«Parler français au Québec, c’est essentiel pour l’intégration professionnelle et culturelle des nouveaux arrivants. C’est pourquoi, dans mon projet de recherche, je m’intéresse aux hispanophones, pour qui la prononciation du français est un vrai défi», explique la candidate au doctorat en linguistique Cristina Uribe, qui a obtenu la faveur des juges et du public lors de la finale uqamienne du concours Ma thèse en 180 secondes.
Lorsque nous apprenons une nouvelle langue, notre perception et notre production des sons sont influencées par notre langue maternelle, explique la jeune chercheuse, qui réalise sa thèse sous la codirection de la professeure Lucie Ménard et du professeur Denis Foucambert. «Par exemple, la voyelle “u” en français, comme dans le mot “tu”, n’existe pas en espagnol. Les hispanophones l’associent donc à la voyelle “ou”, et disent donc “tou” au lieu de dire “tu”.»
En phonétique, les voyelles correspondent aux sons produits par l’écoulement libre de l’air dans la cavité buccale, et non uniquement aux voyelles de l’alphabet. On retrouve ainsi 16 voyelles phonétiques en français comme le «ou», le «è», le «eu» et le «un».
Ne pas être en mesure de discerner ces voyelles peut compliquer la communication pour les locuteurs apprenants, car, en français, plusieurs mots se différencient par une seule voyelle. «C’est le cas des mots “nous” et “nu”», illustre la doctorante avec humour, rappelant qu’il n’y a pas de sous-titres qui accompagnent nos paroles dans la vie de tous les jours pour nous aider à nous faire comprendre.
Les chercheuses et chercheurs en linguistique ont établi depuis longtemps que chaque son possède ses propres caractéristiques articulatoires. «Pour distinguer les voyelles “i”, “u” et “ou”, nous devons coordonner la position de notre langue, l’ouverture de notre mâchoire et la forme de nos lèvres, précise Cristina Uribe. La seule différence entre la voyelle “u” et la voyelle “ou” est la position de la langue, en position antérieure lorsqu’on produit la voyelle “u” et en position postérieure lorsqu’on produit la voyelle “ou”.»
Les hispanophones peuvent observer la forme des lèvres de leurs interlocuteurs pour savoir s’ils prononcent “i” ou “u”, ou regarder l’ouverture de la mâchoire pour différencier le son “i” et le son “è”, mais ils ne peuvent pas voir la position de la langue pour distinguer un “u” d’un “ou”. «C’est là qu’intervient mon projet de recherche au cours duquel j’explore l’utilisation de l’échographie, explique la doctorante. Je place la sonde sous le menton des participants hispanophones pour enregistrer en temps réel le mouvement de leur langue pendant qu’ils parlent. L’objectif est de vérifier si le fait de rendre visible cette partie cachée du corps peut les aider à mieux prononcer le son “u” et ainsi améliorer leur communication en français.»
Le jury a souligné le brio avec lequel la gagnante a présenté son sujet de recherche, en l’incarnant de belle façon, en le contextualisant et en le vulgarisant très habilement.
Le Prix du jury, qui s’accompagne d’une bourse de 1 500 dollars, vaut à Cristina Uribe de représenter l’UQAM lors de la finale nationale du concours Ma thèse en 180 secondes, qui se tiendra en marge du congrès de l’Acfas et qui réunira, le 7 mai prochain à la Grande Bibliothèque, des étudiantes et étudiants provenant d’une vingtaine d’universités francophones à travers le Canada.
Le Prix du public, une bourse de 500 dollars, a été décerné à la doctorante par le vice-recteur à la Recherche, à la création et à la diffusion, Christian Agbobli.
Dix doctorantes et cinq doctorants étaient en lice lors de cette finale uqamienne, dont six de la Faculté des sciences, trois de la Faculté des sciences humaines, deux de la Faculté de science politique et de droit, deux de l’École des sciences de la gestion, une de la Faculté des arts et une de la Faculté des sciences de l’éducation.

Le jury était constitué de Stephan Chaix, directrice du Cœur des sciences, Patrice Potvin, professeur au Département de didactique, Martine Turenne (B.A. communication, 1987), rédactrice en chef de La Conversation Canada, Jack Bauer, responsable des communications au Service des partenariats et du soutien à l’innovation, et David Paquette-Bélanger, gagnant du Prix du jury 2023. Joanie Doucet, conseillère au Service des communications, agissait à titre de maîtresse de cérémonie. L’événement faisait partie de la programmation du Printemps de la recherche et de la création.
Organisé par l’Acfas depuis 2012, ce concours de vulgarisation, qui permet à des doctorantes et doctorants de présenter leur sujet de recherche en termes simples à un auditoire profane et diversifié, est inspiré du concours Three minute thesis (3MTMD), qui a eu lieu pour la première fois en 2008 à l’Université du Queensland, en Australie. L’évaluation est basée sur trois critères: le talent d’orateur et la passion du participant pour son sujet, sa capacité de vulgarisation et la structure de son exposé. Le concours québécois a été le premier en langue française. Les lauréats de la finale nationale canadienne seront invités à participer à la finale internationale, qui se tiendra à Bucarest, en Roumanie, du 1er au 3 octobre 2025.
On peut voir ou revoir les prestations des candidates et candidats sur UQAM.tv.