Voir plus
Voir moins

Réduire les barrières à la découvrabilité des produits culturels en ligne

Michèle Rioux poursuit ses travaux en partenariat avec des organisations du milieu culturel et de l’intelligence artificielle.

Par Pierre-Etienne Caza

6 février 2025 à 16 h 34

Le tsunami des plateformes de musique en ligne et leurs algorithmes ont peut-être relégué les contenus québécois francophones loin dans les suggestions d’écoute, mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. L’équipe de la professeure du Département de science politique Michèle Rioux, qui a obtenu une subvention d’engagement partenarial du CRSH, poursuit son travail amorcé depuis quelques années sur la découvrabilité des contenus francophones en musique. Son collègue Destiny Tchehouali, du Département de communication sociale et publique ainsi que Stéphane Paquin, professeur à l’École nationale d’administration publique, agissent à titre de codirecteurs du projet de recherche.

Le système de découvrabilité est un ensemble de processus qui structurent et déterminent la possibilité et la capacité des publics de découvrir des produits en ligne, autrement dit de les repérer ou de se les faire présenter sans avoir à les chercher parmi un vaste ensemble de contenus organisés par des systèmes de prescription et de recommandation, rappelle Michèle Rioux.

Les travaux réalisés avec ses collègues du Laboratoire d’analyse des transformations des industries culturelles à l’ère du commerce électronique (LATICCE), en partenariat avec les milieux culturels, ont attiré l’attention du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Des consultations publiques sont toujours en cours sur l’application de la Loi sur la diffusion continue en ligne (anciennement projet de loi C-11), qui vise à moderniser la Loi sur la radiodiffusion, dans le contexte où les plateformes étrangères (Netflix, Amazon, Spotify et Apple Music, notamment) accaparent le marché. «Le CRTC s’est montré intéressé par notre indice de découvrabilité servant à suivre en temps réel l’évolution de la découvrabilité de paniers de contenu musical», souligne Michèle Rioux.

La méthode développée par son équipe analyse quatre niveaux de découvrabilité: la présence d’un produit en ligne, la visibilité, la recommandation et la consommation. «Nos recherches ont établi qu’il existe des barrières à la découvrabilité, et que ces barrières ont des impacts négatifs en matière de diversité des expressions culturelles, de revenus pour les industries de la musique et d’efficacité des politiques publiques», explique-t-elle.

Trois axes de recherche

Réalisé en partenariat avec MétaMusique, InTempo et le Centre d’excellence international de Montréal en intelligence artificielle (CEIMIA), le nouveau projet de recherche piloté par Michèle Rioux vise à identifier les réponses industrielles, réglementaires et politiques susceptibles de réduire ces barrières à la découvrabilité. Il comporte trois axes répondant aux besoins exprimés par les partenaires: développer des solutions techniques pour percer la chambre d’écho de la recommandation sur les plateformes de diffusion en continu afin de stimuler la découvrabilité et l’exportation des enregistrements sonores; identifier les bonnes pratiques et les politiques publiques en matière de découvrabilité; et analyser les impacts de l’IA sur la découvrabilité. «En bref, ces trois axes nous permettront de comprendre les modèles d’affaires des plateformes de musique et les enjeux qu’ils soulèvent pour nos partenaires et les gouvernements afin de cibler des solutions techniques et réglementaires», résume Michèle Rioux.

Trois partenaires et des stages MITACS

Métamusique est un consortium regroupant la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), l’Union des artistes (UDA), l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), le Collectif de gestion du droit voisin des producteurs (SOPROQ), le Collectif de gestion du droit voisin des interprètes (ARTISTI), la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec (SPACQ), la Guilde des musiciennes et musiciens du Québec (GMMQ), le Conseil québécois de la musique (CQM) et l’Association des professionnels de l’édition musicale (APEM). «MétaMusique accompagne ses membres dans l’indexation des contenus à l’aide de métadonnées et développe de bonnes pratiques, voire un modèle commun, en matière de métadonnées, explique Michèle Rioux, tandis que InTempo aide les artistes, productrices et producteurs musicaux à réaliser leurs projets en tenant compte des changements technologiques pour faire face aux défis du numérique.» Ces deux partenaires ont participé aux recherches précédentes menées par le LATICCE sur la découvrabilité.

Le troisième partenaire, le CEIMIA, participera à la veille technologique analytique, en plus de développer un assistant d’IA favorisant la découverte d’œuvres musicales québécoises. «Cette collaboration avec nos partenaires a permis d’obtenir des unités de stage MITACS Accélération pour embaucher des étudiants de cycles supérieurs», souligne Michèle Rioux.

Les membres de l’équipe de Michèle Rioux qui s’intéressent aux enjeux entourant la découvrabilité sont le doctorant Brice Armel Simeu Tagno, qui travaille sur une thèse intitulée «Découvrabilité, intelligence artificielle générative et régulation encodée des plateformes numériques de contenus culturels: perspectives théoriques et leviers d’activation», le doctorant Guy-Philippe Wells («L’impact des plateformes numériques d’écoute en ligne sur les conditions de création des artistes québécois et son incidence en matière de politiques publiques de régulation nationale et internationale»), et les candidats à la maîtrise Jean-Robert Bisaillon («Le rôle et l’adoption de variables normatives dans l’application de la convention de l’UNESCO pour la diversité des expressions culturelles en contexte numérique») et Lubin Baptiste Daniel Sabatier («La souveraineté économique des industries culturelles et créatives au Québec et dans la Francophonie: encadrement législatif et politique de concurrence à l’ère du numérique»).

On le constate déjà: les conséquences de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis vont bien au-delà des tarifs douaniers et du contrôle des frontières. «Si l’administration Biden était devenue l’administration Harris, on se dirigeait peut-être vers une forme de régulation d’Internet avec des principes directeurs, mais cela ne sera assurément pas le cas avec Trump, déplore Michèle Rioux. Raison de plus pour poursuivre le travail afin de s’assurer que nos contenus culturels aient la visibilité qu’ils méritent!»