Le recteur Claude Corbo s’est fait élire à l’automne avec un mandat de changement et c’est précisément ce qu’il s’applique à réaliser avec la méthode et la rigueur qui le caractérisent. Il a fait avancer chacune des propositions mises de l’avant dans son plan d’action «électoral», bien qu’inégalement, mais quatre mois n’est qu’un trimestre de l’an un…
Le recteur a pris la plume souvent dans les médias depuis janvier pour rectifier des faits, faire valoir son point de vue, soutenir la cause de l’UQAM, et n’entend pas s’en priver. Le tout, avec une très grande clarté, car s’il y a deux choses qu’il déteste par-dessus tout, c’est la désinformation et la langue de bois!
Il complètera sous peu la réorganisation de la direction avec, notamment, la nomination d’une ou d’un vice-recteur à la Recherche et à la création qui travaillera étroitement avec le vice-recteur à la Vie académique, M. Robert Proulx. Le Secrétariat général, les Affaires publiques et le développement sont également à son agenda au cours des prochaines semaines.
Rapport du Vérificateur
Tout le monde retient son souffle dans l’attente du rapport final du Vérificateur général qui devrait être déposé à l’Assemblée nationale dans les jours qui viennent. C’est avec grande impatience, souligne le recteur, que tous les intervenants dans le dossier de l’UQAM – ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), Conseil du trésor et Université du Québec – attendent les conclusions de ce rapport qui devraient permettre de comprendre ce qui s’est passé, quelles sont les actions, les inactions, les circonstances qui ont conduit à la dérive immobilière mise au jour en 2006. Le rapport sera sans doute accompagné de recommandations auxquelles il faudra donner suite, précise-t-il. «Nous devrons apprendre de nos erreurs, bien sûr, mais ensuite se tourner vers l’avenir, passer à autre chose», ajoute-t-il.
Sur ses relations avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, M. Corbo précise que la ministre Michelle Courchesne lui a confirmé dès son entrée en fonction comme recteur en janvier «qu’elle avait à coeur la situation de l’UQAM». Ceci dit, le MELS tarde à définir les modalités concrètes de reprise du dossier de l’Îlot Voyageur dont l’UQAM paye toujours les frais financiers. Pour ce qui est du Complexe des sciences, ce n’est pas gagné avec le ministère, mais le recteur estime qu’il faut relativiser l’effort financier demandé au MELS : ces constructions revalorisent un quartier de Montréal autrefois placardé et occupé par des stationnements, placent la science au coeur de la ville au service non seulement de l’UQAM mais de la population montréalaise et l’endettement devrait être amorti sur 25, 50 ou 100 ans, car ces structures sont là pour durer, fait-il valoir.
Le budget 2008-2009
La direction s’affaire présentement à préparer le budget 2008-2009 qui sera présenté au Conseil d’administration du 20 mai. «Nous avons dû prendre des décisions difficiles concernant la fermeture de l’Après-Cours et du Bureauphile pour mettre un terme à l’hémorragie financière récurrente qu’engendraient ces deux unités, non centrales à la mission de l’UQAM, mais ce n’était pas de gaieté de coeur et nous avions le souci de replacer les personnes concernées dans la mesure du possible», explique-t-il.
Même si le plan de redressement de l’UQAM n’a pas franchi toutes les étapes requises par la ministre, notamment auprès de l’Université du Québec et du «comité des sages» qu’elle a nommé, certains des éléments d’austérité qu’il contient sont, en fait, déjà en application depuis un an et seront renforcés en 2008-2009.
Le recteur entend engager une réflexion sur l’avenir de l’UQAM et entreprendre une planification stratégique en 2008-2009 à la suite du rapport, attendu sous peu, du groupe de travail – créé par le C.A. et présidé par le doyen Marc Turgeon – mandaté pour analyser l’ensemble des facteurs spécifiques à la situation de l’UQAM et ses impacts négatifs et positifs sur son financement. Il attend également le rapport des quatre experts indépendants qui doivent lui soumettre à la fin du mois de mai leur analyse du positionnement de l’UQAM par rapport aux règles de financement du MELS.
Autonomie de l’UQAM
Il s’agit du dossier que le recteur avoue avoir le moins fait avancer au cours de son premier trimestre à la direction, mais il précise que la ministre lui a facilité la tâche en lançant un chantier auprès des présidents des conseils d’administration et recteurs des universités du réseau québécois et en faisant l’annonce d’un projet de loi à l’automne sur la gouvernance des universités. «Ce sera sans doute une bonne occasion pour rouvrir la Loi sur l’Université du Québec, d’autant plus que plusieurs établissements du réseau de l’UQ demandent également un nouveau statut», précise le recteur.
Sur le dossier de la Téluq, M. Corbo a annoncé qu’il comptait proposer d’ici le 20 mai un mécanisme permettant d’en arriver à une «conclusion institutionnelle » concernant l’arrimage de la Téluq à l’UQAM. On sait déjà qu’il veut pouvoir arrêter une position définitive sur cette question avant le 31 décembre 2008.
La grève étudiante
Les effets de la grève étudiante qui a assombri ce début de mandat du recteur risquent de se faire sentir longtemps, a-t-il laissé entendre. M. Corbo qualifie la grève «d’affaire malheureuse» à tous points de vue. «En 2005, le mouvement étudiant avait un objectif très clair : faire respecter le budget des prêts et bourses. La légitimité de cette grève était reconnue et celle-ci était appuyée par de larges pans de la société québécoise. En 2008, le combat qu’ont décidé de livrer quelques associations étudiantes de l’UQAM avec des objectifs extrêmement ambitieux n’a pas reçu l’appui de l’ensemble de la population étudiante de l’UQAM ni de l’extérieur de l’Université.»
En ce qui regarde la hausse des droits de scolarité au Québec, le recteur précise qu’elle a été décidée par le présent gouvernement avec l’appui des deux partis de l’opposition à l’Assemblée nationale. Un consensus social s’est établi, ajoute-t-il, pour que ces droits ne soient pas aussi élevés que ceux qui sont perçus dans le reste du Canada. Demander, comme l’ont fait certaines associations étudiantes de l’UQAM, l’abolition pure et simple de ces droits était un objectif hautement irréaliste. Les autres revendications des étudiants ne s’adressaient pas davantage à l’UQAM mais bien au gouvernement du Québec, alors que les «répercussions encore non mesurables» de cette grève pénaliseront au premier chef l’Université, laisse-t-il entendre.
Fragilité de l’Université
M. Corbo tient à rappeler la très grande fragilité de l’institution universitaire qui repose sur un certain nombre de principes et de règles – dont plusieurs non écrites – pour fonctionner. «Cette institution complètement ouverte et perméable à son environnement repose sur la confiance et l’acceptation des règles du jeu par tous ceux qui la fréquentent.» La contestation y est reconnue, mais pas la violence, souligne-t-il. À ce chapitre, le recteur n’a pas de mots assez durs pour qualifier son rejet des actes de violence exercés contre l’UQAM au cours de la grève (intimidation et rudoiement du personnel enseignant et administratif, bris de biens collectifs, etc.). «Je ne tolère pas que l’on s’en prenne aux personnes et aux biens de l’Université et je n’avais d’autre choix que de contrer la violence par un appel à la force de la loi.»
Le fait que la Commission des études – composée en majorité de professeurs, de chargés de cours, d’étudiants et d’employés, rappelle-t-il, et non de membres de la direction – n’ait pas pu tenir ses travaux a marqué un tournant dans cette grève, à ses yeux. Le recteur réitère qu’il y aura un post-mortem qui sera dressé de la grève étudiante de 2008 pour mesurer précisément ses impacts et en tirer les enseignements nécessaires.
Pour conclure, M. Corbo précise qu’il ressent une obligation de réussite dans ce qu’il a entrepris et, pour ce faire, il a besoin de l’appui concret et senti de tous les membres de la communauté universitaire. Si le plan d’action qu’il a mis de l’avant pour préserver les acquis essentiels de l’UQAM, reconquérir la santé financière, le respect du milieu et une capacité renouvelée d’action et d’innovation devait échouer et que l’UQAM se voyait imposer une tutelle par le gouvernement québécois, «nous pourrions tous vivre des heures infiniment plus douloureuses»