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Concentration des médias sur le Web

Par Anne-Marie Brunet

8 septembre 2009 à 0 h 09

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Le Canada est le pays occidental où le taux de concentration du capital en matière de presse quotidienne est le plus élevé. Entre 1992 et 1999, Hollinger a racheté tous les journaux de Southam, ce qui a amené le groupe de Conrad Black à posséder 56,2 % des quotidiens canadiens. À la fin de 2000, ce dernier a vendu les titres du groupe québécois Unimédia, dont font partie les quotidiens Le Soleil, Le Droit et Le Quotidien, au groupe Gesca/Power (auquel appartenait déjà La Presse), de sorte que 97,2 % des journaux québécois appartiennent aujourd’hui à deux groupes : Quebecor et Gesca/Power.

Une abondance d’informations

En marge des débats qui ont cours depuis une trentaine d’années sur les dangers de la concentration de la propriété des médias, un nouveau point de vue a commencé à émerger vers le milieu des années 1990. «Parce qu’Internet donne accès à des informations abondantes et diversifiées, la question de la concentration des médias n’aurait plus la même importance; les menaces afférentes pour le pluralisme de l’information et pour les démocraties ne se poseraient plus», explique Éric George, professeur à l’École des médias.

Cette idée, reprise en 2007 par la ministre du Patrimoine, Bev Oda, intriguait le chercheur. «Est-il vrai que le développement d’Internet et du Web remet en cause l’importance de la question de la concentration des médias?» Cette hypothèse est le point de départ d’une recherche pour laquelle Éric George a reçu une subvention du programme Nouveaux chercheurs du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC).

Détenteur d’un doctorat de l’UQAM en communication, Éric George est professeur à l’École des médias depuis juin 2007. Il est codirecteur du Groupe de recherches interdisciplinaires sur la communication, l’information et la société (GRICIS) et chercheur associé à la Chaire René-Malo en cinéma et en stratégies de production culturelle de l’UQAM. En plus de ses recherches sur la concentration des médias à l’heure d’Internet, Éric George dirige deux autres études subventionnées par le CRSH et est co-chercheur d’une quatrième.

Éric George et son assistant Marc-Olivier Goyette, étudiant à la maîtrise en communication, ont analysé les sites les plus visités par les internautes québécois, selon des données de la firme ComScore-Media Metrix (2007). Il en ressort que la place de l’information (contenus relevant des actualités politiques, économiques, étrangères, sportives, culturelles ou générales) est assez faible et qu’aucun site Web parmi les plus visités n’est réalisé par une entreprise de presse. Pour compléter ces données, les chercheurs ont tiré un meilleur parti des résultats d’un sondage réalisé par Ipsos Decarie, la même année, portant sur les sites consultés par les Québécois pour obtenir les «dernières nouvelles». Les cinq sites les plus visités sont Canoë (20,1 %), Cyberpresse.ca (15,8 %), MSN (10 %), Radio-Canada (8,6 %) et Sympatico (7,6 %).

Sources traditionnelles d’information

Les premières observations concernant les sources des sites d’information québécois indiquent qu’elles apparaissent peu variées. Bon nombre de contenus informationnels sont des dépêches d’agences, notamment l’Agence France Presse (AFP), l’Associated Press (AP) et Reuters, auxquelles on peut ajouter la Presse Canadienne (PC). Quebecor, Radio-Canada et TQS proposent également sur leurs sites des contenus vidéos. «Les sources d’information traditionnelles sont dominantes sur le Web, dit Éric George, et cela signifie deux choses. La première est que les sites d’information principaux sur le Web sont produits par les entreprises majeures de l’information au Québec et au Canada. La deuxième, c’est que les sources d’information sont assez traditionnelles.»

Au courant de l’automne, Éric George et son assistant vont rencontrer des responsables de salles de nouvelles et des journalistes pour valider les données qu’ils ont obtenues. Ils s’intéresseront aussi aux conditions de travail de cette nouvelle génération de journalistes que le journal Le Monde, dans un article paru en mai 2009, surnomme «les forçats de l’info».

Cette recherche comporte également un volet sur le journalisme citoyen et le Web 2.0, en partenariat avec Frank Rebillard, de l’Université Lumière, Lyon 2, qui travaille déjà sur la question depuis quelque temps en France.