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Réformer le doctorat québécois

Par Anne-Marie Brunet

2 septembre 2008 à 0 h 09

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Il y a de plus en plus de titulaires de doctorat au Québec, mais la formation qu’ils reçoivent les prépare mal au marché du travail actuel, selon une vaste étude sur la formation doctorale au Québec, réalisée pour le compte du Conseil national des cycles supérieurs de la Fédération étudiante universitaire du Québec (CNCS-FEUQ).

«La formation doctorale au Québec vise principalement le renouvellement du corps professoral», explique Jean-Pierre Robitaille, coordonnateur de l’Observatoire des sciences et des technologies (OST) et coauteur de l’étude intitulée Le doctorat en question : portrait statistique, formation, encadrement, qualité. Or les statistiques qu’il a compilées avec son équipe montrent que le marché du travail traditionnel (enseignement universitaire ou recherche fondamentale) n’absorbe pas la totalité des titulaires de doctorat. En effet, au Québec, seulement 38 % d’entre eux travaillent dans le secteur universitaire.

Par ailleurs, les entreprises qui font de la recherche industrielle n’emploient qu’une faible proportion de titulaires de doctorat (en 2004, 74,1 % baccalauréat 18,2 % maîtrise et 7,7 % doctorat). Elles préfèrent engager des diplômés de baccalauréat ou de maîtrise qui commandent des salaires moins importants.

«Au Québec, on a beaucoup défendu la thèse selon laquelle il fallait produire des diplômés de 3e cycle parce qu’il en manquait et que le marché du travail allait se développer pour les accueillir, mais la situation s’est avérée plus complexe qu’on ne l’avait imaginée. On ne peut pas avoir une approche push sans se soucier de ce qui se passe réellement sur le marché du travail», affirme M. Robitaille. «Il est nécessaire de préparer les diplômés pour des carrières non traditionnelles», ajoute-t-il.

S’inspirer de l’Europe et des USA

Pour ce faire, le Québec doit revoir ses programmes de doctorat en s’inspirant de ce qui se fait en Europe et aux États-Unis depuis dix ou quinze ans déjà, propose son collègue et co-auteur de l’étude, Jean Nicolas, professeur à l’Université Sherbrooke. C’est d’autant plus important qu’entre 2000 et 2004, le nombre d’inscriptions au doctorat au Canada et au Québec a augmenté de 7% par année et que le Québec a rattrapé le taux de diplomation des pays occidentaux, décernant même davantage de doctorats par millions d’habitants que l’Ontario, le Canada et les États-Unis, d’après M. Robitaille. Le Québec doit donc améliorer sa formation sous peine de prendre du retard sur la scène internationale.

M. Nicolas croit qu’on devrait développer les compétences pratiques des étudiants, notamment au chapitre de la gestion des projets de recherche, des notions d’éthique et de propriété intellectuelle, de façon à les rendre plus intéressants pour leurs futurs employeurs. Il reste aussi du travail à faire pour améliorer le soutien financier et l’encadrement des étudiants parce que depuis dix ans, le taux de décrochage se maintient autour de 40 à 45 %, tandis que les sommes investies pour former un doctorant sont très importantes, soit entre 150 000 $ et 200 000 $.

Y aura-t-il des suites pour l’Observatoire des sciences et des technologies à cette étude? Pas officiellement, dit Jean-Pierre Robitaille, qui continuera toutefois à s’intéresser à certaines des questions abordées. Le chercheur analysera en particulier les données du recensement 2006, qui viennent de sortir. Il ne cache pas son souhait de disposer d’instruments de mesure comme en possèdent les Américains pour suivre, par exemple, les cohortes de diplômés du Québec sur plusieurs années.