Documentaires, livres illustrés, outils d’aide à la décision, programmes de formation: les projets de recherche de la professeure du Département de management Emilie Fortin-Lefebvre (Ph.D. administration, 2018) débouchent la plupart du temps sur des outils concrets pouvant servir directement aux communautés autochtones avec lesquelles elle collabore. «Je ne fais pas de la recherche sur les peuples autochtones, mais avec et pour eux, explique-t-elle. Je cherche à savoir ce dont leurs communautés ont besoin dans une démarche de coconstruction des savoirs et des connaissances.»
L’an dernier, Emilie Fortin-Lefebvre a obtenu une subvention d’engagement partenarial du CRSH afin de réaliser une série documentaire sur l’apport autochtone à l’économie du Québec. «Il s’agit d’un projet en quatre volets explorant l’accès au capital pour les populations autochtones, l’autonomie énergétique au Nunavik, la collaboration allochtone-autochtone, et le leadership féminin», précise-t-elle. Un making of traitant de la manière de faire de la recherche autrement avec les peuples autochtones, au bénéfice des étudiantes et étudiants de maîtrise et de doctorat, s’ajoutera peut-être en cours de route.
Ce projet, qui s’inscrit dans le cadre des activités du Centre d’études pour l’autonomie économique des peuples autochtones (AEPA), qu’elle a fondé en 2020, sera réalisé en partenariat avec Rémi Morin Chassé, professeur d’économie à l’UQAC, Laurie Guimond, professeure au Département de géographie et titulaire de la nouvelle Chaire de recherche du Canada avec les milieux de vie du Nord, l’Institut Ashukan, la Commission de développement économique des Premières Nations du Québec, le Secrétariat aux alliances économiques Nation crie Abitibi-Témiscamingue, le Centre de recherche sur les innovations sociales, l’Institut nordique du Québec et la maison de production Tungsten Studio.
L’influence de Bernard Landry
Émilie Fortin-Lefebvre a eu le bonheur de côtoyer l’ancien premier ministre et professeur de l’École des sciences de la gestion Bernard Landry (1937-2018) alors qu’elle était doctorante. «C’est grâce à monsieur Landry si je réalise des recherches partenariales avec les communautés autochtones, raconte-t-elle. C’est lui qui m’a mise en contact avec Konrad Sioui, Grand Chef de Wendake de 2008 à 2020. Celui-ci m’a ensuite ouvert les portes de sa communauté et m’a référée à d’autres. Cela m’a permis de terminer mon doctorat qui visait à mieux comprendre les caractéristiques de l’entrepreneuriat en communauté autochtone au Québec.»
Ce sont ses échanges avec Bernard Landry qui ont aiguillé Emilie Fortin-Lefebvre vers des recherches sur l’apport des peuples autochtones à l’économie québécoise. «J’ai eu l’occasion de discuter avec lui de la Paix des Braves, qu’il avait signée au nom du gouvernement du Québec en 2002 avec Ted Moses, Chef du Grand Conseil des Cris. Monsieur Landry reconnaissait que l’économie du Québec, notamment en matière de ressources naturelles comme l’électricité, la foresterie et les mines, devait énormément aux peuples autochtones.»
Avec une équipe du Service de l’audiovisuel, Emilie Fortin-Lefebvre a proposé à Bernard Landry d’aller le filmer chez lui pour qu’il lui raconte les pourparlers entourant la signature de la Paix des Braves. «Il a accepté avec plaisir. Mon objectif était de faire la même chose avec Ted Moses et d’amener les deux hommes à se rencontrer, mais Bernard Landry est décédé avant que le projet ne puisse aboutir», raconte-t-elle.
Quelques années plus tard, Émilie Fortin-Lefebvre a croisé Ted Moses lors d’un événement. «Je lui ai expliqué mon projet et il a accepté. J’avais une fenêtre de dix jours pour m’organiser, me rendre à Val-d’Or et réaliser l’entrevue avec lui», se souvient-elle.
Ces deux entrevues, filmées à quelques années d’intervalles, lui ont permis de concocter une «conversation» entre les deux hommes sur la Paix des Braves, 20 ans après sa signature.
À la suite de ce petit projet, elle a obtenu un financement du CRSH afin de réaliser un documentaire d’une quinzaine de minutes sur l’apport de la Paix des Braves à l’économie de la Nation crie, intitulé The Cree Way – Waswanipi.
Une diffusion à la télé?
Son nouveau projet de série documentaire est lancé. «Quelques entrevues ont été réalisées pour le volet sur l’accès au capital, indique-t-elle. J’ai d’ailleurs présenté un court montage en mars lors du Sommet Connexions autochtones, qui avait lieu à Montréal, et qui portait sur les enjeux de réconciliation économique avec les Premiers Peuples.»
La production de la série documentaire s’échelonnera sur les trois prochaines années, avec la participation de tous les partenaires, incluant des professionnelles de recherche et des étudiantes du Centre d’études AEPA. «Nous aimerions que le projet débouche sur une diffusion à la télé pour un plus vaste auditoire, car le grand public devrait connaître l’ampleur de l’apport de l’économie autochtone à l’économie québécoise», conclut Emilie Fortin-Lefebvre. À suivre!