À l’instar du premier débat télévisé en 1960 qui avait été favorable à John F. Kennedy contre Richard Nixon, Internet peut-il avoir un impact sur les élections américaines? Grâce à une campagne bien structurée sur le Web, Barack Obama a réussi à mobiliser une armée de bénévoles pour amasser des fonds très importants. Il est cependant allé beaucoup plus loin dans l’utilisation des technologies liées à Internet (autant le Web, que le cellulaire), en utilisant les sites de réseautage social comme Facebook ou Youtube. Cette stratégie aurait eu un impact formidable sur la participation des jeunes Américains – principales cibles de ces sites – aux élections primaires, qui aurait augmenté de 20 % par rapport aux précédentes élections. Ce résultat est «spectaculaire» quand on songe que cette frange de la population se rend habituellement peu aux urnes et encore moins pour des primaires, explique Karine Prémont, chercheuse associée à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand et professeure de science politique au Collège André-Grasset.
Le Canada à côté de la plaque
Au Canada, tous les partis ont leurs sites, mais ils sont très statiques et les contenus se ressemblent beaucoup. On trouve une description du programme et en quoi il se distingue des autres, ainsi que des informations sur les déplacements du chef. «Lorsque les partis cherchent à faire un usage différent d’Internet, c’est pour faire de la politique un peu sale, à l’américaine. On utilise Internet pour dire et faire des choses qu’on n’oserait pas faire dans les médias traditionnels, comme si c’était un peu underground», note Mme Prémont. On n’a qu’à se rappeler l’épisode du macareux déféquant sur l’épaule de Stéphane Dion sur le site notaleader.ca ou le Scandalpédia que le parti libéral a mis sur pied pour dénigrer Stephen Harper.
Pendant qu’Obama a près de 2 millions d’amis sur Facebook et McCain environ 555 000, les politiciens canadiens utilisent mal l’espace numérique pour rejoindre les jeunes. Par ailleurs, le fait qu’il y ait au Canada beaucoup de partis, rend le discours politique plus dilué, plus difficile à suivre pour les jeunes. Aux États-Unis les campagnes électorales sont très personnalisées et cette année, les deux candidats sont très contrastés. Cette élection a aussi un caractère historique. Tous les ingrédients sont là pour intéresser les médias, la population et les jeunes en particulier qui sont très militants, explique Mme Prémont. «Au Canada, avec un système de partis, il est peut-être moins rentable de détruire ou d’encenser un candidat. La personnalisation d’une campagne a beaucoup à voir, je crois, avec la façon d’utiliser Internet», poursuit-elle. Internet est en effet un média de proximité, qui convient mieux quand il y a un seul candidat plutôt qu’un parti.
Quel impact aura Internet sur les élections américaines? «Je pense qu’on va le voir le 4 novembre, mais le challenge sera d’isoler le facteur Internet des autres, car nous avons encore peu d’outils pour le faire. Ce qui est clair c’est que la toile a favorisé Obama pendant les primaires. Est-ce qu’il aurait eu un tel avantage s’il n’avait pas eu d’autres qualités ou si son adversaire, Mme Clinton, n’avait pas fait certaines erreurs, ça c’est une autre histoire», affirme Karine Prémont.