Le 9 octobre dernier, le ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE), Raymond Bachand, dévoilait la Stratégie de l’industrie québécoise de la mode et du vêtement. Le gouvernement promet ainsi d’investir 82 M$ d’ici 2010 pour appuyer cette industrie. On sait que cette dernière fait face à une vive concurrence de la Chine, qui s’est lancée dans la fabrication de vêtements à des prix qui défient toute compétition. Plus d’un manufacturier de chez nous a mordu la poussière. Pour sauver ce créneau stratégique de l’économie montréalaise, le gouvernement mise tout particulièrement sur le talent des créateurs, une excellente nouvelle pour l’École supérieure de mode et ses étudiants.
PRO MODE, un service d’accompagnement et de financement qui sera mis en place par le MDEIE pour voir à la réalisation de la Stratégie, veillera notamment à favoriser de nouveaux partenariats entre les designers de mode et les experts de la mise en marché. «Ce volet me réjouit tout particulièrement», s’enthousiasme Michèle Beaudoin, professeure spécialisée en commercialisation de la mode à l’École. «Nous avons ici des créateurs de grands talents, mais qui n’ont pas toujours l’expertise ou même le temps nécessaire pour amener leurs créations jusqu’aux consommateurs. À l’école, nous ne formons pas que des designers, mais également des spécialistes de la commercialisation et de la gestion industrielle qui peuvent s’occuper du volet mise en marché.»
Une alliance stratégique
Étonnamment, aux dires de Mme Beaudoin, ces différents univers ont peu l’habitude de se mêler. Les créateurs craignent de perdre le contrôle de leur collection en s’associant au monde des affaires. L’industrie manufacturière, quant à elle, a longtemps considéré qu’il n’était pas essentiel d’innover, se contentant de produire des vêtements inspirés de la mode internationale, au plus bas coût possible.
«Je pense que tout le monde devra mettre un peu d’eau dans son vin», dit la professeure, qui a longtemps travaillé pour des manufacturiers de la rue Chabanel avant de faire le saut vers l’enseignement. «C’est tellement frustrant pour un créateur de rencontrer un client qui veut commander un gros volume qu’il n’est pas capable de livrer, parce qu’il n’a par les ressources pour acheter le tissu, embaucher la main-d’oeuvre ou respecter les échéances de la livraison. Mieux vaut s’associer à un manufacturier qui peut financer la production, quitte à perdre un peu de contrôle sur le produit final.»
Bien vivante
Selon Michèle Beaudoin, il est peu probable que le Québec puisse rapatrier la part de fabrication qui a été transférée vers l’Asie ou même empêcher les délocalisations futures. Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’industrie québécoise agonise. Au contraire. Elle est bien vivante. «Nous parlons souvent des échecs, mais nous avons des tas d’histoires à succès. Pensons seulement à Jacob, à Tristan, au Château, à M0851, à la Vie en Rose ou à Deux par deux. Ces entreprises peuvent faire fabriquer en Chine, mais elles emploient des centaines de professionnels d’ici. Ce sont résolument des compagnies québécoises.»
Avec ses 22 800 emplois, Montréal est la première ville du vêtement au Canada, devant Toronto et Vancouver. Elle est aussi le troisième centre de production vestimentaire à l’échelle nord-américaine, après Los Angeles et New York. «Depuis l’annonce du MDEIE, le moral est bon dans l’industrie, dit Michèle Beaudoin. Il n’est pas question qu’on perde notre place.»