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Le retour du populisme

Par Marie-Claude Bourdon

4 mai 2009 à 0 h 05

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Jean-Marie Le Pen en France et Mario Dumont au Québec sont des figures qu’on associe naturellement au populisme. Mais René Lévesque aussi avait des accents populistes. «Ce qui caractérise les populistes, note Joseph-Yvon Thériault, c’est leur façon de faire appel au peuple, au peuple vrai. C’est la critique qu’ils font des élites politiques en disant que la démocratie est soudoyée par ces élites et qu’elle ne représente pas vraiment le peuple.»

Quels sont les liens entre démocratie et populisme? Professeur au Département de sociologie depuis l’année dernière (Joseph-Yvon Thériault était auparavant professeur à l’Université d’Ottawa), le nouveau titulaire de la Chaire de recherche du Canada en mondialisation, citoyenneté et démocratie est l’organisateur d’un important colloque qui se tiendra dans le cadre de l’ACFAS, les 12 et 13 mai, et qui posera justement cette question. Plus d’une dizaine de chercheurs de l’UQAM et plusieurs autres d’ailleurs feront des présentations dans le cadre de ce colloque intitulé Les formes contemporaines du populisme.

«Le peuple auquel les populistes font appel, généralement, est un peuple qu’on pourrait dire brute, c’est le peuple du sentiment, de la passion, et non pas le peuple de la parole, observe le professeur. On pourrait dire que le populisme essaie de flatter le peuple dans le sens du poil, non pas de le questionner ou de l’interpeller.»

Dans le débat sur les identités, Mario Dumont a critiqué la position du Parti québécois, trop intellectuelle à son avis, et déconnectée de ce que pensait vraiment le peuple. «Il y a toujours dans le discours populiste l’idée que les élites politiques ne comprennent pas le peuple ou le trahissent», note Joseph-Yvon Thériault.

De gauche à droite

Historiquement, les populistes ont souvent été de droite. On associe d’ailleurs populisme et fascisme. Mais il y a toujours eu un populisme de gauche. «Aujourd’hui, partout sur le spectre politique, de gauche à droite, on critique la représentation démocratique, en disant que les partis politiques ne sont pas représentatifs du peuple, dit Joseph-Yvon Thériault. Par exemple, le mouvement altermondialiste fait lui aussi appel à une idée du peuple contre les institutions politiques.»

Dans cette perspective, la «société civile» apparaît d’ailleurs comme une «figure décomplexée du peuple», revampée «aux droits de l’homme et à la valorisation du pluralisme», selon une présentation qui sera faite au colloque par Christine Couvrat, chargée de cours au Département de sociologie. En effet, la référence à la «société civile», connotée positivement comme le lieu d’un nouveau lien social face à un État impuissant devant la mondialisation et jugé peu démocratique, est constante dans les démocraties contemporaines.

Les appels à une réforme du mode de scrutin dans le but de favoriser les petits partis, censés mieux représenter la diversité des citoyens, le mouvement en faveur du droit de rappel des élus, perçus non plus comme des représentants mais comme des mandataires du peuple, s’inscrivent également dans cette perspective.

Populisme et démocratie

Cette critique des institutions démocratiques au nom du peuple est-elle un approfondissement de la démocratie ou un signe de son affaiblissement? C’est la grande question qui sera posée lors de ce colloque. «Il y a quelque chose de l’ordre de l’approfondissement dans la critique qui est faite de la démocratie des élites, des juges et des élus, dit Joseph-Yvon Thériault. Mais dans le populisme, il y a l’idée que le pouvoir doit aller au peuple sans passer par la médiation des institutions politiques. Et le danger, quand il n’y a plus de médiation, est que le pouvoir s’incarne dans une figure charismatique qui prétend savoir ce que veut le peuple, avec tous les débordements que cela peut entraîner.»

Le populisme, en Occident, a été déconsidéré par les aventures fascistes, mais cela n’est pas nécessairement le cas en Amérique latine, où la tradition populiste, des péronistes de l’Argentine à Chavez au Venezuela, demeure très forte. Une section du colloque sera d’ailleurs consacrée aux formes contemporaines du populisme latino-américain. Par ailleurs, même dans nos sociétés occidentales, l’argument populiste devient de plus en plus acceptable. «L’argument en faveur d’une démocratie plus directe, plus participative, est un argument populiste», souligne Joseph-Yvon Thériault.