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Risque sismique : après San Francisco, Montréal?

Par Dominique Forget

26 novembre 2007 à 0 h 11

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Pendant que les habitants de la Californie se croisent les doigts en attendant «the big one», les Québécois dorment sur leurs deux oreilles, convaincus d’être à l’abri de tout séisme majeur. Erreur! dit Alessandro Forte, professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en modélisation de la dynamique terrestre.

Certes, le Québec ne se trouve pas à proximité d’une grande faille géologique, lieu de rencontre de deux plaques tectoniques. Malgré tout, la province, et surtout la vallée du Saint-Laurent, serait l’une des régions à plus haut risque sismique en Amérique du Nord.

Au printemps dernier, le professeur Forte et son équipe ont attiré l’attention des géologues du monde entier en publiant dans la prestigieuse revue Geophysical Research Letters des résultats de recherche inédits, expliquant les origines des tremblements de terre de New Madrid, survenus en 1811-1812, au Missouri. Ces tremblements de terre représentaient l’une des grandes énigmes de la géologie. «New Madrid se trouve à des milliers de kilomètres de la plus proche zone de rencontre entre deux plaques géologiques. Pourtant, on y a enregistré une série de tremblements de terre, dont un a atteint 8,0 sur l’échelle de Richter, l’un des plus importants séismes jamais détectés en Amérique du Nord.»

Dans son laboratoire, Alessandro Forte a levé le voile sur ce mystère grâce à un nombre incalculable d’équations, résolues par des super-ordinateurs. En bref, ses travaux consistent à modéliser en trois dimensions toute la dynamique interne de la Terre, ce qui permet de visualiser comment la planète a évolué pendant des dizaines de millions d’années. En entrant dans son modèle des données sismiques récentes, le chercheur arrive à déduire la présence de structures internes de la croûte terrestre, jusqu’ici insoupçonnées.

C’est ainsi qu’il a repéré, 600 kilomètres sous la surface de la Terre, dans la région de New Madrid, une immense plaque géologique, non pas parallèle à la surface de la Terre, comme on l’apprend dans les livres de géologie, mais bien verticale. «Il y a 80 millions d’années, la plaque était vraisemblablement attachée à ce qui est aujourd’hui la Californie. Elle s’est détachée, a glissé sous le manteau terrestre, dérivé sur des milliers de kilomètres, puis bifurqué, plongeant à la verticale.» La plaque, selon les estimations du géologue, mesurerait environ 1 500 kilomètres de long et 22 000 kilomètres de large. En descendant vers le noyau terrestre, elle transmet des quantités importantes d’énergie vers la surface terrestre. Un trop-plein d’énergie serait à l’origine des tremblements de terre de New Madrid.

Alessandro Forte croit qu’il existerait sous la surface du territoire du Québec des zones de descente moins importantes, mais dignes de déclencher des séismes percutants. Ces mouvements verticaux, loin sous la surface de la Terre, se combinent à la dynamique du rebond postglaciaire : depuis la fin de la dernière période glaciaire, la croûte terrestre remonte très doucement, libérée du poids immense des glaces. Cette conjoncture pourrait expliquer le tremblement de terre enregistré dans la région de Charlevoix en 1663 (environ 7 sur l’échelle de Richter) et celui de Montréal de 1732 (environ 5,8).

D’autres séismes sont-ils à prévoir au Québec? Alessandro Forte en est convaincu. Les méthodes d’analyse dont disposent actuellement les géologues ne peuvent toutefois prédire exactement le moment de la prochaine secousse. L’été prochain, le professeur compte aller sur le terrain avec sa collègue Fiona Ann Darbyshire et une équipe d’étudiants pour installer de nouveaux sismographes et stations GPS afin de surveiller la structure, la déformation et la sismicité de la croûte. «Il y a déjà plusieurs instruments dans la portion sud du Québec, mais si nos ressources le permettent, nous comptons en installer jusqu’au Grand Nord. Les données recueillies nous permettront de mieux modéliser la région et de comprendre les cycles qui la régissent.»