Les approches innovantes en pédagogie sont valorisées depuis de nombreuses années et les stratégies d’apprentissage semblent avoir la cote. Mais ont-elles réellement un impact sur le rendement des étudiants? «Pour être en mesure de répondre à cette question, il faut posséder des moyens d’évaluer les effets de ces approches et de ces stratégies», affirme le professeur Christian Bégin, du Département d’éducation et pédagogie. Ce dernier a organisé en mai dernier, avec sa collègue Louise Ménard, le colloque annuel de l’Association internationale de pédagogie universitaire (AIPU), section Amériques, dont il est le président. Cet événement a eu lieu dans le cadre du congrès de l’Acfas.
«Lors de mes recherches, je me suis aperçu que le concept de stratégie d’apprentissage est un véritable fourre-tout, dans lequel on inclut la gestion du temps, la gestion du stress ou la prise de notes, qui ne sont pas de véritables stratégies d’apprentissage», explique le professeur Bégin, qui préfère employer les expressions méthodes de travail et méthodes de lecture. «Ces expressions conviennent mieux car elles réfèrent à un ensemble d’actions à poser pour favoriser une meilleure efficacité dans les tâches à accomplir avant de commencer à lire un texte, pour mieux mémoriser une connaissance ou pour faciliter la rédaction d’un texte, par exemple.»
Les étudiants universitaires qui rencontrent des difficultés blâment rarement l’approche pédagogique de leur professeur, poursuit-il. «Ils ne performent pas, car ils ne possèdent pas les bons outils pour accomplir les tâches demandées. Cela n’a rien à voir avec les savoirs transmis par le professeur. Ce sont les savoir-faire qui clochent.»
Christian Bégin donne en exemple la méthode de l’apprentissage par problèmes (APP). «Il s’agit d’une approche très exigeante sur le plan de la lecture. Si les étudiants n’ont pas développé de bonnes méthodes de lecture, ils vont trouver cela plus difficile.»
Changer de stratégies
Plutôt que de penser à remettre en question l’efficacité de leurs méthodes de travail, la plupart des étudiants – qui ont bien réussi jusqu’à leur arrivée à l’université – s’entêtent à répéter des façons de faire qui ne fonctionnent pas. «Un étudiant décidera par exemple de mettre encore plus de temps dans ses travaux ou dans ses périodes d’étude, mais le résultat sera le même. Il faut plutôt décomposer avec lui ses méthodes et lui en apprendre de meilleures.»
C’est exactement ce qu’a fait Christian Bégin durant les 13 années où il a agi à titre de psychologue en aide à l’apprentissage aux Services à la vie étudiante de l’UQAM, ce qui l’a amené à rencontrer des centaines d’étudiants en difficulté. Sa thèse de doctorat portait sur l’enseignement des stratégies d’apprentissage et était inspirée en grande partie par les ateliers qu’il donnait à la demande des départements, notamment aux étudiants de cycles supérieurs.
Afin de mieux cerner comment enseigner les stratégies d’apprentissage, M. Bégin a demandé à une dizaine d’étudiants, qui avaient assisté à l’un de ses ateliers, de noter chaque fois qu’ils changeaient l’une de leurs méthodes de travail. «Au total, ils ont noté une cinquantaine de changements, dit-il. En leur demandant de préciser si ces changements avaient été effectués suivant ce qu’ils avaient appris dans les ateliers, j’ai été en mesure d’identifier les composantes de mon enseignement qui portaient fruit.»
Parmi ces composantes, on retrouve la description de la «nouvelle» méthode, avec une explication de ses avantages, mais aussi des effets négatifs si on ne l’utilise pas. Les explications des processus cognitifs en jeu, comme le fonctionnement de la mémoire, par exemple, constituent la composante la plus importante de l’enseignement. «C’est ce qui amène les étudiants à changer de méthode, car il s’agit d’un élément rationnel qui établit un lien direct entre la méthode et une meilleure efficacité», dit-il.
«Les étudiants qui découvrent de nouvelles méthodes plus rentables deviennent davantage motivés, car ils augmentent leur sentiment de contrôle par rapport à la tâche qu’ils ont à accomplir», ajoute-t-il.
Du côté des professeurs
Les méthodes de travail des étudiants sont au cœur de leurs apprentissages. Or, il n’est pas évident pour les professeurs de déceler les failles de ces méthodes afin d’aider les étudiants en difficulté. «Les professeurs ne sont pas formés pour détecter ce genre de problème, explique Christian Bégin. Ceux-ci sont embauchés pour leurs connaissances disciplinaires et non pédagogiques ou psychopédagogiques.»
Voilà pourquoi il donne aussi des formations aux nouveaux professeurs de l’UQAM dans le cadre du Centre de formation et de recherche en enseignement supérieur de l’UQAM (CEFRES), dont il est directeur.