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Persévérance scolaire : la table est mise

Par Angèle Dufresne

21 septembre 2009 à 0 h 09

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Éric Dion, professeur au Département d’éducation et formation spécialisées, qualifie de positif le train de mesures annoncées par la ministre Michelle Courchesne, le 9 septembre dernier, pour contrer le décrochage scolaire (L’école, j’y tiens ! – Tous ensemble pour la réussite scolaire). En lien avec ses recherches sur le terrain, menées en collaboration avec des chercheurs des universités Vanderbilt (Nashville, Tennessee) et Tufts à Boston, ce spécialiste de l’enseignement de la lecture dans les milieux défavorisés au primaire se réjouit particulièrement des mesures 5, 2, 4 et 9 du programme ministériel.

Nombre d’élèves par classe (5)

Abaisser à 20 le nombre d’élèves par classe au primaire en milieu défavorisé et à 26 dans les autres milieux crée un potentiel pédagogique fort intéressant, souligne le professeur. Cela favorise un contact plus suivi de l’enseignant avec chaque élève et un meilleur apprentissage pour l’élève, sans compter l’apport d’un grand nombre de nouvelles recrues au niveau primaire. Mais cela est-il garant d’une amélioration de la qualité de l’enseignement ?

Aux yeux d’Éric Dion, il n’y a pas, dans le document de la ministre, beaucoup de discussions sur la pédagogie en classe, sur les moyens d’action ou les différents outils qui permettraient aux enseignants de mieux enseigner.

Cibles de réussite (2)

Le fait d’obliger les commissions scolaires à établir des objectifs mesurables et des cibles de réussite pour chacune de leurs écoles de façon à hausser à 80 % le taux de diplomation des jeunes de moins de 20 ans, d’ici 2020, «n’est pas une mauvaise chose», selon le professeur Dion. Il est important de créer un sentiment d’obligation auprès des commissions scolaires, mais s’il n’est pas assorti de «conséquences» dans le cas où les cibles ne seraient pas atteintes, cela ne fera que «brasser beaucoup de papier» et ne changera rien en bout de ligne.

Préparer l’entrée à l’école (4)

Hausser de 15 000 places, d’ici 2013, la capacité d’accueil des services de garde, particulièrement en milieux défavorisés, présente un «beau potentiel» de réussite, mais là encore, «si on ne peut assurer la qualité des services offerts aux enfants de 4 ans, on risque de passer à côté de quelque chose de très important». Et on n’atteindra malheureusement pas la professionnalisation souhaitée des éducatrices en services de garde en continuant à les rémunérer comme des techniciennes.

Activités parascolaires (9)

Augmenter l’offre d’activités parascolaires sportives au secondaire, particulièrement auprès des garçons, est «hyper important» pour développer le sentiment d’appartenance à l’école et abaisser la délinquance dans les quartiers. Pour Éric Dion, c’est le nerf de la guerre et on devrait mettre en place immédiatement une ou deux équipes de football, de basketball ou de hockey dans chaque école secondaire des quartiers défavorisés.

De telles mesures ont été bien étudiées aux États-Unis et ont fait leurs preuves. Le professeur a des réserves toutefois en ce qui concerne les activités culturelles : un étudiant qui a de la difficulté à lire n’appréciera pas de participer à un club de lecture ou à une représentation théâtrale.

Des problèmes structuraux

Le pédagogue précise que deux problèmes de taille n’ont pas été soulevés dans le programme de la ministre Courchesne, parce qu’ils sont sans doute très difficiles à aborder politiquement. Le premier concerne l’approche socio-constructiviste des apprentissages – modèle en vigueur depuis l’implantation de la réforme en éducation – qui n’est pas adapté aux élèves en difficulté. La recherche a démontré que ce qui fonctionne particulièrement bien, c’est l’enseignement explicite : l’enseignant donne des explications claires, présentées de façon attrayante, suivies d’une mise en application immédiate afin de favoriser l’apprentissage.

«Tant que l’on ne remettra pas en question le mode d’enseignement courant, on court à la faillite avec une certaine clientèle : c’est comme essayer de monter Hamlet sans que le personnage principal – Hamlet – soit au rendez-vous», dit-il.

Le second problème, particulièrement évident au niveau secondaire, tient au fait qu’on laisse coexister deux systèmes parallèles : l’un public et dévalorisé, l’autre privé et sélectif qui, grâce aux généreuses subventions qui lui sont accordées, est facilement accessible aux parents de la classe moyenne. La concentration de jeunes à risque qui se retrouvent dans le système public devient un facteur de décrochage. «Dans certaines écoles de l’île de Montréal où 60 % des élèves quittent avant la fin de leurs études, la norme n’est plus l’obtention du diplôme, mais le décrochage», de préciser le professeur.