Pendant que le pays n’en a que pour la grippe A(H1N1), d’autres virus continuent leur sombre dessein dans une relative indifférence. C’est le cas du VIH, qui a disparu de l’écran radar médiatique depuis une quinzaine d’années. «On n’en meurt plus aussi rapidement qu’avant, mais il n’y a pas encore de cure, ni de vaccin prometteur», rappelle Joanne Otis, professeure au Département de sexologie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éducation à la santé.
Une enquête menée en 2005 à Montréal révélait que 12,5 % des hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes sont porteurs du VIH et que le quart d’entre eux l’ignorent. Voilà qui est inquiétant, surtout lorsque l’on ajoute les données d’une autre étude, selon laquelle 50 % des nouvelles infections au VIH auraient été transmises par des personnes séropositives depuis moins de six mois. Dans ce contexte, est-il besoin de préciser que le dépistage précoce de l’infection et les efforts de prévention sont plus que jamais d’actualité?
Le projet SPOT, un service de dépistage du VIH rapide, gratuit et anonyme «qui s’adresse aux gars qui baisent avec des gars», selon le slogan, a vu le jour pour répondre à ces besoins. «Nous souhaitons rejoindre des hommes qui ont une vie sexuelle impliquant plusieurs partenaires et qui ne passent jamais ou très peu de tests de dépistage», explique Joanne Otis.
Les participants qui se présentent au site communautaire de dépistage de SPOT, situé rue Amherst, dans le Village, ou dans l’une des trois cliniques médicales partenaires du projet (L’Actuel, L.O.R.I. ou Quartier latin) ont à remplir un questionnaire dressant le bilan de leurs pratiques sexuelles, puis choisissent avec un infirmier le test de dépistage rapide (piqûre au bout du doigt et résultat lors de la même rencontre) ou le test standard (prise de sang et résultat trois semaines plus tard).
Un projet novateur
Le projet SPOT va au-delà du dépistage. «C’est un projet novateur qui fait appel à l’expertise de gens du milieu communautaire, médical et de la recherche qui ont à cœur le combat contre le VIH depuis longtemps, mais qui n’ont jamais eu l’occasion de travailler ensemble», explique Joanne Otis, qui assure la direction scientifique des volets psychosocial et évaluatif de SPOT. Le professeur Mark A. Wainberg, de la Faculté de médecine et du département de microbiologie et immunologie de l’Université McGill, assure la direction scientifique du volet virologique, tandis que Robert Rousseau, directeur général d’Action Séro Zéro, est co-chercheur principal pour le volet d’analyse d’implantation du projet en milieu communautaire.
«Pour la première fois, des intervenants communautaires prennent en charge une partie de l’intervention en pré et en post-counseling», explique Claire Thiboutot qui, à titre de coordonnatrice, veille à l’arrimage entre les différents volets scientifiques du projet et les activités de recherche et d’intervention sur le terrain. «En pré-counseling, on s’assure de la motivation de la personne à passer le test et de sa capacité à recevoir un résultat positif, précise-t-elle, tandis qu’en post-counseling, nous l’accompagnons dans son cheminement en fonction du résultat.»
«Habituellement, le post-counseling est très moralisateur et prescriptif, poursuit Joanne Otis. Or, nous en développons une nouvelle forme, basée sur l’entretien motivationnel, où la personne définit elle-même ses besoins et ses objectifs. Ce sont les participants qui choisissent les stratégies de réduction des risques qu’ils souhaitent adopter. Nous allons comparer l’impact de ces deux pratiques de counseling.»
«Nous ne sommes plus uniquement des observateurs, car les éléments de recherche nourrissent au fur et à mesure les intervenants sur le terrain», ajoute le professeur Martin Blais, du Département de sexologie, l’un des co-chercheurs. Pendant les 18 mois du projet, l’équipe espère effectuer 4 125 tests de dépistage, ce qui représente un échantillon de 2 500 à 3 000 hommes (certains se feront tester plus d’une fois). «La communauté gaie est très généreuse, elle est habituée de participer à des recherches et reconnaît leur valeur, conclut Joanne Otis. Cela nous incite à publier rapidement nos résultats, d’autant plus que nous voulons contribuer à la transformation des pratiques pour avoir un impact sur la santé des gens.»
Sur le Web: www.spottestmontreal.com