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COVID-19: frein ou tremplin pour les études supérieures?

Pierre Doray et son équipe analysent les impacts de la pandémie sur les parcours au cégep et à l’université.

Par Jean-François Ducharme

6 mars 2025 à 11 h 18

Mis à jour le 11 mars 2025 à 15 h 27

En mars 2020, le gouvernement a décrété la fermeture de tous les établissements d’enseignement, du primaire à l’université. Dans les cégeps et universités, la poursuite de l’année scolaire ne pouvait s’effectuer que sous le mode de la formation à distance. «À l’époque, le discours public face aux études postsecondaires était pessimiste, rappelle le professeur du Département de sociologie Pierre Doray. On parlait de problèmes d’anxiété liés à l’isolement, de conciliation études-famille difficile, de contraintes financières et d’un manque d’accès aux équipements pour la formation à distance.»

Malgré ces craintes, les inscriptions dans l’enseignement supérieur ont légèrement augmenté à l’automne 2020. «Ces augmentations sont survenues malgré la baisse marquée des inscriptions des étudiants internationaux, lesquels devaient rester dans leur pays», ajoute le chercheur, qui mène des études sur les parcours scolaires depuis plus de deux décennies.

Cinq ans plus tard, la question se pose: la pandémie a-t-elle constitué un frein ou un tremplin aux études postsecondaires? Afin d’en avoir le cœur net, Pierre Doray et son équipe ont mené, en parallèle, des entrevues qualitatives auprès d’une trentaine d’étudiantes et d’étudiants du cégep et de l’université ainsi qu’une recherche quantitative avec des données panquébécoises pour brosser un portrait global. «Des embûches administratives dans la transmission des données ont ralenti le volet quantitatif, déplore le sociologue. Nous devrions être en mesure de publier les premiers résultats l’automne prochain. Dans la foulée, nous souhaiterons comparer ces résultats à une autre crise qui a affecté le système éducatif postsecondaire, soit le Printemps érable de 2012.»

L’équipe de recherche, composée notamment de la professeure du Département d’éducation et formation spécialisées Virginie Thériault ainsi que des étudiantes et étudiants au doctorat Rachel Kongo, Natacha Prats, Simon Bilodeau-Carrier et Ariela Simona Ionici, a obtenu une subvention de développement Savoir du CRSH.

Quatre parcours

Bien que l’on doive attendre encore quelques mois pour connaître le véritable impact de la pandémie sur les études postsecondaires, les entrevues qualitatives ont néanmoins permis de dégager quatre types de parcours scolaires. «Il est possible que d’autres parcours existent, mais ce sont les quatre qui sont ressortis de notre étude», précise Pierre Doray.

Le premier parcours est celui d’adultes qui, après des années d’expérience sur le marché du travail, ont profité de la pandémie pour effectuer un retour aux études. «Dans bien des cas, ce projet de retour aux études était antérieur à la pandémie, souligne le chercheur. Le fait de se retrouver en télétravail ou même, dans certains cas, sans emploi, a accéléré le projet.» Pierre Doray décrit les conditions d’études de ces personnes durant la pandémie comme optimales: ils n’avaient pas de problèmes financiers, se sont adaptés facilement aux cours à distance et avaient beaucoup de temps à consacrer à leurs études.

Le deuxième parcours concerne les jeunes qui étaient déjà aux études et pour lesquels la pandémie a représenté un avantage. «Pour ces personnes, la formation à distance permettait un gain de temps par rapport à l’enseignement en présentiel, mentionne le sociologue. Ils ont consacré plus de temps à leurs études et ont accéléré leur parcours en choisissant plus de cours par session.»

Dans le troisième parcours, on retrouve des personnes qui, comme le prédisaient les discours pessimistes, ont vécu des épreuves liées à l’isolement, à l’anxiété ou à des enjeux de conciliation travail-famille-études. «Dans bien des cas, ces épreuves n’étaient pas nécessairement causées par la pandémie, affirme Pierre Doray. Par exemple, des étudiantes et étudiants ont raconté qu’ils se sentaient en concurrence avec les autres et qu’ils avaient connu des problèmes de motivation lorsque leurs notes ont baissé. Ces épreuves n’avaient rien à voir avec la COVID-19.»

Enfin, le dernier parcours scolaire est celui de la réorientation de carrière. «Nous pouvons décrire ces personnes comme ayant une incertitude vocationnelle importante et qui changent de programme au moindre désenchantement. Ces difficultés ont, encore là, peu à voir avec la pandémie».

L’équipe de Pierre Doray présentera des communications sur ces parcours scolaires au prochain congrès de l’Acfas, qui aura lieu en mai prochain, à l’École de technologie supérieure.