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Projet de loi 94: une entrave à l’égalité des chances et au droit à l’éducation

Josée Charette est cosignataire d’un mémoire présenté à l’Assemblée nationale sur le projet visant à renforcer la laïcité en éducation.

Par Jean-François Ducharme

29 avril 2025 à 14 h 19

Mis à jour le 21 mai 2025 à 10 h 07

La professeure du Département d’éducation et formation spécialisées Josée Charette est l’une des neuf cosignataires d’un mémoire sur le projet de loi 94 sur la laïcité dans le réseau de l’éducation. Le mémoire a été présenté dans le cadre des consultations tenues à l’Assemblée nationale, le 24 avril dernier, devant le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, et les membres de la Commission de la culture et de l’éducation.

Les cosignataires, qui proviennent de diverses universités québécoises, sont membres de l’équipe Inclusion et diversité ethnoculturelle en éducation (IDEÉ). Ce groupe financé par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture vise à mieux comprendre comment le personnel scolaire contribue à produire ou à réduire les inégalités éducatives en contexte de diversité ethnoculturelle.

Un article controversé

Le mémoire demande notamment de retirer l’article 36 du projet de loi. Cet article stipule «qu’un membre du personnel d’un centre de services scolaire francophone doit utiliser exclusivement le français (…) lorsqu’il communique oralement ou par écrit avec un élève ou avec un autre membre du personnel».

L’article pose problème pour plusieurs raisons, affirme Josée Charette. «La première est que si l’on prend l’article à la lettre, les écoles ne pourraient plus offrir de cours d’anglais ou d’espagnol, ni de programmes de soutien aux langues maternelles, ce qui est absurde», souligne la chercheuse.

Les recherches en éducation ont démontré que l’apprentissage des langues se fait en interdépendance et non en concurrence, rappelle la chercheuse. «Pour apprendre le français, les élèves s’appuient sur les langues qu’ils et elles connaissent, explique la spécialiste de l’accueil et de l’intégration des familles immigrantes en milieu scolaire. Ne pas s’appuyer sur les langues familiales des élèves crée un gaspillage cognitif qui nuit à la réussite éducative.»

Josée Charette ajoute que de ne pas exposer les élèves à une diversité linguistique risque, à terme, d’accentuer la discrimination et l’exclusion des personnes qui parlent d’autres langues que le français. «Cela pourrait avoir un impact affectif chez les élèves issus de l’immigration, mentionne la chercheuse. Les langues familiales ont une composante identitaire importante, et le fait d’empêcher les élèves d’avoir recours à leur langue familiale remet en question la légitimité de leur identité.»

La professeure dénonce les approches coercitives présentes dans le projet de loi. «La recherche démontre que ces approches sont rarement bénéfiques pour la réussite éducative des élèves», dit Josée Charette.

Manque d’appuis scientifiques

Le mémoire soutient que le projet de loi manque d’appuis empiriques et scientifiques et qu’il «risque de fragiliser les piliers éducatifs de l’école québécoise, notamment l’égalité des chances, le droit à l’éducation et les missions de l’école». Selon les signataires, il nourrit aussi les préjugés à l’égard de groupes déjà minorisés, fragilisant ainsi le climat scolaire et le climat de travail.

Josée Charette est satisfaite des réactions suscitées par le mémoire. «Les partis d’opposition ont démontré beaucoup d’ouverture par rapport à nos expertises en recherche, se réjouit la professeure. Nous souhaitons contribuer à l’amélioration du projet de loi, en discutant avec le cabinet du ministre ou en leur donnant des outils, afin de prendre des décisions pour le bien des élèves.»