Le label ISO, réputé internationalement, n’est pas une abréviation. C’est un dérivé du mot grec isos, qui signifie «égal». Ce label de gestion de la qualité est contrôlé par une organisation internationale basée à Genève, l’Association internationale de normalisation, fondée en 1946 pour unifier les normes industrielles de chaque pays et garantir la compatibilité des produits. Il existe des centaines de normes ISO, dans tous les domaines de l’économie. «Jusqu’ici, on parlait surtout de normes techniques, note Marie-France Turcotte, professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale. Puis, on a vu émerger des normes relatives à l’environnement, comme les normes de la famille ISO 14 000, apparues à la fin des années 1990. Aujourd’hui, on développe des normes à caractère social.»
Ces nouvelles normes émanent de l’initiative de groupes de la société civile qui ont vu dans la popularité grandissante des normes internationales «une nouvelle stratégie à mettre en œuvre pour influencer le comportement corporatif», explique la chercheuse. Pour ces groupes, qui, traditionnellement, font pression sur l’État pour obtenir des réglementations, la logique est la suivante : si les entreprises sont prêtes à se conformer à des normes pour faire des affaires sur la scène internationale, il faut leur en proposer qui soient d’ordre social ou environnemental. «Les meilleures voudront acquérir ces certifications pour se distinguer de la concurrence et seront par le fait même obligées d’améliorer leurs pratiques», indique Marie-France Turcotte.
Des normes contraignantes
Il existe déjà, dans le domaine social, des normes internationales comme celles de l’Organisation internationale du travail. Pour s’assurer que ces normes soient appliquées par les entreprises, des organismes privés ont commencé à développer de nouveaux labels de qualité. Seules les compagnies qui montrent patte blanche dans le domaine des droits du travail, par exemple, ont le droit d’arborer le logo du Fair Labor Association. Le SA (Social Audit) 8000 est une autre de ces normes développées au cours des dernières années dans le domaine des relations de travail et du respect des droits de la personne.
Depuis quatre ans, la chercheuse suit avec intérêt les travaux entrepris pour la mise au point de la nouvelle norme de responsabilité sociale ISO 26 000. «Le processus même est extrêmement complexe», note la professeure. En effet, il ne suffit pas de s’entendre, entre représentants d’une industrie, sur un certain nombre de critères techniques. Pour définir une norme dans un domaine aussi vaste que la responsabilité sociale, il faut regrouper des représentants de différents secteurs de l’économie, des parties patronales et syndicales, des groupes de défense des droits de la personne, des gouvernements. Il faut prendre en compte des enjeux économiques reliés à l’importation et à l’exportation, mais aussi aux cultures nationales. Les notions touchant, par exemple, la qualité des conditions de travail varient énormément d’une culture à l’autre.
«On a limité le nombre de participants de chaque pays, dit la chercheuse, mais ce sont quand même plus de 550 personnes qui se réunissent périodiquement pour tenter de trouver un terrain d’entente.» Le Groupe de travail pour la responsabilité sociétale de l’ISO tiendra sa septième réunion plénière du 18 au 22 mai prochain à Québec pour tenter de faire avancer ce dossier. Mais, selon Marie-France Turcotte, la rencontre risque fort d’aboutir à un report de la date prévue pour le lancement du nouveau label.
Un label crédible?
En plus de la difficulté d’en arriver à un consensus sur un sujet aussi complexe que la responsabilité sociale, certains s’interrogent sur la portée réelle de ce nouvel instrument de contrôle de la qualité. Ainsi, des organismes comme Amnistie internationale ont claqué la porte du groupe de travail, jugeant que le caractère non contraignant d’ISO 26 000 lui enlèvera toute crédibilité. En effet, il a été décidé que la nouvelle norme ISO, contrairement à d’autres, serait accordée sur la base d’une déclaration de conformité de l’entreprise, sans vérification externe par un tiers indépendant.
«Ce sera une faiblesse d’ISO 26 000, concède Marie-France Turcotte. Mais la force d’ISO, c’est sa réputation. Si ISO dit qu’il faut s’occuper de responsabilité sociale, cela a du poids. Établir une norme ISO, c’est participer à l’élaboration d’un idéal et d’une référence internationale en matière de responsabilité sociale.»