Comme Obélix, il est tombé dedans quand il était petit. Sa potion à lui, c’est la politique. «Mon père, un fervent nationaliste, était professeur d’histoire du Québec au Cégep de Rosemont. Il me faisait écouter les discours du général De Gaulle alors que j’étais encore au berceau», raconte en riant Mathieu Bock-Côté qui poursuit actuellement des études de doctorat en sociologie à l’UQAM.
Âgé de 27 ans, Mathieu Bock-Côté vient de publier son premier essai, La dénationalisation tranquille (Boréal), ouvrage décapant qui critique les élites souverainistes pour avoir dissocié le projet de souveraineté de la défense de l’identité nationale des Québécois francophones et ce, au nom d’un nationalisme civique édulcoré. Il a aussi codirigé, avec le sociologue Jacques Beauchemin, la publication de La cité identitaire, ouvrage collectif paru chez Athéna éditions.
Après avoir adhéré au parti Québécois le jour de ses 16 ans, il rejoint quelques années plus tard le cabinet de Bernard Landry, puis quitte le parti en 2004. «Je n’ai pas claqué la porte, dit-il, ma famille politique est toujours celle du nationalisme et du souverainisme. En ce moment, toutefois, il m’apparaît plus important d’approfondir les idées auxquelles je crois que de les défendre dans le cadre d’un appareil politique partisan.»
Oser dire «nous»
Depuis la fameuse déclaration de Jacques Parizeau sur le vote ethnique en 1995, on a assisté à une véritable entreprise de dénationalisation du discours souverainiste, affirme l’étudiant. «Les leaders souverainistes ont tellement peur de passer pour des nationalistes ethniques qu’ils n’osent plus faire référence au nous de la majorité francophone qui constitue pourtant le coeur de la nation québécoise.» On se retrouve dans une situation paradoxale, observe-t-il, avec d’un côté un souverainisme sans identité, celui du PQ, et de l’autre un nationalisme sans projet de souveraineté, celui de l’ADQ. «Le thème de l’identité nationale a resurgi à la faveur de la crise des accommodements raisonnables et l’ADQ se l’est approprié, parvenant ainsi à attirer vers elle une partie de la clientèle péquiste.» La tâche politique de l’heure, soutient ce jeune intellectuel, consiste à «refaire du souverainisme un nationalisme et du nationalisme un souverainisme.»
La majorité francophone du Québec forme une communauté nationale, c’est-à-dire une communauté d’histoire, de mémoire et de culture, qui doit affirmer, sans mauvaise conscience, son identité, souligne Mathieu Bock-Côté. Mais comment? Il faut s’opposer au nouveau programme d’enseignement de l’histoire au secondaire qui prône une histoire dépolitisée, dit-il. «Ce programme devrait être centré sur l’histoire d’un peuple français implanté en Amérique depuis plusieurs siècles et qui cherche à s’émanciper. Bref, une histoire qui contribue au développement d’une conscience nationale.» On devra aussi mettre fin au discours culpabilisant à l’endroit des Québécois francophones qui osent dire nous, comme si on y cherchait, chaque fois, le signe d’une xénophobie ou d’un racisme quelconque, ajoute M. Bock-Côté.
«Je me rappelle d’une réunion où des députés du Parti Québécois avaient suggéré de changer le drapeau du Québec, sous prétexte qu’il était exclusif, par un autre de couleur verte, celle de l’espérance, avec le dessin d’une panthère pour symboliser l’agilité québécoise. Ces mêmes députés proposaient aussi de définir la Conquête anglaise comme la première manifestation interculturelle d’un Québec qui se construit dans la diversité!»
Contre «le bazar identitaire»
Mathieu Bock-Côté s’en prend par ailleurs au multiculturalisme, ce «grand bazar identitaire» qui, selon lui, s’appuie sur les chartes des droits et libertés pour fragmenter la communauté nationale en communautarismes rivaux. «Les frictions entre différentes communautés existent et sont normales. Le problème est que le régime des chartes contribue à les exacerber et non à les atténuer.»
Nous devons accueillir les immigrants en leur demandant d’adhérer à un patrimoine historique et culturel, à une langue et à une mémoire, qui sont ceux du groupe majoritaire, insiste Mathieu Bock-Côté. «Cela ne signifie pas qu’ils doivent abandonner leurs traditions. On ne va tout de même pas s’opposer à une diversité de fait qui est source d’enrichissement et qui constitue le charme de toute grande métropole depuis Carthage. Le vraie question est l’absence d’un monde commun dans lequel pourrait se reconnaître une pluralité de cultures.»
À ceux qui lui ont collé une étiquette de penseur conservateur, Mathieu Bock-Côté répond qu’il a un problème tant avec «ceux qui entretiennent une rhétorique anticapitaliste puérile en accusant les entreprises de tous les maux, qu’avec les maniacolibéraux qui rêvent, chaque matin, de privatiser un programme social.» Il croit en la défense décomplexée de l’héritage occidental, soit la démocratie parlementaire comme lieu d’expression politique de la nation, et la nation elle-même comme lieu de cohésion sociale face au corporatisme multiculturel et identitaire.
Mathieu Bock-Côté aspire à une carrière de professeur-chercheur, sans exclure la possibilité de militer à nouveau. Il se réjouit de l’arrivée de Pauline Marois à la tête du Parti Québécois qui, dit-il, semble vouloir entreprendre, enfin, le bilan du souverainisme post-référendaire. Un souverainisme qu’il qualifie de pénitent. «Le PQ doit reposer à nouveau sur une coalition chapeautant une aile progressiste et une autre plus conservatrice. Il doit aller là où se trouve une majorité souverainiste possible.»