Voir plus
Voir moins

Prévention du suicide: lignes sous haute tension

Par André Valiquette

19 février 2007 à 0 h 02

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Avant de s’enlever la vie, une personne suicidaire ressent une immense tension. C’est au téléphone, parfois dans un Centre de crise, qu’elle tentera de trouver de l’aide. Ces conversations peuvent faire une grande différence pour éviter un passage à l’acte et orienter un individu en détresse vers des ressources professionnelles. Bien que le suicide demeure un enjeu important de santé publique – un million de décès dans le monde chaque année – aucune étude scientifique n’avait encore tenté d’évaluer ce travail d’écoute.

Brian Mishara, professeur au Département de psychologie et directeur du Centre d’intervention sur le suicide et l’euthanasie (CRISE) de l’UQAM, a été choisi, à la suite d’un appel d’offres international, pour mesurer l’efficacité des interventions du réseau de 120 centres d’écoute américains, subventionnés par le gouvernement des États-Unis.

Entre 2002 et 2005, le chercheur et son équipe ont analysé des milliers d’appels et conduit des entrevues auprès de 91 responsables de centres. Les conclusions de l’étude établissent qu’une conversation plus directive, axée sur la résolution de problèmes, donne des résultats supérieurs à une écoute active, à condition de manifester d’abord de l’empathie. De plus, il semble que les centres fonctionnant avec des bénévoles aient un taux de succès plus grand que les centres qui emploient des salariés. Finalement, l’étude met en lumière des inégalités importantes dans la qualité des services entre les différents centres. La recherche a permis de renouveler d’importantes subventions pour maintenir ces services et pour former des intervenants. Parallèlement, l’Association américaine de suicidologie a revu ses critères d’accréditation des centres d’écoute.

Une étude sur le même modèle, menée au Québec en 2005 grâce à un financement des Instituts de recherche en santé du Canada, a démontré, contrairement à l’étude américaine, moins de différences entre la qualité du travail des bénévoles et des salariés ou de disparités entre les centres eux-mêmes. Brian Mishara, un des fondateurs de Suicide-Action Montréal, rappelle que le CRISE entreprend toujours des consultations auprès des organisations concernées pour connaître leurs besoins, ce qui a permis de raffiner le protocole de recherche et d’en augmenter l’utilité pour ces organismes. On a ainsi fait un suivi auprès des appelants, ce qui a permis de vérifier que la majorité avait profité de l’aide reçue.

Les recherches menées par le CRISE, reconnues au niveau international, ont mené à la création du seul programme de recherche postdoctoral sur le suicide au Canada, qui accueille cette année des chercheurs de Chine, de Roumanie, d’Autriche et d’Afrique du Sud. Brian Mishara a été élu, l’an dernier, président de l’Association internationale de prévention du suicide, une ONG en relation officielle avec l’Organisation mondiale de la santé.

Le CRISE, centre de référence en suicidologie

Réunissant à la fois des chercheurs universitaires, des intervenants, des étudiants et des stagiaires postdoctoraux, le Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie (CRISE) compte une vingtaine de membres permanents. Leurs activités s’articulent autour du développement de nouvelles connaissances sur le suicide et sur le transfert de ces connaissances vers les milieux communautaires, au profit de la prévention.

Pour s’attaquer à cette tâche hautement complexe, le Centre table à la fois sur l’expertise de spécialistes en psychologie, en médecine et en sciences sociales. Leurs recherches sont appuyées, entre autres, par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Fonds de recherche sur la société et la culture et le ministère de la Santé et des services sociaux.