À l’instar de l’UQAM, le professeur Jorge Niosi, du Département de management et technologie, fête lui aussi ses 40 ans d’enseignement et de recherche. Considéré par plusieurs comme le plus grand expert du management de l’innovation et des changements technologiques au Canada, M. Niosi a reçu le 26 août dernier un cadeau dont il est fier : le Prix d’excellence en recherche (volet carrière) de l’Université du Québec.
Le prix de l’UQ ne signifie pas que le temps d’un repos mérité est arrivé, bien au contraire. Premier titulaire au pays d’une chaire de recherche du Canada en sciences administratives, la Chaire de recherche en gestion de la technologie, auteur de plus de 15 ouvrages traitant d’économie, de développement et de technologie, ainsi que de nombreux chapitres de livres et articles publiés dans des revues parmi les plus prestigieuses (Cambridge Journal of Economics, Journal of Development Studies, Research Policy, World Development, etc.), Jorge Niosi poursuit ses recherches avec une passion sans cesse renouvelée.
Buenos Aires-Paris-Montréal
Né en Argentine, Jorge Niosi a grandi à Buenos Aires, où il a étudié la sociologie. «Je souhaitais comprendre pourquoi l’Argentine n’arrivait pas à se développer à la mesure de ses nombreuses ressources, de son immense territoire et du niveau de scolarité élevé de ses habitants, se rappelle-t-il. J’ai trouvé les éléments de réponse au cours de ma carrière.»
Ces éléments, il les a d’abord trouvés à Paris, où il a étudié en économie, notamment auprès de François Perroux, qui a suscité chez lui un intérêt pour le rôle de la technologie dans le développement économique. «Jusqu’au milieu des années 1950, les gens croyaient que ce dernier était le résultat de l’investissement en capital et de l’augmentation de la main-d’œuvre, explique le professeur de l’ESG UQAM. Or, ces facteurs n’expliquent que 15 % à 20 % du développement économique, tandis que 80 % de ce dernier est le fruit de la technologie : les équipements, bien sûr, mais aussi les institutions comme les universités, qui permettent l’assimilation des connaissances scientifiques, les laboratoires publics, les incitations gouvernementales aux entreprises en matière de recherche-développement, etc.»
Jorge Niosi a complété à Paris deux cheminements de troisième cycle : un diplôme en économie, à l’Institut d’études du développement économique et social, et une thèse en sociologie à l’École pratique des hautes études. Ce sont ses amis Dorval Brunelle et Céline Saint-Pierre, rencontrés à Paris, qui l’ont incité à poser sa candidature pour enseigner au Canada. Il a été embauché par le Département de sociologie de l’UQAM en 1970, à l’âge de 24 ans.
Le nouveau professeur entreprend alors des recherches sur le Canada, qui le mèneront à la publication des ouvrages Le contrôle financier du capitalisme canadien (PUQ, 1978), La bourgeoisie canadienne (Boréal Express, 1980) et Les multinationales canadiennes (Boréal Express, 1982). Ce dernier ouvrage, qui lui a valu le prix John Porter de l’Association canadienne de sociologie et d’anthropologie, figure encore aujourd’hui parmi les études les plus citées dans le domaine.
De la sociologie aux sciences administratives
En 1989, Jorge Niosi fait le saut au Département des sciences administratives, créant des cours en gestion de la technologie aux trois cycles. Fondateur du Centre de recherche en développement industriel et technologique (CREDIT), dont les recherches étaient consacrées au transfert de la technologie canadienne dans le domaine de l’énergie, il prend part en 1992 à la fusion de ce dernier avec le Centre de recherche en évaluation sociale des technologies (CREST), donnant ainsi naissance au Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST), qu’il dirige de 1994 à 1995. Il en est toujours membre aujourd’hui.
Élu membre de la Société Royale du Canada (Académie II) en 1994, puis chercheur invité à l’Université Stanford, en Californie, en 1995, le professeur Niosi a amassé au cours de sa carrière plus de 7,5 millions de dollars en subventions diverses pour des projets de recherche.
La chaire de recherche du Canada qu’il dirige depuis 2001 se penche sur les biotechnologies, la biopharmacie, l’aérospatiale et les technologies de l’information. D’abord axées sur les entreprises montréalaises, puis canadiennes, les recherches de M. Niosi se sont ensuite tournées vers les concurrents français, américain et anglais de ces entreprises. «Avec le renouvellement des crédits de la Chaire pour la période 2008-2015, nous étudions les mêmes sujets, seulement nous étendons la recherche aux véritables concurrents des entreprises d’ici, soit celles du Brésil, de la Russie, de la Chine et de l’Inde. Ce faisant, nous constatons que la gestion de la technologie est cruciale pour que les entreprises d’ici produisent, de façon économique, de nouveaux produits et procédés plus écologiques, dont l’humanité a besoin pour survivre. Les politiques technologiques doivent les y aider», conclut le professeur Niosi.