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Entre science et religion

Par Claude Gauvreau

5 octobre 2009 à 0 h 10

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

«Pourquoi les anges ne tombent jamais sur la terre alors qu’il n’y a pas de plancher dans le ciel?»… «Si tous les gens bons vont au ciel, comme nous l’a dit Tata, est-ce que ce sont seulement les personnes méchantes qui sont enterrées?»

Répondre aux questions des jeunes enfants sur la mort est l’un des trois grands thèmes qu’aborde l’ouvrage collectif Science et religion en éducation, publié récemment sous la direction des professeurs Michael Schleifer, du Département d’éducation et pédagogie, et Victoria Talwer, du Département de psychopédagogie et de counseling de l’Université McGill.

L’éducation morale et les rapports entre l’enseignement des sciences et la religion sont les deux autres thèmes discutés par des psychologues, des philosophes, des éducateurs et des scientifiques. «L’ouvrage cherche à offrir un large éventail de points de vue et s’adresse à tous les éducateurs – parents et enseignants – qui se sentent concernés par le développement moral, émotionnel, intellectuel et social des enfants, souligne Michael Schleifer. Malgré des approches différentes, les auteurs sont parvenus à un consensus reposant sur le respect des enfants, de leur pensée critique et de leur jugement.»

Enseigner les valeurs universelles

La plupart des chercheurs considèrent que les jeunes enfants possèdent toutes les compétences nécessaires pour comprendre le caractère irréversible et universel de la mort. «À cause de l’influence du psychologue suisse Jean Piaget, on a cru longtemps que les enfants ne pouvaient pas saisir, avant 8 ou 9 ans, ce que représente l’acte de mourir, rappelle Michael Schleifer. On sait maintenant qu’ils sont prêts à entamer un dialogue à ce sujet dès l’âge de 3 ans.»

Il est toujours préférable de dire la vérité aux enfants, de discuter des émotions plutôt que de les ignorer, et d’apporter un réconfort, en abordant les sentiments de peur, de tristesse, de colère et même de culpabilité, soutient le chercheur. «Au sujet de ce qui se passe après la mort, nous pouvons croire, mais nous ne pouvons pas savoir. Et c’est bien la seule réponse légitime que nous pouvons donner à un enfant!»

Michael Schleifer estime que le domaine de l’éducation morale doit être autonome de la religion. «Nous devons bien sûr apprécier les différences en se rappelant qu’il existe d’autres façons de penser et de vivre. Cela ne signifie pas cependant qu’il faille tout accepter.» Le professeur défend l’existence de valeurs fondamentales et universelles qui transcendent les religions et les cultures. «La valeur qui s’impose, dit-il, est le respect, dont la règle d’or consiste à traiter l’autre comme on souhaiterait être traité soi-même.»

Distinguer la science et les non-sciences

Science et religion poursuivent des buts différents, soutient le professeur Patrice Potvin, du Département d’éducation et pédagogie, qui a collaboré à l’ouvrage. Tout comme Michael Schleifer, il s’oppose à l’idée d’obliger les enseignants en sciences à introduire un point de vue religieux dans leurs cours, comme c’est le cas dans certaines régions des États-Unis où la thèse créationniste est enseignée. «Les enseignants, toutefois, doivent être prêts à dialoguer avec tout étudiant qui exprimerait ses convictions religieuses», souligne-t-il. Qu’est-ce qu’un enseignant en physique peut dire à un élève dont les croyances sont ébranlées par la théorie de Darwin? Que l’évolution des espèces est une hypothèse confirmée par des faits scientifiques, qu’il n’est pas obligé d’y croire, mais qu’il doit la comprendre s’il veut réussir son cours.

Selon Patrice Potvin, il est nécessaire de distinguer ce qu’est la science et ce qu’elle n’est pas, si on veut que les élèves comprennent le sens de la démarche scientifique. «Trop d’élèves perçoivent les découvertes scientifiques comme des révélations, dit-il. Pas étonnant qu’ils soient incapables parfois de faire la différence entre le savoir scientifique et les diverses formes de non-science comme la religion, les pseudosciences (astrologie, numérologie, homéopathie), les mythes et autres connaissances basées sur la foi.»

Le professeur insiste sur l’importance d’expliquer le contexte d’émergence – historique et social – des connaissances scientifiques. «Construire une vérité scientifique représente toute une aventure, rappelle Patrice Potvin. Il s’est écoulé une centaine d’années environ entre le moment où le thermomètre a été inventé et celui où la communauté scientifique a reconnu la valeur objective de sa mesure.»