires en 2001.

La réalité du milieu : un choc

Pour les jeunes enseignants, la réalité du milieu scolaire constitue souvent un choc. Les nouvelles recrues doivent souvent conjuguer des conditions de travail difficiles, une nouvelle carrière, une jeune famille et parfois des études qui se poursuivent. On estime que 20 % environ des enseignants du primaire et du secondaire quittent la profession au cours de leurs cinq premières années de carrière. «Les futurs enseignants sont très bien encadrés durant leur stage, mais dans bien des cas, une fois qu’ils sont embauchés, on ne leur offre plus aucun soutien. C’est cette situation que nous avons voulu corriger», explique la pédagogue.

Depuis, elle a créé le Carrefour national de l’insertion professionnelle en enseignement (CNIPE), un programme subventionné par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) qui a pour mission de donner du soutien à toutes les commissions scolaires pour accueillir, retenir et accompagner les nouveaux membres de la profession. Comme si ce n’était pas assez, cette femme énergique a été, pendant sept ans, présidente du Comité d’orientation de la formation du personnel enseignant, chargé de fournir des avis au ministre de l’Éducation sur des questions reliées à la formation initiale des maîtres, à la formation continue et à l’insertion professionnelle.

À l’UQAM, Lorraine Lamoureux a partagé son expertise avec des étudiants de la maîtrise comme chargée de cours et au Service de formation continue. Elle a également participé à l’élaboration du programme court de 2e cycle en mentorat offert par la Faculté de communication. Sa carrière exceptionnelle lui a valu d’être nommée ambassadrice lors des retrouvailles de diplômés de la Faculté des sciences de l’éducation, en septembre dernier.

Également nommé ambassadeur, son conjoint est lui aussi reconnu dans le milieu de l’enseignement pour son expertise dans la supervision de stages. À la retraite de l’enseignement depuis trois ans, il continue son travail comme superviseur de stages pour les étudiants de deuxième année du baccalauréat à l’Université de Montréal. «J’accompagne les étudiants depuis 20 ans et je vais continuer aussi longtemps que je pourrai les aider», dit-il.

Depuis le 12 février dernier, Lorraine Lamoureux est, à son tour, «officiellement» à la retraite. Compte-t-elle ralentir? «J’avais des occupations équivalant à 150 % d’une tâche à plein temps. Je me garde un petit 50 %…» Pour le moment, elle envisage de se consacrer deux jours par semaine au CNIPE et de continuer la supervision de stages avec son mari. Au fil des ans, ces deux-là ont souvent travaillé ensemble. Pendant une douzaine d’années, ils ont même été enseignants en éducation physique à la même école secondaire. «Nous sommes tricotés serré. L’insertion professionnelle et la formation de la relève, c’est notre mission», affirme Lorraine Lamoureux.

Janie

Leur fille Janie Beauchamp (M.A. sciences des religions, 09) s’intéresse aux questions religieuses. Après un détour en anthropologie dans une autre université, c’est à l’UQAM qu’elle a trouvé sa place. «Le mode d’enseignement me correspondait mieux, les professeurs étant entre autres plus accessibles. Je trouvais qu’à l’UQAM on apprenait à devenir citoyen en plus d’acquérir des connaissances», affirme la jeune femme, qui a terminé son bac en 2001.

Après avoir donné naissance à sa fille Pénélope, en 2004, Janie est revenue à l’UQAM pour compléter une maîtrise en sciences des religions, cette fois avec une concentration en études féministes. La jeune maman, qui vient de donner naissance à un deuxième enfant, le petit Lylian, est agente de recherche pour le Réseau des femmes en environnement et également assistante de recherche à la Téluq.

Une troisième génération?

Lorsqu’elle fréquentait la garderie Mamuse, au pavillon Hubert-Aquin, Pénélope disait souvent : «Je vais à l’UQAM, moi aussi», faisant rire toute la famille. Dans quelques années, elle et son frère Lylian y feront peut-être leurs études, comme leur maman et leurs grand-parents Lamoureux et Beauchamp?

Source:
INTER, magazine de l’Université du Québec à Montréal, Vol. 08, no 1, printemps 2010.