«Le journalisme est plus qu’un métier, c’est une question de personnalité», affirme Alec Castonguay (B.A. communication, 03), reporter au quotidien Le Devoir et l’un des plus jeunes correspondants parlementaires à Ottawa, où il a atterri en 2004, à l’âge de 24 ans. «Je n’ai jamais l’impression de travailler, car j’adore comprendre le monde qui m’entoure et tenter de le rendre intelligible pour les lecteurs.»
Spécialiste du domaine militaire et de la guerre en Afghanistan, Alec Castonguay est devenu l’an dernier le premier Québécois à rafler le prix Ross Munro, remis à un journaliste canadien couvrant les activités du ministère de la Défense. Il a aussi remporté un prix de l’Association des magazines du Québec, ainsi que le prix Judith-Jasmin pour son portrait de l’ancien chef d’état-major de la Défense, Rick Hillier, publié dans le magazine L’actualité. «Quand on fait des erreurs, dans ce métier, on se le fait dire rapidement, dit-il en riant. C’est plutôt rare que l’on reçoive des félicitations, alors un prix, c’est un peu comme une tape dans le dos. C’est apprécié.»
Même son de cloche du côté de Caroline Touzin (B.A. communication, 06), embauchée à La Presse en 2004 à l’âge de 21 ans. L’année suivante, elle est devenue la première francophone à remporter le prix Edward Goff Penny, décerné à la meilleure jeune journaliste de moins de 25 ans au Canada. «Ce fut une belle façon d’amorcer ma carrière», avoue la jeune femme, spécialisée dans le domaine judiciaire et les affaires sociales.
«Il y a mille raisons d’aimer ce métier, la première étant l’occasion de rencontrer des gens que je ne rencontrerais jamais autrement, souligne-t-elle avec enthousiasme. La richesse de ces rencontres, doublée du plaisir d’écrire et de raconter des histoires, est ce que j’apprécie le plus.»
En mode apprentissage
Journaliste culturelle au Journal de Montréal, Claudia Larochelle (B.A. communication, 00) est également chroniqueuse à VOX et à la radio de Radio-Canada. «Ce n’est assurément pas un métier dans lequel on s’éteint, car on est toujours en mode apprentissage», note la jeune femme. «J’aime me lever le matin et ne pas savoir ce qui m’attend», confie, lui aussi, Pierre-André Normandin (B.A. communication, 04), responsable des affaires municipales au quotidien Le Soleil. «J’ai déjà couvert un sujet à l’hôtel de ville de Québec le matin et un autre à Calgary en fin de journée», raconte-t-il.
Pierre-André Normandin constate avec amusement que les articles dont il est le plus fier – ses reportages réalisés en Afghanistan et en Haïti, entre autres – ne sont pas nécessairement ceux qui font le plus réagir. «Il n’y a jamais autant de réactions des lecteurs que lorsqu’il est question de sujets locaux, comme le nombre de contraventions ou le déneigement… L’un de mes textes sur la météo a même été le plus lu du Soleil sur le site de Cyberpresse en 2008 ! »
De leur passage à l’UQAM, ces jeunes reporters ont retenu les précieux conseils de leurs professeurs et chargés de cours – les Pierre Bourgault, Judith Dubois, Antoine Char, Alain Gravel et Brian Myles, entre autres – qu’ils évoquent avec respect et reconnaissance. «Lors d’un premier cours, Alain Gerbier nous avait demandé de rédiger le portrait de quelqu’un que nous admirions, raconte Pierre-André Normandin. Nous avions tous été trop complaisants et avions récolté une mauvaise note. La leçon : ne jamais se départir de son esprit critique!»
Tous ces journalistes sont passés par le Montréal Campus, le journal étudiant de l’UQAM, un véritable «bac dans le bac» où ils ont appris autant que dans leur cursus officiel. «J’y ai réécrit des textes un nombre incalculable de fois, ce que l’on ne fait pas dans le métier, faute de temps», se rappelle Claudia Larochelle.
Tous constatent que les journalistes de la relève apportent dynamisme et créativité dans les salles de rédaction. Pour trouver de bons sujets et établir leur crédibilité, ces jeunes qui débordent d’ambition ne comptent pas leurs heures. «Nous proposons des sujets qui touchent les jeunes auditeurs, constate Bruno Coulombe (B.A. communication, 01), reporter à la Première Chaîne de Radio-Canada. Ça tombe bien, car ceux-ci ne sont pas désintéressés de la vie publique, au contraire! Ils ont soif d’être informés.»
L’audace, toutefois, n’empêche pas de profiter de la sagesse des vieux routiers. «Je les adore, je ne veux pas qu’ils partent! s’exclame Claudia Larochelle à propos de ses collègues plus âgés. Je pense particulièrement aux femmes qui ont lutté pour faire leur place dans les salles de rédaction et qui sont aujourd’hui respectées et appréciées à leur juste valeur.»
Une nouvelle donne
Malgré leur courte expérience, ces jeunes journalistes observent déjà des changements dans la façon de pratiquer leur métier. La multiplication des chaînes télévisées de nouvelles en continu, par exemple, a changé la donne. «Lorsqu’un événement survient, nous devons être le plus rapidement possible en ondes», dit Catherine Gauthier (B.A. art dramatique, 99 ; B.A. communication, 02), qui a reçu son baptême du feu lors de l’effondrement du viaduc de la Concorde, en 2006, et qui est aujourd’hui correspondante au réseau télévisé RDI pour l’Est du Québec.
Son collègue de Radio-Canada, Bruno Coulombe, tient le même discours. «La couverture d’événements en direct demande une grande présence d’esprit, avoue-t-il. Il faut vérifier les faits, organiser les informations rapidement et les livrer le plus clairement possible. Je n’ai pas eu le temps de comprendre l’information n’est pas une excuse valable dans notre milieu.»
Dans les salles de nouvelles, la technologie numérique permet désormais de travailler plus rapidement tout en étant créatif. Bruno Coulombe aime cet aspect de son travail. «J’adore le fignolage et l’habillage sonore, tout ce qui touche au montage», affirme le jeune homme, qui concocte des reportages pour les bulletins de nouvelles et certaines émissions d’affaires publiques telles Dimanche magazine et Désautels.
L’avènement du Web et de nouveaux modes de communication a aussi modifié leur travail. Lorsque Caroline Touzin a été embauchée à La Presse, voilà à peine cinq ans, le site Web de Cyberpresse en était encore à ses balbutiements. «Aujourd’hui, lorsque je couvre une conférence de presse, je dois envoyer le plus rapidement possible une breaking news, c’est-à-dire deux ou trois paragraphes, que je transmets avec mon appareil mobile», dit-elle.
Depuis deux ans, le courriel a remplacé le téléphone au sein de plusieurs ministères, mais la prolifération des appareils mobiles ne facilite pas le travail pour autant. «Il est plus difficile qu’auparavant de joindre directement un ministre pour lui poser des questions de vive voix», déplore Alec Castonguay. En revanche, les attachés de presse adorent le courriel et les journalistes doivent constamment être sur le qui-vive. «Je reçois fréquemment des convocations par courriel à 4h du matin pour m’avertir qu’une conférence de presse est prévue à 8h!», dit le journaliste.
Plateformes et contenus
Le mot le plus à la mode dans leurs milieux respectifs : multiplateformes. À Radio-Canada, par exemple, l’intégration radio-télé-Internet est amorcée depuis quelques mois. La réorganisation du travail est au cœur du renouvellement de la convention collective au Journal de Montréal. Quelques projets multimédias sont tentés ici et là, mais la formule idéale reste à définir en ce qui concerne la livraison de l’information sur le Web. «Les plateformes devront s’adapter aux contenus, et non l’inverse», soutient Pierre-André Normandin.
Peu importe le modèle qui sera mis de l’avant, tous espèrent conserver ce qu’ils ont de plus précieux : du temps pour écrire de bonnes histoires. «Chaque année, au congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, un conférencier vient nous annoncer la mort des journaux papier, mais je n’y crois pas vraiment, déclare Caroline Touzin. Les journalistes des grands quotidiens sont presque les seuls qui réalisent de grandes enquêtes, qui dénichent des histoires pertinentes et qui en rendent compte de façon détaillée au public.»
«L’âge d’or des médias papier est révolue et le support risque de changer, croit pour sa part Alec Castonguay, mais nous aurons toujours besoin de journalistes pour analyser les événements en profondeur. L’information de qualité se paie et sera toujours en demande afin que nous puissions, en tant que société, débattre des enjeux qui nous touchent et prendre des décisions éclairées.»