Certains sont des militants dans l’âme, qui ont toujours épousé une cause ou une autre. Scott McKay, député du Parti québécois et ex-président du Parti vert du Québec, avait fondé un mouvement écologiste au cégep. D’autres ont la politique dans le sang. Fille d’un syndicaliste, présidente de son conseil d’étudiants à l’école secondaire et militante pour les droits des minorités visibles au cégep et à l’université, Marlene Jennings a abandonné son rêve de devenir juge pour se faire élire députée libérale à Ottawa. Plus jeune député de l’Assemblée nationale, Mathieu Traversy a commencé à goûter les plaisirs de la joute politique au cégep, où il a été président de son association étudiante. Très impliqué dans sa circonscription de Terrebonne, un château fort péquiste, il a réussi à en devenir candidat, puis député, tout en poursuivant des études en science politique à l’UQAM.
Pourquoi faire le saut en politique à une époque où le niveau de cynisme à l’égard des politiciens n’a jamais été aussi élevé? «Parce que la politique est encore le lieu où l’on fait avancer les choses», répond tout de go le jeune député.
Son collègue Camil Bouchard – auteur du rapport Un Québec fou de ses enfants, qui a fait du bruit lors de sa sortie, en 1991 – jouissait d’une respectable carrière de professeur et de chercheur au Département de psychologie quand il a répondu «oui» à l’appel de Pauline Marois, en 2003. «Décision irrationnelle», inscrit-il ce jour-là dans son agenda. Pourtant, il s’engage. «Mon orientation en écologie des comportements et ma vision systémique de questions telles que la pauvreté ou la qualité de vie des familles m’amenaient à interpeller régulièrement le gouvernement, souligne-t-il. Je me suis dit que c’était le moment de me retrouver de l’autre côté de la barrière.»
Sous toutes les bannières
Parmi les professeurs qui siègent à une assemblée parlementaire, on compte aussi Alain Paquet, professeur au Département des sciences économiques et député du Parti libéral du Québec, ainsi que Nicolas Marceau, du même département, qui vient d’être élu dans le comté de Rousseau, en remplacement de François Legault. Du côté des diplômés, la liste est longue. Les plus connus sont Marguerite Blais (Ph.D. communication, 05), ministre responsable des Aînés dans le gouvernement libéral du Québec, et Maxime Bernier (B.A.A., 85), député et ex-ministre conservateur. On trouve des Uqamiens en politique fédérale et provinciale, mais aussi dans les conseils municipaux. Dans tous les grands partis, on compte au moins un représentant de l’UQAM.
En 1997, quand Marlene Jennings est approchée par le Parti libéral du Canada, sa carrière de commissaire adjointe à la déontologie policière la passionne, ses diverses activités bénévoles – pour des groupes de femmes et comme membre du conseil d’administration du YMCA de Montréal métropolitain, notamment – ainsi que sa fille de quatre ans la comblent pleinement. Mais son mari l’encourage et elle décide de plonger. «J’amenais ma fille avec moi à Ottawa quand elle avait des jours de congé, raconte-t-elle. Elle coloriait pendant que je siégeais à mes comités. Au début, c’était mal vu. Mais, par la suite, d’autres députés ont commencé à amener leurs enfants au Parlement.»
Très proche des résidants de sa circonscription de Notre-Dame-de-Grâce – Lachine, Marlene Jennings est fière du travail accompli depuis 12 ans, d’abord au pouvoir puis dans l’opposition. «Mon travail a servi à changer des choses pour améliorer le bien-être des gens», dit celle qui s’est battue pour diverses causes, de l’indexation du supplément de revenu garanti pour les aînés à la diminution de la pollution sonore la nuit dans le voisinage de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Son nouveau cheval de bataille : obtenir une modification du code criminel pour assurer une meilleure protection des animaux. «C’est un dossier sur lequel on est beaucoup plus avancé en Europe qu’en Amérique du Nord», note cette avocate de formation.
Un modèle pour sa communauté
Tout comme Marlene Jennings, Emmanuel Dubourg, député du Parti libéral du Québec dans le comté de Viau, est un modèle pour la communauté noire du Québec. Élevé dans une famille haïtienne de huit enfants dirigée par une mère monoparentale (son père est décédé quand il avait trois mois), cet ex-fonctionnaire à Revenu Canada était chargé de cours à l’ESG UQAM quand il a été élu à l’Assemblée nationale. Son cours sur le contrôle interne – qu’il a continué de donner jusqu’à la fin du trimestre, en avril, après les élections de mars 2007 -, un cours obligatoire pour devenir comptable agréé, avait la réputation d’être l’un des plus rébarbatifs du programme. Ce pédagogue dans l’âme en a fait l’un des plus populaires. «J’ai commencé à enseigner deux ans avant de devenir député, dit-il. Cela m’a révélé que j’aimais le contact avec le public, le fait de transmettre et de vulgariser mes connaissances.»
Dans une carrière politique, il y a le travail parlementaire. «C’est la partie la plus glamour, celle qu’on voit à la télévision, dit Mathieu Traversy. Mais il y a aussi le travail auprès des gens : les recevoir au bureau de comté, tenter de les aider et de les orienter le mieux possible, parce que, bien souvent, leurs problèmes ne relèvent même pas du gouvernement provincial.» Le travail auprès des gens, c’est aussi un agenda surchargé d’épluchettes de blé d’Inde, de quillothons et de soirées «spaghetti». «Il y a 250 groupes communautaires dans ma circonscription et ils veulent tous que leur député assiste à leur événement, mentionne le jeune élu. J’ai donc appris à danser le continental!»
Pour Emmanuel Dubourg, écouter les gens, expliquer les politiques de son parti et rallier les citoyens aux idéaux qu’il défend est une partie cruciale de son travail. Dans les écoles du quartier Saint-Michel, où on l’invite régulièrement pour donner des conférences, il ne se lasse pas de répéter le même message aux jeunes : rigueur et persévérance. «Je leur dis : Regardez-moi. Je viens du même milieu que vous. C’est grâce à ma formation universitaire que j’ai l’occasion de siéger à l’Assemblée nationale.»
Éducation et politique
L’importance de l’éducation est un thème majeur pour les Uqamiens qui se lancent en politique. Si Camil Bouchard, après six ans dans l’opposition, avoue réfléchir à son avenir politique, il se dit fier d’avoir été l’un de ceux qui ont contribué à faire de l’éducation une des priorités du Parti québécois. Quant à Mathieu Traversy, il promet de terminer son baccalauréat en science politique : «Pas question pour moi de faire partie des statistiques sur le décrochage!», promet-il en riant. Plus sérieusement, le député-étudiant souhaiterait que les programmes scolaires sensibilisent mieux les jeunes à la chose politique : «Une personne peut faire toutes ses études sans recevoir un bagage minimum de connaissances sur le système politique, ses partis et ses enjeux, déplore-t-il. Nombreux sont les gens qui ne font même pas la différence entre les partis provinciaux et fédéraux!»
Scott McKay a lui aussi complété ses études tout en poursuivant une carrière politique. Il était conseiller municipal à Montréal dans le parti du RCM quand il a terminé son baccalauréat par cumul de certificats. «Les programmes de l’UQAM sont conçus avec la préoccupation de démocratiser la formation universitaire, souligne-t-il. Cela m’a permis de me forger un programme qui tenait compte de mes intérêts pour l’économie et pour l’environnement.» Le politicien a par la suite complété une maîtrise sur les systèmes d’échange de crédits de carbone à l’Institut des sciences de l’environnement, accumulant des connaissances qui lui servent aujourd’hui dans son rôle de porte-parole de l’Opposition officielle en matière de développement durable et d’environnement.
Pour Scott McKay, la question ne fait pas de doute : «Dans une société démocratique, le fait de pouvoir être élu, de participer à la prise de décision, de contribuer à l’orientation d’un parti politique, c’est la seule façon de changer les choses. Comme disait Churchill, la démocratie est encore le moins mauvais des systèmes politiques.»
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Que faire pour encourager les jeunes à voter?
– Scott McKay (B.Sc., 88 ; M.Sc. sciences de l’environnement, 93). «Il faut leur faire voir les partis politiques comme des mouvements de citoyens. Quand je parle à des citoyens désabusés, je leur dis que s’ils veulent que les choses changent, ils doivent se préoccuper de la politique. Sinon, c’est la politique qui va s’occuper d’eux.»
– Mathieu Traversy. «Il faut des jeunes en politique pour intéresser les jeunes. Il faut aller vers eux, faire la tournée des cégeps et des universités, les initier aux enjeux politiques et les écouter. Mais il faut aussi que les politiciens fassent leur part et tiennent leurs promesses.»
– Camil Bouchard. «Les gens vont voter quand ils sentent que c’est significatif, qu’on leur propose une nouvelle vision, un espoir de changement, et pas seulement un changement d’administration. On l’a très bien vu avec l’élection d’Obama, où l’on a enregistré des taux de participation sans précédent.»
– Marlene Jennings (LL.B., 86). «On doit inciter les gens à s’impliquer dans leur propre communauté, selon leur intérêt : l’environnement, la culture, le sport. En général, quand les gens s’impliquent, même s’ils ne s’inscrivent pas à un parti, ils vont se préoccuper de savoir à qui ils feront confiance lors des élections.»
– Emmanuel Dubourg (M.B.A., 00). «Il faut expliquer aux jeunes pourquoi on veut qu’ils participent à la vie politique : parce qu’il se prend en politique des décisions qui les concernent.»