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Le CH à l’université

Par Pierre-Etienne Caza

4 mai 2009 à 0 h 05

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Audrey Laurin-Lamothe, Fannie Valois-Nadeau et Jonathan Cha partagent le même amour des Canadiens de Montréal que les panélistes des émissions 110%, La zone et L’Antichambre, mais ils articulent leurs discours en s’inspirant de théoriciens qui n’ont rien à voir avec «Piton» Ruel ou «Yogi» Berra. Les deux étudiantes à la maîtrise en sociologie et le doctorant en études urbaines participeront au colloque intitulé 100 ans de polysémie. Regards et réflexions sur les Canadiens de Montréal, le 15 mai prochain, dans le cadre de l’ACFAS.

«Nous trouvions intéressant de poser un regard interdisciplinaire sur un objet de culture populaire comme les Canadiens de Montréal», explique Audrey Laurin-Lamothe, coresponsable du colloque en compagnie de Nicolas Moreau, diplômé du doctorat en sociologie de l’UQAM, aujourd’hui chercheur postdoctoral à l’Université de Montréal. «Nous souhaitons trouver un équilibre entre rigueur scientifique et vulgarisation afin d’intéresser par la bande un plus vaste public à l’utilité des sciences humaines comme moyen de saisir certains objets d’étude et/ou enjeux contemporains», ajoute l’étudiante.

Ce colloque risque d’en intéresser plus d’un, et ce, malgré l’élimination rapide du Tricolore. «Peu de recherches ont été réalisées au fil des ans sur les Canadiens et pourtant il y a beaucoup à dire sur le sujet», souligne Fannie Valois-Nadeau, qui a déposé en janvier dernier son mémoire de maîtrise, sous la direction d’Anouk Bélanger. Elle en présentera un résumé lors de sa communication, intitulée Quand le cœur a ses raisons : analyse de la construction mythique du Canadien de Montréal.

S’inscrivant dans le courant contemporain des études culturelles, l’étudiante a procédé à une analyse de discours des partisans de la Sainte-Flanelle en écumant pendant plus d’un an les blogues et autres forums sur le site Internet du Réseau des sports (RDS). «J’ai observé comment les partisans adoptent le CH, mais aussi le contestent, le rejettent ou l’intègrent dans leur vie, explique-t-elle. Cette relation particulière met en lumière les liens entre l’équipe et la culture québécoise, notamment en ce qui concerne l’identité québécoise, le nationalisme et le rapport aux étrangers.»

La jeune chercheuse compte poursuivre ses études de doctorat en s’attardant cette fois aux cérémonies du centenaire de l’équipe en lien avec la construction d’une mémoire collective.

Audrey Laurin-Lamothe, dont le mémoire, sous la direction d’Éric Pineault, portera sur l’évolution du concept de travail à travers des ouvrages de psychologie populaire, présentera pour sa part une communication intitulée La sacralisation de la valeur travail au sein des Canadiens de Montréal.

Selon elle, l’équipe peut être considérée comme la quintessence du modèle managérial contemporain. «À l’instar de ce que l’on observe au Québec depuis quelques années, le travail s’est transformé au sein de l’organisation des Canadiens de Montréal. Deux conceptions s’y affrontent : le travail salarié, instrumental, et le travail «œuvre», qui forge l’identité et permet le dépassement de soi.» Le surnom du meilleur joueur de l’équipe, Alex Kovalev, est éloquent à cet égard. On le surnomme l’«Artiste» lorsqu’il éblouit les foules, mais on a tôt fait de rappeler son salaire élevé lorsqu’il ne livre pas la marchandise…

«La ville est hockey»

Le doctorant en études urbaines Jonathan Cha présentera une communication intitulée Les 100 ans des Canadiens de Montréal : La ville est hockey, plus qu’un slogan, une quête d’identité urbaine. Celle-ci reprendra l’essentiel d’un article paru récemment dans le Journal pour l’étude de l’architecture au Canada.

«Je présenterai d’abord la campagne publicitaire amorcée en 2006, dans laquelle des bâtiments phares de la ville de Montréal étaient associés aux Canadiens, explique le jeune chercheur, dont la thèse (sous la direction de Lucie K. Morisset de l’UQAM et de Thierry Paquot, de l’Institut d’urbanisme de Paris) porte sur les squares publics victoriens à Montréal au XIXe siècle. Puis, je rendrai compte du processus de hockeyisation des villes canadiennes comme Calgary, Edmonton, Ottawa et Montréal, où le sport est sorti de l’aréna pour gagner la ville, le hockey étant devenu une part importante de l’identité urbaine.»

Outre Fannie, Audrey et Jonathan, cinq autres chercheurs – dont Alain Deneault, chargé de cours en sociologie à l’UQAM – présenteront des communications, lesquelles feront appel à la psychanalyse, à l’histoire, à l’économie et même à l’analyse de chansons!