Les jardins collectifs constituent une nouvelle forme d’agriculture urbaine et un véritable lieu d’apprentissage.
Il ne faut pas confondre jardin communautaire et jardin collectif. Les jardins communautaires, apparus à Montréal dans les années 70, sont de petits lopins individuels cultivés par des citadins désireux de s’approprier un espace vert pour y faire pousser carottes, poireaux et parfois quelques fleurs. À côté de ces jardins, gérés par le Service des loisirs de la Ville, le jardinage collectif constitue une nouvelle forme d’agriculture urbaine : un grand lopin de terre est cultivé par tous les jardiniers qui se partagent les fruits de la récolte.
«Le premier jardin collectif a été créé dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce dans les années 90, indique Anne-Marie Legault, candidate à la maîtrise en sciences de l’environnement et chercheuse à la Chaire de recherche en éducation relative à l’environnement. Depuis, la formule a essaimé et on en compte une quinzaine à Montréal.»
À la base, tous les jardins collectifs ont une mission de sécurité alimentaire et une mission éducative, précise la chercheuse. «Avec le coût des aliments qui ne cesse de grimper et les enjeux entourant l’utilisation des OGM, des pesticides et des engrais chimiques, les citoyens se questionnent de plus en plus sur ce qui se retrouve dans leur assiette. Les jardins collectifs permettent de repenser le lien entre urbanisation et production de nourriture.»
Un lieu de rencontre
Gérés par des organismes de quartier qui offrent aussi des services de banque alimentaire, d’achats regroupés ou de cuisine collective, les jardins sont aussi un lieu de rencontre et d’éducation. En parallèle aux activités de jardinage, des ateliers sur le système alimentaire mondial, la citoyenneté, le compostage ou la lutte écologique contre les insectes sont offerts par les animateurs. «Chaque jardin comporte ses particularités, souligne Anne-Marie Legault. Dans Côte-des-Neiges, par exemple, le jardin est axé sur l’apprentissage du français et on privilégie une approche interculturelle. Ainsi, les participants sèment des graines provenant de leur pays d’origine. Dans Villeray, presque toutes les écoles du quartier sont impliquées et on insiste beaucoup sur la santé et l’environnement.»
Les jardins collectifs favorisent le rapprochement des citadins qui travaillent en équipe pour faire pousser tomates, haricots grimpants, poivrons et herbes fraîches. Ils permettent aussi de se réapproprier un savoir en voie de disparition : «Nos grands-parents avaient tous un potager et connaissaient les techniques de jardinage, rappelle la chercheuse. Avec l’urbanisation, on a perdu ce savoir.»
Une école de la vie
Si les motifs des participants varient – certains sont surtout soucieux de leur alimentation, alors que d’autres cherchent un lieu de socialisation -, le jardin est pour tous une école de la vie. Dans la mesure où il suppose le partage des tâches et de la récolte, il oblige à raffiner ses habiletés sociales. Et puis, on a beau mettre en œuvre toutes les techniques écologiques qui existent pour repousser les indésirables, apprendre à jardiner, c’est aussi apprendre à être zen : «Lâcher prise fait partie de l’apprentissage», dit Anne-Marie, elle-même membre d’un jardin du quartier Villeray depuis un an. «Quand ta récolte est attaquée, tu te dis que quelqu’un a mangé et que ce n’est pas toi!»
Cette recherche est menée dans le cadre d’une enquête plus large de la Chaire de recherche du Canada en éducation relative à l’environnement qui vise, entre autres, à répertorier les initiatives prometteuses dans le domaine de l’éco-alimentation. Tous les aspects du jardin collectif sont pris en compte : alimentaire, social, environnemental et même politique. «Le jardinage collectif a aussi une portée politique puisqu’il permet d’affirmer le droit de produire soi-même son alimentation en ville plutôt que d’acheter au supermarché des produits qui viennent de l’autre bout du monde», souligne la chercheuse.
Le jardinage collectif était à l’honneur du 3 au 7 août dernier, lors de la tenue de la première École d’été en agriculture urbaine, organisée à l’UQAM par l’Institut des sciences de l’environnement. Anne-Marie Legault et Lucie Sauvé, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éducation relative à l’environnement, faisaient partie des formateurs de cette école.