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La violence est-elle inscrite dans les gènes?

Par Dominique Forget

8 janvier 2007 à 0 h 01

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

À la maternelle comme au primaire, la marelle et le ballon-chasseur sont loin de rallier tous les élèves dans la cour de récréation. Les bagarres font aussi partie du paysage. Mais qui sont ces jeunes gamins qui sèment la pagaille; une bande de mal élevés? Pas nécessairement. Selon une étude menée par Mara Brendgen, l’agressivité des enfants ne s’explique qu’à moitié par l’éducation. Les gènes sont aussi coupables, dans une proportion de 50 %.

Professeure au Département de psychologie de l’UQAM et chercheuse associée au Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Mara Brendgen suit depuis quatre ans des paires de jumeaux, certains identiques, d’autres non. Des 650 paires inscrites au départ, 450 font encore partie de l’échantillon, réparti entre trois cohortes. Les jumeaux qui forment la première cohorte, la plus vieille, fréquentent actuellement la quatrième année. Ceux de la seconde cohorte sont inscrits en troisième année, et ceux de la troisième cohorte, en deuxième année. Cet échantillon a été assemblé par le Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant (GRIP), un regroupement basé à l’Université de Montréal et dont fait partie Mme Brendgen.

Violence physique et violence psychologique

«J’étudie ces enfants depuis qu’ils sont à la maternelle», raconte la chercheuse qui a reçu une subvention des Instituts de recherche en santé (IRSC) pour mener à bien son projet. «Nous questionnons non seulement les jumeaux, mais également leurs amis et leurs professeurs. Nous tentons d’évaluer si les membres de la cohorte font preuve ou non de comportements agressifs. Si oui, nous cherchons à savoir de quelle nature et à quelle fréquence se produisent ces comportements. Nous nous intéressons à la fois à la violence physique et à la violence psychologique. Le dénigrement d’autrui, par exemple.»

Mara Brendgen a montré que les membres de la cohorte dont le jumeau ou la jumelle monozygote (bagage génétique identique) adopte des comportements physiquement agressifs a de plus fortes chance que la moyenne d’être lui-même violent physiquement. Cette association n’a pas été montrée avec la même intensité chez les jumeaux dizygotes (bagage génétique différent). «En analysant statistiquement les données, nous avons constaté que les gènes et l’environnement intervenaient dans une proportion de 50-50.»

Les constats diffèrent lorsqu’on regarde du côté de la violence psychologique qui, chez les jeunes écoliers, est généralement la tactique privilégiée par les filles. «Seulement 20 % de ces comportements s’explique par les gènes», explique Mara Brendgen. Autrement dit, on apprend à être mesquin et à raconter des ragots, plus qu’on apprend à sortir les poings.

Et les victimes?

Mara Brendgen ne s’intéresse pas qu’aux fauteurs de trouble, mais également à leurs victimes. Dans la cohorte, elle a identifié les enfants qui avaient fait l’objet d’attaques physiques ou psychologiques. Si certaines victimes évoluaient elles-mêmes vers des comportements violents en réponse aux agressions, d’autres montraient plutôt des signes associés à la dépression. D’autres encore ne semblaient pas tellement affectés par les rebuffades. Encore une fois, les résultats ont montré que le type de réponse aux attaques était partiellement dicté par les gènes.

Madame Brendgen et son équipe visiteront cette année les classes de quatrième année. «Nous espérons suivre les cohortes le plus longtemps possible et voir comment vont évoluer les enfants, autant les victimes que les harceleurs. Autrement, on n’a que des portraits instantanés. Ce qu’on veut voir, c’est tout le film.»