Voir plus
Voir moins

La constance de la jardinière

Le 25 juin 2009, Diane Trudel fêtera ses 34 ans de services à titre de technicienne en documentation.

Par Pierre Lacerte

6 avril 2009 à 0 h 04

Mis à jour le 24 février 2016 à 13 h 02

Série Dans les coulisses de l’UQAM

Des employés de l’UQAM, ceux qui, dans les coulisses, assurent le bon fonctionnement de l’Université, parlent de leur rôle au sein de notre institution.

Diane Trudel
Photo: Nathalie St-Pierre

C’est à la petite école que Diane Trudel a découvert que la ligne droite était le chemin le plus court entre deux points. Ce principe élémentaire, elle s’en inspirera tout au long de sa vie. «Depuis que j’ai appris à lire, j’ai su que ma voie était tracée.» Une route rectiligne qui l’a menée tout droit au pays de la bibliothéconomie.

Le 25 juin 1975, pas même trois semaines après avoir décroché son diplôme de bibliotechnicienne du collège Maisonneuve, Diane Trudel était embauchée par l’UQAM. Elle n’avait que 21 ans. Jeune fiancée, elle épousera l’institution. Pour le meilleur et pour le pire, fidèle au poste comme en amour, Diane ne quittera plus ni l’homme, ni le Service du prêt de la bibliothèque centrale. Sa double histoire d’amour dure depuis 34 ans.

Au fil des ans, sans qu’on ne lui demande son avis, la bibliotechnicienne sera rebaptisée technicienne en documentation. Mais elle insiste : «Je n’ai jamais changé d’emploi. C’est l’emploi qui a évolué avec le temps.» Après avoir été assignée au comptoir du prêt, on lui propose de prendre en main le Service du prêt. Cela lui donnera l’occasion de développer une expertise dont elle est encore la seule à connaître vraiment tous les rouages et à pouvoir manier les ficelles. «On vient même de d’autres universités pour voir le système que nous avons développé ici.»

Les bons débarras

En 34 ans, Diane Trudel a vécu l’implantation de quatre systèmes de gestion de la bibliothèque. Avec plus d’un millions de livres et de documents à gérer, l’informatique s’impose. Qu’il est loin le temps où elle tapait les données à la machine à écrire sur des fiches en papier cartonné. Diane se souvient de cette journée historique de 1981 où le système bibliographique intégré SIGIRD a été mis en opération. «Ce matin-là, les gens du catalogage sont débarqués ici et ont sorti tous les classeurs en bois avec leurs petits tiroirs remplis de fiches catalographiques. Nous nous sommes tous arrêtés de travailler pour assister à la scène. Croyez-moi, personne n’avait les larmes aux yeux!»

Diane occupe exactement le même bureau depuis un quart de siècle. Même les grands travaux de rénovation qui ont complètement chamboulé les espaces de travail, il y a quatre ans, n’ont pas permis de la déloger.

Pilier des groupes de travail de la bibliothèque centrale et des autres services techniques, Diane Trudel est un peu comme le pôle nord magnétique. «Quel que soit le problème qui se présente, tout converge vers moi.» Avec une vingtaine de personnes sous son aile, la technicienne en documentation n’a pas le temps de s’ennuyer. C’est sans compter les imprévus qui occupent entre 15 et 20 % de son temps. Avec elle, même l’aléatoire n’est pas laissé au hasard!

Sa journée commence pile à 8h30. Gestion des courriels pendant une quarantaine de minutes avant de s’attaquer à la petite caisse. «Mine de rien, à 50 cents par jour par livre en retard, c’est entre 300 et 600 dollars que je dois balancer quotidiennement dans les livres comptables.» Suit la facturation pour les ouvrages qui accusent plus de deux mois de retard. Diane avoue ici qu’elle a plus de succès avec son tact légendaire qu’avec ses missives officielles. «J’ai appris à aborder les gens et à désamorcer les situations conflictuelles. Ça fonctionne mieux que tout le reste.»

Sa table de travail est impeccable… sauf, peut-être, pour cette pile de feuilles de deux pouces d’épaisseur. Qu’est-ce donc? «Ah! Ça, ce sont toutes les requêtes des professeurs qui souhaitent que je mette des livres et des documents en réserve pour leurs cours.»

La routine du vendredi

Depuis la retraite de Rénald Beaumier, qui a été pendant plus de 30 ans son patron, Diane ne s’occupe plus de l’organisation des partys de départ et de Noël. Elle ne court plus les succursales de la SAQ, ni les maisons de traiteurs. «J’ai rangé mon tablier!», dit-elle en rappelant qu’elle conserve tout de même sa routine du vendredi. «Je prends trois quarts d’heure chaque vendredi matin pour arroser toutes les plantes de la bibliothèque, y compris le grand hibiscus qui ne donne plus de fleur depuis un certain temps.»

De toute évidence, elle ne change pas et on ne la changera pas. À preuve, cette anecdote qui ne s’invente pas. Tout récemment, alors qu’elle retournait chez elle en métro, une femme s’est approchée d’elle dans le wagon et lui a demandé : «Vous ne seriez pas Diane Trudel, par hasard?» Diane n’en est tout simplement pas revenue. «Imaginez. C’était une fille qui avait été dans ma classe en troisième année primaire. Je ne l’avais jamais revue. Elle m’a reconnue.»

Diane sera éligible à la retraite le premier juillet 2009. Quand on lui dit qu’elle ne pourra jamais partir d’ici, elle répond tout simplement : «Vous savez, les cimetières sont remplis de gens indispensables!»