Voir plus
Voir moins

Reconstruire la Nouvelle-Orléans

Par Pierre Lacerte

4 mai 2009 à 0 h 05

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Le 29 août 2005, Katrina s’abattait sur les bayous de la Louisiane, laissant dans son sillage 1 836 morts, 705 disparus, en plus de détruire digues, infrastructures et submerger 150 000 maisons. À l’époque, en regardant à la télé, la ville dévastée à 90 %, 25 jeunes étudiants de la fin du secondaire qui ne se connaissaient pas ne pouvaient se douter que près de quatre ans plus tard, cet ouragan de force 5 les pousserait jusqu’à la Nouvelle-Orléans.

Guidés par le chargé de cours Romain Roult et le professeur Sylvain Lefebvre, les géographes en herbe ont rencontré sur place des hommes d’affaires, des élus municipaux et des universitaires. En arpentant la ville meurtrie, ils ont aussi croisé des rescapés du déluge.

Chacun conserve en mémoire ses propres images saisissantes. «Même si la ligne de démarcation des eaux sur les murs avait disparu, raconte Aline Jestin, on pouvait encore compter sur certaines façades les croix qui avaient été dessinées pour indiquer le nombre de personnes retrouvées mortes à l’intérieur des maisons. C’était très troublant.» Bien qu’une bonne partie des rues ont été repavées dans le Lower 9th, l’une des zones les plus pauvres et les plus touchées, Cindy Olivier, elle, garde l’image de cette maison reconstruite au milieu de terrains vagues jonchés des carcasses de vélos d’enfants. «Je serais incapable de vivre dans une maison comme ça, au milieu de rien. Le soir, c’est absolument impressionnant.»

Refaire une ville

Les étudiants, divisés en quatre groupes, doivent se demander dans leur exercice de simulation s’il faut reconstruire et pourquoi? On exige aussi qu’ils expliquent de quelle façon ils entendent procéder. «Il y a tellement de paramètres à considérer, dit Martin Côté, qu’on se sent parfois submergés. C’est un vrai casse-tête.»

Ils ne sont pas les premiers à s’arracher les cheveux devant la complexité du dossier. Depuis la catastrophe, des dizaines d’experts ont élaboré autant de stratégies de réhabilitation. En 2006, par exemple, des urbanistes qui trouvaient insensé de rebâtir sur des terres qui s’enfoncent inexorablement avaient suggéré de reconstruire une cité plus compacte sur les terres plus élevées. Mais cela avait soulevé un tollé chez la population afro-américaine qui vivait en majorité dans les zones sous le niveau de la mer. Malgré la précarité de l’emplacement, chacun défendait bec et ongles sa petite parcelle marécageuse. Outre les considérations morphologiques du terrain, les enjeux sociaux, économiques et politiques suscitent toutes sortes de tensions avec lesquelles les étudiants doivent jongler.

La simulation

«Nous avons eu la chance de pouvoir éplucher les vrais rapports des experts sur le terrain, raconte Maude-Émilie Lapointe. C’est à partir de tout ça que nous élaborons notre propre projet de reconstruction.»

Comme s’ils avaient besoin de rendre la chose encore un peu plus complexe, les futurs géographes ont vu un autre facteur s’ajouter au défi. Les étudiants du cours GEO 6200 qui participaient à cette simulation ne sont pas tous originaires du Québec. «La façon de concevoir l’aménagement urbain ici, aux États-Unis ou en Europe peut être très différente, souligne Stéphanie Roubaty, originaire de Suisse. Cela a suscité pas mal de débats intéressants. En bout de ligne, nous avons tous eu à nous ajuster.»