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Le coq du clocher de l’UQAM

Dérobé par des cambrioleurs, attaqué par les flammes, frappé par la foudre, le coq du clocher de l’UQAM, tel le phénix, renaît chaque fois de ses cendres…

Par Claude Gauvreau

15 avril 2008 à 0 h 04

Mis à jour le 3 mai 2019 à 8 h 05

Série Cinquante ans d’histoire
L’UQAM, qui célèbre son 50e anniversaire en 2019-2020, a déjà beaucoup d’histoires à raconter. La plupart des textes de cette série ont été originalement publiés de 2006 à 2017 dans le magazine Inter. Des notes de mise à jour ont été ajoutées à l’occasion de leur rediffusion dans le cadre du cinquantième.

Un soir de septembre 1975, Gérard Tremblay, curé de la paroisse Saint-Jacques à Montréal, fait une découverte étonnante. Sur le site de construction du nouveau pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM, le fier coq en or qui orne le clocher de son église depuis 1905 s’est volatilisé! Selon les documents du Service des archives de l’Université, l’enquête qui suit ne permet pas de retrouver l’objet, ni de comprendre comment il a disparu. Nulle trace, en effet, d’effraction ou de destruction. Mystère et boule de gomme. À moins d’être Spider Man ou James Bond, qui a pu s’emparer de ce joyau, perché au sommet d’un clocher de 85 mètres de hauteur? Certains ont émis l’hypothèse que le coq avait été volé par un riche collectionneur d’art américain… grâce à un hélicoptère. Appelons ça une légende urbaine.

Quelques années plus tard, en 1979, un nouveau coq est installé, inspiré d’une photo de l’original. Le pauvre connaîtra lui aussi quelques mésaventures. En juin 1990, on constate, après un violent orage, que l’oiseau est suspendu à la croix du clocher par les câbles du paratonnerre. La foudre l’a frappé, mais il survit! En 1992, son socle doit être consolidé, la rumeur voulant qu’une balle – si ce n’est plusieurs – l’ait transpercé. Qui? Comment? Pourquoi? Seul Hercule Poirot aurait pu élucider cet autre mystère.

L’histoire de l’église Saint-Jacques est aussi mouvementée que celle de son coq. Érigée entre 1823 et 1825, elle a marqué la vie du Quartier Latin. Mgr Lartigue, premier évêque de Montréal, en fera sa cathédrale jusqu’en 1852, et elle sera reconnue «église officielle» de l’Exposition universelle de 1967. En 1933, le troisième incendie de son histoire a détruit sa nef, laissant intacts le clocher, spectaculaire et majestueux, le portail du transept sud et la sacristie. Ces vestiges sont classés monuments historiques par le gouvernement du Québec en 1973, deux ans avant que ne soit démoli ce qui reste de l’église pour faire place au nouveau campus de l’UQAM, dont l’inauguration a lieu en septembre 1979.

Renouer avec le passé

«Il fallait absolument conserver et intégrer au campus le clocher, la sacristie et la façade du transept de l’église en raison de leur grande valeur patrimoniale. Il s’agissait aussi de respecter, tant sur le plan physique qu’historique, le quartier environnant», note Christian Ekemberg (M.A., études des arts, 1987), un employé du Service des immeubles et de l’équipement [aujourd’hui retraité] qui a rédigé son mémoire de maîtrise sur l’histoire de l’église. «La Salle des boiseries, au deuxième étage du pavillon Judith-Jasmin, où se tiennent aujourd’hui lancements, causeries et colloques, donne une idée assez juste de l’allure qu’avait autrefois la sacristie», dit-il.

Le clocher, la sacristie et la façade du transept de l’église sont classés monuments historiques en 1973, deux ans avant que ne soit démoli le reste de l’église pour faire place au nouveau campus de l’UQAM. Photo: Service des archives

Au moment où débutent les travaux de construction du pavillon Judith-Jasmin, en 1975, l’ancien Quartier Latin avait perdu de son attrait, se vidant peu à peu de ses résidants, rappelle Christian Ekemberg. La population de la circonscription de Saint-Jacques était passée de 27 000 habitants en 1952 à 14 000 en 1971. Reliée au métro, la nouvelle université du centre-ville vient occuper le lieu où s’élevait jadis l’Université de Montréal, avant que celle-ci ne transporte ses pénates sur un des versants du mont Royal. Sa présence et celle des librairies, cinémas, restaurants, boutiques et cafés qui refont alors surface permettront au Quartier Latin de revivre et de retrouver son âme.

L’UQAM célébrera en 2009 ses 40 ans d’existence [et ses 50 ans en 2019]. Une existence ponctuée, on le sait, d’épisodes parfois turbulents, voire difficiles : grèves, compressions budgétaires, crise financière, etc. Mais elle a su résister à toutes les tempêtes pour demeurer debout et fière, à l’image de son coq!

Source:
INTER, magazine de l’Université du Québec à Montréal, Vol. 6, no 1, printemps 2008.