Les professeurs Michel Rochefort, du Département d’études urbaines de l’ESG UQAM, et Jean-François René, de l’École de travail social, ont codirigé une recherche-action portant sur l’aménagement et le développement du quartier Milton-Parc à Montréal. La recherche a été menée en partenariat avec trois organismes du quartier – la Société de développement communautaire de Milton-Parc, l’Association récréative Milton-Parc et le Syndicat de copropriété de la communauté Milton-Parc –, avec l’appui du Service aux collectivités (SAC).
«Notre démarche était portée par le désir de redonner du pouvoir aux personnes résidentes de Milton-Parc et de stimuler la création d’une vision stratégique citoyenne.»
Michel Rochefort,
Professeur au Département d’études urbaines
Au cours de la dernière année, l’équipe de recherche a tenu plusieurs activités de collecte de données auprès de la population, notamment lors d’une fête du voisinage organisée par des groupes et des citoyennes et citoyens du quartier, sans compter des visites de terrain, des groupes de discussion, des entrevues semi-dirigées, un sondage électronique et un photovoix sur les caractéristiques du quartier avec des jeunes de l’Association récréative Milton-Parc.
La recherche poursuivait trois objectifs: brosser un portrait du quartier à partir de différentes caractéristiques urbaines, sociales et culturelles; élaborer un énoncé de vision stratégique commune pour l’aménagement et le développement de Milton-Parc; et identifier des pistes d’action.
Une histoire de luttes citoyennes
Milton-Parc possède une riche histoire de luttes citoyennes qui ont caractérisé son développement, en particulier celles pour le droit au logement dans les années 1960 et 1970. En 1968, un puissant promoteur immobilier achète un quadrilatère de maisons patrimoniales pour les détruire et ériger 15 gratte-ciels. Les résidentes et résidents du quartier se mobilisent et parviennent au bout de quelques années à sauver des résidences qui deviennent des coopératives d’habitation, parmi les premières au pays. Encore aujourd’hui, Milton-Parc est réputé pour l’engagement communautaire et citoyen d’une partie de sa population. «Maintenant, l’enjeu est de renouveler cet engagement, en particulier chez les jeunes, alors que l’on observe la présence d’une forte population étudiante», dit Michel Rochefort.
Délimité par l’avenue des Pins et le parc du Mont-Royal au nord, la rue Sherbrooke et le centre-ville au sud, la rue University et l’Université McGill à l’ouest et le boulevard Saint-Laurent à l’est, Milton-Parc recèle plusieurs attraits pouvant constituer une force d’attraction. On y trouve une importante mixité sociale et culturelle, de nombreuses institutions publiques et privées œuvrant en éducation et en santé, un dynamisme commercial sur l’avenue du Parc et le boulevard Saint-Laurent, une proximité avec le centre-ville, le Quartier des spectacles, le parc du Mont-Royal et le parc Jeanne-Mance.
«Milton-Parc se caractérise aussi par la présence de terrains et immeubles vacants ou à l’abandon, entre autres sur Saint-Urbain et l’avenue du Parc, qui font l’objet de projets de requalification, représentant ainsi un potentiel de développement pour le quartier», note le professeur.
Nouvelles problématiques sociales
Depuis le début des années 2000, le quartier s’est transformé et de nouvelles problématiques sociales sont apparues. Un sondage électronique réalisé par l’équipe de recherche montre que l’image du quartier, telle que perçue par 75 % des personnes répondantes, s’est détériorée.
«L’accroissement du phénomène de l’itinérance, les enjeux d’entretien, de sécurité et de salubrité des espaces publics, la fermeture de certains commerces et la hausse des taxes municipales alimentent la perception négative du quartier.»
Michel Rochefort note aussi des préoccupations relatives aux îlots de chaleur, au verdissement des rues et des ruelles, à la récupération de l’eau de pluie et à la gestion des déchets dangereux.
Énoncé de vision et lignes directrices
La recherche-action a permis d’élaborer, avec les personnes citoyennes, un énoncé de vision stratégique reposant sur des valeurs de cohabitation et de mixité sociale, d’inclusion et de solidarité ainsi que de participation et d’engagement.
S’inspirant de ces valeurs, cinq lignes directrices ont été identifiées afin d’orienter des actions pouvant avoir une incidence sur le développement de Milton-Parc: protection et mise en valeur du patrimoine bâti; prise en compte des besoins résidentiels; amélioration et végétalisation des espaces publics; accessibilité accrue à des services et commerces de proximité; sécurisation et accroissement des déplacements, notamment piétonniers.
En matière de cohabitation, l’un des principaux enjeux consiste à assurer une meilleure prise en charge des personnes en situation d’itinérance, en évitant leur stigmatisation, relève Michel Rochefort. Il faut réfléchir au renforcement et à l’implantation de lieux d’hébergement, en tenant compte de la diversité des besoins, et à la bonification des services de soutien, que ce soit en matière de toxicomanie, de santé mentale ou d’intégration sociale.
«Une autre priorité concerne la création d’une instance permettant la concertation des associations et organismes présents sur le territoire, soit une table de quartier, qui favoriserait la mise en œuvre d’une vision commune et une synergie dans les actions.»
Pistes d’action prioritaires
À partir des suggestions des citoyennes et citoyens, l’équipe de recherche met de l’avant plusieurs actions prioritaires, à l’échelle du quartier et à plus grande échelle, qui correspondent aux lignes directrices établies.
Patrimoine bâti et espaces publics
On propose la mise en place d’un parcours historique, architectural et communautaire, comprenant des panneaux explicatifs et des éléments d’art public. «L’idée derrière ce parcours est de conserver la mémoire du quartier, de raconter son histoire afin d’inspirer et d’inciter les gens, les jeunes surtout, à s’impliquer», explique le professeur. D’autres actions concernent la préservation et la réutilisation des bâtiments patrimoniaux d’importance, vacants ou en en voie de le devenir (églises, écoles), à des fins culturelles ou résidentielles.
Logements et habitations
«On trouve dans le quartier un nombre important de logements sociaux ou hors marché, un legs des luttes citoyennes des années 60 et 70, rappelle le professeur. Cela dit, il faut maintenir les logements hors marché existants qui conviennent aux familles et augmenter l’offre de logements sociaux et abordables, notamment adaptés aux besoins des personnes âgées.»
Services commerciaux et équipements
Accroître le sentiment de sécurité (éclairage, aide aux personnes itinérantes) et procéder au réaménagement de l’avenue du Parc afin d’accroître son attractivité et la qualité des déplacements piétonniers comptent parmi les actions prioritaires.
Après avoir créé récemment une Maison de jeunes, les citoyennes et citoyens de Milton-Parc souhaitent également la mise sur pied d’une bibliothèque et d’une piscine publiques.
Environnement
La recherche propose de prévoir à court terme davantage d’aménagements favorisant le verdissement et la gestion des eaux pluviales dans les espaces publics et de créer de nouvelles ruelles vertes.
Mobilité
Il est proposé de favoriser les déplacements actifs – marche et vélo – et de profiter du réaménagement prévu de l’avenue du Parc pour ralentir la circulation, créer une piste cyclable, élargir les trottoirs et ajouter du mobilier urbain en vue de rendre la marche plus agréable.
Prochaine étape
«La prochaine étape consiste à identifier des porteurs de projets, soit des acteurs communautaires, associatifs et autres, qui s’assureront de réaliser les actions jugées prioritaires en fonction de leur domaine d’intervention, précise Michel Rochefort. L’aménagement de l’avenue du Parc, par exemple, pourrait ne pas être pris en charge par un organisme communautaire, mais par un autre type d’acteur, comme l’association des commerçants du quartier.»
Le rapport de recherche a été présenté récemment à des élus et à des fonctionnaires de l’Arrondissement du Plateau Mont-Royal, qui l’ont accueilli favorablement. Chose certaine, il permettra d’alimenter les discussions en vue des prochaines élections municipales.
«Pour éviter que le rapport ne soit tabletté et que les actions proposées demeurent des vœux pieux, il est important de ne pas être position d’attente à l’égard des divers paliers de gouvernement, prévient le chercheur. Ainsi, en ce qui concerne la création de logements sociaux, les organismes du quartier sont capables de faire leurs propres démarches et de trouver des bailleurs de fonds pour obtenir du financement.»
On peut consulter le résumé du projet et le dossier complet en visitant le site web du Service aux collectivités.