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Compositeur ornithologue érudit

Par Pierre-Etienne Caza

5 février 2007 à 0 h 02

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Chargé de cours au Département de musique de l’UQAM depuis une quinzaine d’années, Antoine Ouellette a soutenu l’an dernier sa thèse de doctorat en études et pratiques des arts, intitulée Le chant des oiseaux. Comment la musique des oiseaux devient musique des hommes. Pour l’occasion, le jury était composé de deux musicologues, d’un ornithologue et de deux compositeurs, puisque sa thèse comportait non seulement une étude étoffée du chant des oiseaux, mais également la création d’une pièce symphonique reproduisant des chants d’oiseaux du Québec!

Sensible aux causes environnementales, passionné d’ornithologie et de botanique, Antoine Ouellette a d’abord obtenu un baccalauréat en biologie avant d’entreprendre des études en musique, qui l’ont conduit jusqu’au doctorat. «Ce fut l’occasion de faire la jonction entre la musique et la biologie», affirme-t-il à propos de sa thèse, qui lui a valu une mention d’excellence. Après l’avoir remaniée dans un langage plus accessible aux profanes, il l’a fait parvenir à quelques maisons d’édition, espérant que l’ouvrage trouve preneur.

Plusieurs similitudes avec l’homme

En étudiant les oiseaux du nord-est de l’Amérique du Nord, Antoine Ouellette a constaté que leur chant est un comportement appris, comme chez les humains. «Les oiseaux apprennent à chanter de leurs parents», explique-t-il.

Les différents cris et chants des oiseaux rempliraient selon lui une vingtaine de fonctions, qu’il n’hésite pas à mettre en relation avec la communication humaine. Ainsi, les oiseaux chantent pour affirmer leur territoire, ce qui s’apparenterait aux hymnes nationaux. Les chants d’amour et de reproduction trouvent évidemment un écho dans les chansons d’amour, tandis que certains cris utilisés s’apparenteraient selon lui aux berceuses et aux comptines, qui servent, tout comme chez l’humain, à l’apprentissage du langage. Les chants de persécution, eux, pourraient être comparés aux chansons engagées.

M. Ouellette élabore également dans sa thèse la notion de «musilangage», qui aurait précédé la distinction marquée entre langage et musique que l’on connaît aujourd’hui chez l’être humain. «La séparation n’aurait pas eu lieu chez les oiseaux, mais le musilangage pourrait expliquer pourquoi certains d’entre eux, notamment les perroquets, ont des habiletés langagières plus développées», explique-t-il.

Beethoven démasqué Sa thèse fait également état de la présence de chants d’oiseaux dans l’histoire musicale. «La 5e de Beethoven s’ouvre avec quatre notes qui sont en réalité le chant du bruant jaune, que le compositeur aurait entendu dans les parcs de Vienne», explique M. Ouellette. Beethoven lui-même l’aurait révélé à des proches. «Alors tous ceux qui entendent dans ces quatre notes le lourd présage du destin ont tout faux», dit-il en riant.

Il cite dans sa thèse environ 120 pièces du répertoire occidental recréant ou intégrant des chants d’oiseaux, dont la plus ancienne proviendrait d’Angleterre et s’intitulerait Sumer is icumen in. «Cette pièce du XIIIe siècle comporte une partition pour la voix humaine qui se veut une imitation du coucou gris, précise- t-il. Le coucou et le rossignol sont les deux oiseaux qui reviennent le plus fréquemment dans la musique classique jusqu’au début du XXe siècle.» Parfois, le résultat est fantaisiste, mais d’autres fois, assez réaliste. Outre la voix humaine, le gazou, la flûte, l’orgue, le violon, le clavecin et le piano servent souvent à imiter le chant des oiseaux.

L’invention de l’enregistrement accélère les emprunts. Le premier enregistrement ayant servi dans une oeuvre était un chant d’oiseau, entendu dans Les pins de Rome, du compositeur italien Ottorino Respighi, en 1924. Depuis, plusieurs compositeurs s’amusent avec les chants d’oiseaux, et pas qu’en musique classique. Le courant Nouvel-Âge, par exemple, s’en sert pour créer une atmosphère de détente. «Le compositeur français Bernard Fort est venu au mont Saint- Hilaire pour y enregistrer des sons d’oiseaux, puis en faire de la musique électroacoustique», s’exclame Antoine Ouellette, qui ne manque pas de faire découvrir à ses étudiants quelques pièces du genre dans son cours portant sur l’histoire de la musique de l’Antiquité à aujourd’hui.

Pianiste et violoncelliste, il compose de la musique depuis l’âge de 12 ans. Il a à son actif plus de 40 oeuvres : pièces pour instrument solo, pour ensemble, pour orchestre, pour choeur, etc. Certaines ont été enregistrées et jouées au Québec, au Canada, au Mexique, aux États-Unis, en France et en Hollande. Il est particulièrement fier de sa pièce pour flûte, intitulée Bourrasque Op.16, première pièce canadienne publiée par l’éditeur parisien Henry Lemoine. Il dirige également un choeur de chant grégorien d’une vingtaine de personnes du quartier Petite-Patrie, à Montréal.

Sa pièce symphonique de chants d’oiseaux du Québec, intitulée Joie des grives, constituait le volet création de sa thèse. «Les dirigeants du Festival international de Lanaudière ont manifesté le désir de la voir jouée dans le cadre de leur événement. J’espère que cela se concrétisera cet été», conclut-il.