Catherine Trudelle est jeune, enthousiaste, et elle croit en l’émergence d’une «géographie citoyenne». Son programme de recherche, elle le reconnaît, est ambitieux. Il traite de gestion du territoire, d’exclusion sociale et économique, de développement local et de démocratie participative en milieu urbain. «J’espère que mes travaux pourront inspirer les politiques publiques d’aménagement du territoire pour qu’elles tiennent compte davantage des besoins de la population, en particulier des plus démunis», explique-t-elle.
Après des études de maîtrise et de doctorat à l’Université Laval, et un stage postdoctoral à l’Université Stanford en Californie, Catherine Trudelle a décidé d’amorcer sa carrière de professeur à l’UQAM. Embauchée en juillet dernier, elle est titulaire de la nouvelle Chaire de recherche du Canada sur les conflits socioterritoriaux et la gouvernance locale. «J’ai choisi l’UQAM et son département de géographie pour leur dynamisme et, surtout, pour l’importance accordée à la géographie urbaine et sociale», dit la jeune chercheuse.
Les conflits, source de changements
Les conflits socioterritoriaux, au centre de ses recherches, comprennent aussi bien les protestations et les manifestations de rues que les débats et les controverses. Ces conflits, précise Mme Trudelle, se déroulent à différentes échelles autour d’enjeux à caractère urbain, tels l’aménagement d’un milieu spécifique, l’accès à des ressources et à des services, la protection de l’environnement, etc. «La mobilisation des citoyens de Pointe Saint-Charles à Montréal contre l’implantation du Casino dans leur quartier ou l’opposition de résidents à l’érection d’une tour à bureaux dans une zone où il n’y a que des constructions de trois étages, sont autant d’exemples de conflits où de simples citoyens s’engagent dans l’action pour préserver la qualité de leur milieu de vie.»
Dans les sphères du pouvoir, les conflits sont souvent perçus comme des facteurs de désordre et d’immobilisme, note la professeure. Elle pense au contraire qu’ils sont source de changement et qu’ils peuvent contribuer à rendre la ville plus humaine tout en donnant davantage de visibilité à certains groupes sociaux, femmes, personnes âgées et handicapées, minorités ethnoculturelles, etc. «Mes recherches effectuées sur plus de 200 conflits survenus dans la région de Québec, entre 1965 et 2000, montrent une participation grandissante des femmes dans la vie politique municipale, souligne-t-elle. La chaire permettra de construire des banques de données quantitatives et qualitatives et de faire des analyses comparatives entre Québec et Montréal, et avec des métropoles américaines.»
Un nouveau mode de gouvernance
Selon la jeune chercheuse, la mondialisation provoque de profondes transformations dans l’organisation spatiale des sociétés qui ont des impacts sur la qualité de vie et les inégalités sociales. La métropolisation, notamment, engendre de nouvelles dynamiques territoriales – étalement et éclatement urbains – créant plusieurs pôles de développement qui restructurent les milieux de vie. «C’est le cas de la périurbanisation, phénomène d’extension spatiale de la ville, et de la gentrification, processus de rénovation des quartiers centraux et de remplacement d’une population défavorisée par une autre plus aisée, précise-t-elle. La métropolisation élargit le cadre des revendications et des besoins sociaux, contribuant ainsi à accroître la complexité de la gestion de la diversité.»
Catherine Trudelle s’intéresse également au phénomène de la gouvernance locale, qui met en lumière l’importance des réseaux sociaux dans l’exercice du pouvoir en milieu urbain. «La gouvernance renvoie à la manière dont les acteurs de la société civile tentent de combler le vide créé par l’effritement de l’État-providence, dit-elle. L’établissement de budgets participatifs dans certains arrondissements de Montréal, comme celui du Plateau, témoigne d’une volonté de décentralisation et de transparence. On voit aussi apparaître de nouvelles alliances entre des entreprises privées ou des agences gouvernementales et des groupes de citoyens.»
La nouvelle recrue du Département de géographie est convaincue que c’est en faisant l’apprentissage de l’action collective dans leur environnement immédiat que certains groupes sociaux moins puissants peuvent devenir plus habiles dans la défense de leurs droits.