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Retour en Guinée

Par Pierre-Etienne Caza

15 septembre 2008 à 0 h 09

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

«La Guinée a besoin de personnes bien formées pour prendre en main son développement socioéconomique», affirme sans détour Dan Lansana Kourouma, diplômé du doctorat en sciences de l’environnement de l’UQAM, qui a terminé au mois de mai dernier un stage postdoctoral en géographie avec son directeur de thèse, le professeur Jean-Philippe Waaub. M. Kourouma a obtenu au printemps dernier une subvention de 350 000 $ du Centre de recherches pour le développement international (CRDI) afin de démarrer un projet intitulé «Adaptation aux changements climatiques et stratégies de réduction des risques de maladies liées à l’eau en Guinée forestière».

Chef du Département des évaluations environnementales au Centre d’étude et de recherche en environnement (CERE) de l’Université de Conakry, la plus importante université de Guinée, Dan Lansana Kourouma pose un diagnostic lucide sur son pays natal de 10 millions d’habitants, situé sur la côte ouest de l’Afrique. «La Guinée est un pays relativement stable, dit-il, mais cela ne veut pas dire sans problèmes. L’explosion démographique, par exemple, met une pression indue sur les ressources naturelles et entraîne la déforestation.» La Guinée accueille massivement depuis des années les réfugiés qui fuient la guerre dans les pays limitrophes, comme la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra Leone.

Les potentialités du pays ne sont pas suffisamment exploitées, souligne M. Kourouma. La Guinée possède en effet les deux tiers des réserves mondiales de bauxite, minerai servant dans la fabrication de l’aluminium. Elle est également considérée comme le «château d’eau» de l’Afrique de l’Ouest, puisque les principaux fleuves soudano-sahélien – le Niger, le Sénégal et la Gambie – y prennent leur source. «Nous possédons un potentiel hydroélectrique estimé à 26 000 GWh, ce qui est énorme, mais nous n’en utilisons que 2 %, explique M. Kourouma. Comme ce potentiel n’est pas mis en valeur, nous avons un déficit énergétique qui empêche le secteur privé de participer activement à l’économie nationale.»

Ce déficit d’énergie a également des répercussions sur l’environnement, car l’essentiel des besoins domestiques en énergie, par exemple, sont satisfaits avec le bois de chauffage, ce qui entraîne à la fois la pollution de l’air et la déforestation.

L’eau et la santé

«Nous souhaitons faire un état de la question sur l’impact des changements climatiques sur les ressources hydriques, en termes de qualité et de quantité, et leurs répercussions sur la santé des communautés en Guinée forestière, qui est l’une des quatre grande régions du pays», explique M. Kourouma à propos de son projet de recherche, qui démarrera en juin 2009 et durera trois ans.

Avec l’explosion démographique et la déforestation, le temps de jachère a diminué et la fertilité du sol n’est plus aussi bonne, mentionne-t-il en précisant que 80 % des Guinéens sont agriculteurs. «Les gens quittent donc les coteaux et retournent dans les vallées pour cultiver, et souvent ils y attrapent une maladie appelée la schistosomiase», précise-t-il. Cette maladie est une infection parasitaire qui affecte différents tissus, notamment la vessie et le foie. «Nous souhaitons évaluer les solutions à apporter à ce problème en termes de recherche-action», ajoute M. Kourouma.

Son équipe de recherche, formée d’une vingtaine de personnes, s’adjoindra l’expertise de plusieurs partenaires gouvernementaux, communautaires et universitaires, parmi lesquels le Groupe d’études interdisciplinaires en géographie et environnement régional (GEIGER), rattaché au Département de géographie de l’UQAM. Des étudiants de la maîtrise en sciences de l’environnement pourraient également être impliqués à titre de stagiaires. «Ils sont les bienvenus!», lance M. Kourouma.

Une feuille de route bien remplie

Dan Lansana Kourouma est bien placé pour parler d’expériences d’études à l’étranger. Titulaire d’un baccalauréat en sciences physiques, il a bénéficié de bourses afin de compléter trois maîtrises (!), d’abord à l’Université Cheikh Anta Diop, à Dakar, au Sénégal, puis à l’École Inter-États de Ougadougou au Burkina Faso, et enfin à l’Université Senghor d’Alexandrie, en Égypte.

C’est dans le cadre de cette dernière maîtrise en gestion de l’environnement que M. Kourouma a fait un stage à Hydro-Québec, en mai 1998. «J’étais avec une équipe multidisciplinaire qui effectuait des études environnementales sur les impacts du projet d’aménagement hydroélectrique de Tabaret, au Témiscamingue», précise-t-il.

Ce stage à proximité de l’UQAM lui a donné l’opportunité de reprendre contact avec le professeur Waaub, rencontré à l’Université Senghor, et de déposer sa demande pour le programme de doctorat en sciences de l’environnement, pour lequel il a obtenu une bourse d’excellence du Programme canadien de bourses de la Francophonie.

En août 1999, il entreprenait ses études doctorales à l’UQAM. «En Égypte, je m’étais intéressé aux impacts environnementaux de la production et du transport de l’énergie, tandis qu’au doctorat, ma recherche portait sur ce que l’on appelle les évaluations environnementales stratégiques, c’est-à-dire l’évaluation des politiques, des plans et des programmes.»

Sa thèse de doctorat, pour laquelle il a obtenu une mention d’excellence, s’intitule «Approche méthodologique d’évaluation environnementale stratégique du secteur de l’énergie : application à la dimension régionale de la politique énergétique guinéenne en Guinée Maritime».

Après son doctorat, en 2005, M. Kourouma est allé travailler un an en Guinée, où il a obtenu le poste de chef du Département des évaluations environnementales au Centre d’étude et de recherche en environnement (CERE) de l’Université de Conakry. «Nous faisons de l’enseignement aux étudiants de maîtrise en gestion de l’environnement, de la recherche et à l’occasion des prestations de service dans le domaine de l’environnement», précise-t-il. L’UQAM collabore avec l’Université de Conakry. «Elles ont exactement le même programme de maîtrise en sciences l’environnement», ajoute-t-il.

De retour à l’UQAM en février 2007 pour un stage postdoctoral grâce à une bourse de l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie, Dan Lansana Kourouma a travaillé sur la mobilisation des politiques énergétiques. «Je suis en train de me positionner pour une carrière d’enseignant-chercheur à l’université, dit-il. Pour cela, il faut se maintenir au sein de réseaux d’excellence et éviter l’isolement, qui est un des problèmes fondamentaux de nos chercheurs en Guinée. La recherche ne se fait pas en vase clos, il faut s’ouvrir au monde extérieur et côtoyer ses pairs pour être à la fine pointe dans notre domaine.»