Journaliste au quotidien Le Monde, Hervé Kempf creuse les sujets environnementaux depuis plus de 20 ans, quand la catastrophe de Tchernobyl éveille sa conscience aux dangers qui menacent la biosphère. Depuis, au fil des années et de ses reportages, la crise écologique n’a fait que s’aggraver. Dans Comment les riches détruisent la planète, publié en janvier dernier aux éditions du Seuil, le journaliste brosse un noir portrait de l’état de notre planète. Changements climatiques, multiplication des déchets toxiques, disparition des espèces… tout y passe. Mais il fait plus que tirer la sonnette d’alarme. Il identifie la source de la catastrophe et désigne un responsable : la classe dominante qui dilapide les ressources, faisant fi des avertissements et du changement de cap qui s’impose.
«Pour appréhender la catastrophe qui nous pend au bout du nez, il importe de mettre en relation la crise écologique et la crise sociale actuelle», dit le journaliste qui sera de passage au Coeur des sciences le 10 avril pour exposer les grandes lignes du constat qu’il dresse dans son livre. «Ce sont deux facettes du même désastre.»
Dans son livre, Hervé Kempf s’en prend notamment aux milliardaires de ce monde et à leurs enfants, avides de pouvoir et de consommation. Il montre comment la croissance matérielle, qu’ils ont élevée au statut de religion, accentue la dégradation des écosystèmes. Il va plus loin, en avançant que l’oligarchie exerce une influence sur l’ensemble de la société et l’incite à consommer. Le journaliste appuie ses propos sur une théorie développée par Thorstein Veblen, économiste américain du 19e siècle. Selon ce dernier : «toute classe est mue par l’envie et rivalise avec la classe qui lui est directement supérieure dans l’échelle sociale, alors qu’elle ne songe guère à se comparer à ses inférieures, ni à celles qui la surpassent de très loin.» Autrement dit, on tentera toujours de se hisser dans l’échelle sociale pour atteindre le niveau de consommation de son patron, qui lui-même voudra imiter son supérieur.
Selon le journaliste, les puissants de ce monde ne seraient pas près de lâcher leur emprise. Au contraire, ils profiteraient de l’alibi du terrorisme pour affaiblir la démocratie et la libre discussion des choix collectifs. Ils arriveraient en quelque sorte à museler les citoyens qui sont conscients du drame, mais trop peu nombreux pour arriver à le freiner.
Hervé Kempf se défend d’être pessimiste. «Ce sont ceux qui tiennent le haut du pavé qui font preuve de pessimisme, dit-il. À partir du moment où l’on s’attaque à prendre la mesure de la catastrophe et à identifier ses sources, on se range nécessairement dans le camp des optimistes. Quand on a un bon diagnostic de la situation, il devient possible d’agir.»
Il souligne que certains signes encourageants se manifestent, au sein du mouvement altermondialiste, notamment. «Je sens un certain retour du balancier. L’idéologie néolibérale perd de sa force idéologique. L’envie de refaire le monde émerge.»