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Gangs de rue : un phénomène complexe

Par Claude Gauvreau

2 novembre 2009 à 0 h 11

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Doctorant en psychologie, Olivier Lacroix était en France quand des émeutes ont éclaté dans les banlieues parisiennes, à l’automne 2005. Ces événements ont contribué à développer son intérêt pour le phénomène de la délinquance juvénile. «Jusqu’à maintenant, la plupart des recherches ont porté sur la prévention et les facteurs de risque favorisant l’adhésion à des gangs de rue, mentionne le jeune chercheur. Je m’intéresse, pour ma part, aux raisons pour lesquelles des jeunes décident de quitter les gangs et à la façon dont ils passent d’un mode de vie à un autre.»

À Montréal, le phénomène des gangs de rue est apparu au début des années 1980. Aujourd’hui, on dénombre une vingtaine de gangs comptant près de 500 membres, répartis entre deux groupes distincts : les Crips (Bleus) et les Bloods (Rouges). Ces derniers agissent sur différents territoires, notamment dans les quartiers Montréal-Nord, Rivière-des-Prairies, Saint-Michel et Villeray. De plus en plus jeunes (12-13 ans), les membres sont recrutés à la sortie des écoles, dans les parcs et autres lieux publics.

Selon le Service de police de la Ville de Montréal, les gangs privilégient la violence et cherchent à contrôler le trafic de la drogue, la prostitution juvénile et le taxage. «Ces activités existent ainsi que l’alliance entre certains gangs et la Mafia ou des groupes de motards criminalisés. Mais les membres des gangs de rue ne sont pas tous des criminels en puissance, affirme le jeune chercheur. Pour échapper au désoeuvrement, de nombreux jeunes éprouvent le besoin de se rassembler par bandes, à la recherche d’une forme de vie aventureuse.»

D’éternels combattants

Aux yeux de certains, il vaut mieux faire partie d’un gang que de croupir dans la misère ou la médiocrité. Leurs motivations sont multiples : quête d’un lieu d’appartenance, goût du pouvoir et de l’argent, besoin d’être valorisé. «Mais tous ne nagent pas pour autant dans le bonheur, dit Olivier Lacroix. Il faut constamment prouver sa fidélité au groupe et démontrer que l’on est un bon petit soldat. Sans compter que les besoins affectifs sont rarement satisfaits.»

La rupture avec un gang de rue survient parfois à la suite d’un retour à ses racines, d’un questionnement identitaire ou par goût de nouveaux défis en se projetant dans l’avenir (bâtir une famille, exercer un métier), observe l’étudiant. «La rencontre avec quelqu’un de l’extérieur à qui l’on peut se confier – un travailleur de rue ou un membre de la famille – peut aussi être déterminante.»

Même après avoir quitté un gang de rue, les anciens membres continuent de se percevoir comme d’éternels combattants, poursuit Olivier Lacroix. «Plusieurs s’investissent dans une forme d’engagement social ou politique. Certains sont devenus des travailleurs sociaux, tandis que d’autres se sont impliqué dans des organismes communautaires ou des mouvements associatifs.»

Chercheur au Groupe de recherche sur l’inscription sociale et identitaire des jeunes adultes (GRIJA), dirigé par la professeure Sophie Gilbert, du Département de psychologie, Olivier Lacroix poursuivra ses recherche en réalisant des entrevues avec des ex-membres de gangs de rue montréalais, d’origine haïtienne. «Je veux leur donner la parole, comprendre la singularité de leur parcours, et montrer qu’il est possible d’agir sur sa vie pour la transformer.» Au dernier congrès de l’Association francophone pour le savoir (Acfas), il a présenté les premiers résultats d’une recherche basée sur les témoignages d’anciens membres de gangs de rue à Paris et à Los Angeles.