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Marketing de la mode: des stratégies à repenser

Par Marie-Claude Bourdon

21 septembre 2009 à 0 h 09

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Réductions de 25 %, 50 % ou 75 %, cadeaux à l’achat et programmes de fidélité n’ont que très peu d’influence sur le comportement des consommatrices, démontre une étude dirigée par Serge Carrier, professeur au Département de management et technologie et directeur de l’École supérieure de la mode depuis deux ans. «La seule promotion qui fonctionne un peu, ce sont les rabais, dit-il. L’acheteuse moyenne n’ira pas dans un magasin parce que celui-ci annonce des rabais et les rabais ne l’inciteront pas à acheter des articles qu’elle ne veut pas, mais elle achètera peut-être davantage de choses dont elle a besoin.»

L’étude, menée par le chercheur à la maîtrise Stéphane Jean, a porté sur près de 400 questionnaires soumis dans plusieurs régions de la province à des consommatrices âgées entre 44 et 63 ans. «Les femmes baby-boomers constituent le plus important segment de la clientèle dans le secteur du vêtement, note Serge Carrier. Cela s’explique facilement. D’abord, les femmes sont responsables de 80 % des achats dans le domaine de la mode, ce qui n’est pas étonnant si l’on considère qu’elles achètent pour elles, mais aussi pour leurs maris et leurs enfants. Ensuite, parmi les consommatrices, les baby-boomers sont celles qui ont la plus grande capacité financière.»

La sagesse des consommatrices

Selon les chercheurs, ces consommatrices plutôt sages seraient imperméables aux stratégies telles que les cadeaux promotionnels offerts avec l’achat de divers articles. «On suppose que les cadeaux fonctionnent davantage avec les jeunes, dit le directeur de l’École de la mode. Ce serait à vérifier.»

Quant aux programmes de fidélité – qui permettent d’obtenir un dixième soutien-gorge gratuit ou une réduction après un certain nombre d’achats poinçonnés sur une carte -, ils semblent susciter un peu plus d’intérêt en région. «On peut formuler l’hypothèse qu’il est plus facile de créer un sentiment de fidélité en région, où l’offre est moins abondante et diversifiée qu’au centre-ville», avance Serge Carrier. Mais encore là, prévient-il, l’intérêt est faible et la différence à peine significative entre consommatrices des villes et consommatrices des champs.

Est-ce que les gens se cachent d’acheter à rabais quand ils répondent aux questions du sondage? «En principe, si certaines se cachent, d’autres voudront se montrer des consommatrices averties en disant qu’elles achètent à rabais, note Serge Carrier. On s’attendrait donc à un équilibre, mais ce n’est pas le cas. Selon ce qu’elles nous disent, les consommatrices sont très peu influencées par les promotions. Les rabais vont faire augmenter leur consommation, mais ne les inciteront pas à se déplacer.»

Ces résultats ont quelque peu déçu les chercheurs. «Nous aurions préféré montrer que ces stratégies fonctionnent», avoue le professeur. Selon lui, il y a toutefois un intérêt à être situé dans un centre d’achats ou une aire commerciale. «Les gens ne viendront pas sur Sainte-Catherine parce que tu fais une promotion, mais s’ils viennent sur Sainte-Catherine et que tu es en mode promotion, ils vont peut-être aller chez toi et acheter davantage.»

Superficielle, la mode?

En mai dernier, Serge Carrier et son étudiant présentaient ces résultats au congrès de l’ACFAS. «Les études sur le domaine de la mode ne sont pas prises suffisamment au sérieux, dit-il. En marketing, on peut parler de toutes sortes de choses – de voitures, d’alimentation, de Viagra -, mais la mode est vue comme un sujet un peu superficiel. Pourtant, la mode constitue une industrie importante. En Amérique du Nord, Montréal reste la troisième ville dans l’industrie du vêtement, après New York et Los Angeles.»

En plus de ses professeurs qui se consacrent à la recherche création, l’École supérieure de la mode compte une petite équipe dynamique de chercheurs dans le domaine du management et du marketing de la mode, souligne son directeur. Entre autres, Michèle Beaudoin conduit des recherches sur les entreprises du secteur dirigées par une dyade formée d’un créateur et d’un administrateur. Quant à Jocelyn Bellemare, il s’intéresse à un outil Internet qui permettrait d’entrer nos mesures corporelles pour trouver les vêtements qui nous correspondent : le «sur mesures» de masse.

La particularité de l’École est de garder des liens étroits avec le milieu, note Serge Carrier. «Les gens de l’industrie sont toujours très intéressés par nos résultats de recherche.»