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Les murs sont de retour

Par Claude Gauvreau

19 octobre 2009 à 0 h 10

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

«Depuis quatre ans, nous avions en tête l’idée d’organiser un colloque sur l’érection de murs et de barrières à l’échelle internationale. Nous avons lancé un appel de communications en janvier dernier et la réponse fut immédiate et enthousiaste», raconte Élisabeth Vallet, agente de recherche à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques et chargée de cours au Département de géographie.

Une soixantaine de conférenciers, venus des quatre coins de la planète – Canada, États-Unis, Europe, Émirats arabes unis, Syrie, Maroc, Australie – sont attendus au colloque Murs et barrières en relations internationales. Organisé par la Chaire Raoul-Dandurand, ce colloque se tiendra à l’Agora Hydro-Québec du Complexe des sciences Pierre-Dansereau, les 29 et 30 octobre prochains.

«Certains chercheurs s’intéressent au mur entre Israël et la Cisjordanie, d’autres à la barrière le long de la frontière mexicano-américaine, au mur de sable entre le Maroc et le Sahara occidental ou à la barrière séparant l’Inde du Pakistan. Bref, chacun travaille sur son mur. Le colloque permettra d’offrir une vision d’ensemble du phénomène», indique Élisabeth Vallet.

Non seulement il se construit encore des murs et des barrières un peu partout dans le monde, mais ceux-ci ont proliféré au cours des 20 dernières années. «La courbe est ascendante depuis 1992 et elle s’est accentuée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, alors que certains États ont éprouvé le besoin de s’emmurer par crainte du terrorisme, observe la jeune chercheuse. On dénombre maintenant quelque 20 nouveaux murs dans le monde. Et si tous les projets en cours sont menés à terme, 21 000 km de frontières fortifiées couvriront bientôt la planète.» Sans compter les murs intérieurs, comme ceux qui séparent les quartiers sunnites et chiites à Bagdad, les quartiers riches et pauvres à Rio de Janeiro ou les protestants et les catholiques à Belfast.

Une industrie de la sécurité

Selon Élisabeth Vallet, on a cru à tort, après la chute du mur de Berlin, que la mondialisation, l’effondrement du communisme et l’avènement d’un monde unipolaire, où règnerait la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes, stabiliseraient définitivement la planète. «Le sentiment d’insécurité (se protéger contre le terrorisme ou la criminalité) et les flux migratoires (se prémunir contre la venue d’immigrants pauvres du Sud, clandestins ou non) sont les deux principales raisons invoquées pour justifier les nouvelles clôtures», souligne-t-elle.

On ne construit pas seulement des murs en béton, mais également des barrières à la fine pointe de la technologie, poursuit Élisabeth Vallet. Boeing, par exemple, a construit l’an dernier une barrière virtuelle de 45 km entre le Mexique et l’Arizona, constituée de capteurs thermiques, de détecteurs de mouvement et de tours de surveillance radar. Aux États-Unis, le Département de la sécurité intérieure estime que la valeur du marché mondial de la sécurisation des frontières atteindra, d’ici 2015, la somme de 178 milliards $.

Pendant la Guerre froide, le Rideau de fer et le Mur de Berlin existaient pour empêcher les gens de sortir, rappelle Élisabeth Vallet. «Aujourd’hui, on construit des murs, physiques ou virtuels, pour empêcher des gens d’entrer, parce qu’on a peur de l’Autre. Mais là où des murs sont érigés, se développent aussi des stratégies de contournement. Il existerait même une industrie des tunnels pour les éviter.»

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Regard culturel sur les murs

Parallèlement au colloque Murs et barrières en relations internationales, la Chaire Raoul-Dandurand organise, du 26 au 30 octobre, une semaine d’activités sur le même thème. Au menu : projection d’un documentaire, exposition de photos, performance, conférence et table ronde de journalistes. «L’objectif, explique Élisabeth Vallet, est de faire intervenir des gens dont l’approche, artistique notamment, est différente de celle des scientifiques. Les murs, en effet, ont souvent servi de supports pour l’art de rue, comme ce fut le cas à Berlin et à Belfast.»

Pour connaître le programme complet des activités : http://www.dandurand.uqam.ca/a-surveiller/101-divers/431-murs-et-barrieres-en-relations-internationales.html