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Habitat 67 classé après 42 ans

Par Marie-Claude Bourdon

6 avril 2009 à 0 h 04

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Quarante ans plus tard, l’œuvre de jeunesse de Moshe Safdie, alors étudiant en architecture à l’Université McGill, conserve son caractère avant-gardiste. Ses formes à la fois futuristes et organiques continuent de surprendre dans le ciel de la Cité du Havre. Chef-d’œuvre du patrimoine moderne montréalais, Habitat 67 traverse le temps sans se démoder. Pour protéger ce trésor, la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine Saint-Pierre, lui a conféré le statut de bien culturel classé, le 27 mars dernier, une première pour un bâtiment de l’époque moderne.

«Sur le plan international, Habitat est une icône de l’architecture montréalaise, souligne France Vanlaethem, professeure à l’École de design et responsable du Diplôme d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en architecture moderne et patrimoine. Tous les architectes et les étudiants en architecture de passage à Montréal vont visiter Habitat, au moins de l’extérieur.»

Le rôle de l’UQAM

Dans les démarches pour obtenir ce classement, entamées par Héritage Montréal en 2002, l’École de design a joué un rôle important. L’étude patrimoniale du bâtiment et son dossier d’évaluation, complété en 2004 par le Laboratoire de recherche sur le design, l’architecture et le patrimoine modernes, ont en effet découlé des travaux de recherche effectués dans le cadre du D.E.S.S. en architecture et patrimoine, qui lui consacrait son tout premier séminaire méthodologique, à l’hiver 2001.

En 1994, Habitat obtenait déjà une reconnaissance de Docomomo International, l’organisme de sauvegarde du patrimoine architectural moderne dont l’antenne québécoise loge à l’UQAM. Le bâtiment bénéficie aussi de la protection conférée par sa citation comme immeuble significatif par la Ville de Montréal. «En vertu de la Loi sur les biens culturels, le ou la ministre peut déléguer une partie de ses pouvoirs de protection des biens culturels aux municipalités, explique France Vanlaethem. Mais une citation ne porte que sur l’extérieur du bâtiment. Un classement a beaucoup plus de valeur.»

En fait, en plus de la structure extérieure, un appartement appartenant à l’architecte lui-même et construit à l’origine pour le commissaire d’Expo 67, Pierre Dupuy, a été classé et sera donc protégé dans son intégralité, à l’abri des modifications que pourraient vouloir lui faire subir ses propriétaires successifs.

«Les unités standards comportaient seulement deux ou trois cellules», dit la professeure, rappelant que le projet architectural était initialement destiné à la classe moyenne. «L’idée d’Habitat 67 était d’offrir une alternative à la banlieue en proposant un habitat urbain de haute densité comportant certains des avantages de la banlieue, notamment l’intimité de chaque unité et une extension extérieure avec la terrasse.»

Une victoire importante

Le classement d’Habitat comme monument historique représente une première victoire importante pour le mouvement en faveur de la sauvegarde du patrimoine moderne à Montréal. «C’est un dossier que nous défendons à l’UQAM depuis la fin des années 80, alors que nous nous étions mobilisés pour la protection du Westmount Square, raconte France Vanlaethem. À l’époque, le patrimoine moderne était très dévalorisé et on rénovait les bâtiments sans aucun respect pour leur architecture d’origine.»

Habitat 67 est aujourd’hui devenu une résidence de luxe, rivalisant avec les complexes d’appartements les mieux cotés en ville. Heureusement, sa structure extérieure en béton armé, matériau phare du modernisme, s’est bien conservée. «Ce projet architectural constituait tout un défi technologique», souligne la professeure. Ainsi, les unités étaient préfabriquées au sol avant d’être assemblées. Chaque cellule, dont le poids variait entre 70 et 90 tonnes, était ensuite hissée par une grue géante et arrimée aux autres. «Comme Habitat est maintenant protégé à la fois par la Ville et par le ministère de la Culture, on va mettre en œuvre un programme de conservation visant à le préserver», affirme avec satisfaction France Vanlaethem.

À l’occasion de l’annonce faite par la ministre, les étudiants et les professeurs du D.E.S.S. en architecture et patrimoine ont organisé une visite publique gratuite d’Habitat, le samedi 4 avril dernier. Il s’agissait d’une chance exceptionnelle de visiter cette propriété privée, particulièrement l’appartement classé.