Sur le site de Kino, on peut voir une carte du monde montrant toutes les cellules de ce mouvement créé à l’UQAM par une vingtaine de jeunes cinéastes en janvier 1999. Les kinoïtes (c’est ainsi que se nomment les adeptes) se concentrent surtout au Québec et en Europe – en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Angleterre, en Belgique et dans une quinzaines d’autres pays –, mais on en trouve aussi au Mexique, en Afrique, en Asie et même en Australie. La devise du mouvement : Faites bien avec rien, faites mieux avec peu, faites-le maintenant.
Kino, c’est un peu ça: produire des courts métrages avec très peu de moyens, souvent dans l’urgence, et se donner la possibilité de les diffuser en organisant divers événements. On crée des films et on les montre sans attendre l’aboutissement des longs processus de financement indissociables de la production de longs métrages. Au début, les films étaient présentés dans des bars ou des cafés. «L’important était d’avoir un écran et un endroit pour montrer nos films et échanger avec le public, d’où l’idée, qui a perduré, d’organiser chaque mois une soirée de projections», expliquait l’un des fondateurs du collectif, Christian Laurence (B.A. communication, 98), réalisateur du film Le journal d’Aurélie Laflamme, dans un article publié à l’occasion du 15e anniversaire, en 2014.
En 1999, il n’y avait pas de caméras numériques et les logiciels de montage étaient encore très peu répandus. L’UQAM a contribué à la naissance du mouvement en lui donnant accès à du matériel et à ses salles de montage. Aujourd’hui, l’organisme vole de ses propres ailes, bénéficiant de l’appui de commanditaires et d’organismes subventionnaires. Mais les liens avec l’Université se sont maintenus. «Des membres de Kino sont souvent invités à prononcer des conférences et les étudiantes et étudiants du programme de cinéma sont encouragés à participer à Kino», souligne Geneviève Perron (B.A. communication, 04), professeure à l’École des médias et responsable du programme de cinéma.
De nombreux artisans du cinéma et de la télé aujourd’hui reconnus, dont Geneviève Perron, Stéphane Lafleur (B.A. communication, 99), Jéricho Jeudy, la chargée de cours et doctorante à l’École des médias Eza Paventi (B.A. communication, 97; M.A. art dramatique, 02) ainsi que son collègue Guillaume Fortin (B.A. communication, 2003), ont fait partie des premiers membres de Kino ou se sont joints à l’aventure en cours de route. «Pour plusieurs finissantes et finissants, Kino sert de tremplin entre le bac en cinéma et le monde professionnel», dit Geneviève Perron.
«Pour plusieurs finissantes et finissants, Kino sert de tremplin entre le bac en cinéma et le monde professionnel.»
Geneviève Perron
Professeure à l’École des médias et responsable du programme de cinéma
Plusieurs fois primé, Stéphane Lafleur a signé des films tels que Continental un film sans fusil, Tu dors Nicole et plus récemment Viking. Eza Paventi est connue pour ses documentaires et ses séries jeunesse pour la télévision comme Les Mutants et Comme des têtes pas de poule (Télé-Québec). Guillaume Fortin a réalisé des séries telles que FLQ – La traque (Historia), Canadiens-Nordiques, la rivalité (TVA) et Hells Angels – La chute (Historia). Geveniève Perron a été directrice photo pour de nombreuses œuvres de fiction et documentaires, dont le long métrage Le camion, la télésérie Les beaux malaises (TV) et la série documentaire Le théâtre des opérations (ARTV), sur laquelle a aussi travaillé la réalisatrice Sarah Fortin (B.A. communication, 2005), une autre ex-kinoïte.
L’artiste multimédia Vincent Morisset (B.A. communication, 1999), chargé de cours à l’École de design, le réalisateur Kevin T. Landry (B.A. communication, 2008) – l’un des coréalisateurs du film choral Première Vague, premier long métrage de Kino Montréal, sorti en 2021 –, le producteur de l’Office national du film Pierre-Mathieu Fortin (B.A. communication, 2000) et la monteuse Alexandra Oakley (B.A. communication, 2005) font partie des autres Uqamiens et Uqamiennes à être passés par Kino avant de faire carrière dans le domaine.
Kino est ouvert à tous les genres : comédie, drame, fantastique, documentaire, film d’art ou OFNI («objet filmé non identifiable»…). Les films sont tournés par les membres, qui bénéficient de l’entraide des autres kinoïtes, de formations, de classes de maître, de prêt d’équipement et de soutien logistique. Kino encadre et soutient la création de courts métrages à travers différentes initiatives telles que le Défi Kino du mois, des ateliers de mentorat à l’INIS ou le Kino Kabaret.
Un lieu d’expérimentation
Pour les futurs cinéastes, Kino est un lieu d’expérimentation formidable, souligne Geneviève Perron. «Au bac en cinéma, ils font deux films, dit-elle. Ceux qui s’inscrivent à Kino peuvent facilement en faire cinq ou six en une année. C’est un endroit pour s’exercer, pour tisser un réseau de contacts, pour créer librement, sans contraintes.»
Sans contraintes, sauf celle de montrer son travail. «Pas question de faire un film tout seul dans son coin, observe la professeure. C’était dans l’esprit de ceux qui ont démarré le mouvement d’utiliser la pression du groupe pour s’obliger à faire des films et à les présenter à un public.» Mais avec Kino, on a droit à l’erreur. On n’a pas de comptes à rendre à un producteur ou à un diffuseur. «Et ça, c’est formidable pour se faire la main en début de carrière.»
Le Kino Kabaret, une des marques de commerce du mouvement, est un laboratoire où se retrouvent cinéastes, comédiens et autres artisans du cinéma pour créer en quelques jours, souvent pendant un festival, un film qui sera ensuite présenté au public. Lancé en 2001 au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, le concept a connu un immense succès et a été à l’origine de l’expansion du mouvement à travers le monde. Au cours des prochains mois, des Kino Kabarets sont prévus à Caen, en France, à Bruxelles, en Belgique, à Barcelone, en Espagne, et à Hambourg, en Allemagne, entre autres.
Un réseau international
«Kino est un extraordinaire réseau international, affirme Geneviève Perron. Il existe des liens et des échanges entre toutes les cellules.» Par exemple, un Kino Kabaret se tient chaque année au festival Off-Courts de Trouville, auquel participent des kinoïtes québécois. De même, des Français sont souvent invités aux activités de Kino à Montréal. «Il y a plusieurs événements à travers le monde qui favorisent les échanges, indique la professeure. C’est une des grandes richesses de Kino.»
Si Kino continue de multiplier les occasions de projeter les films réalisés par les membres (les soirées mensuelles ont dorénavant lieu au Théâtre Sainte-Catherine, à deux pas du campus central) et de privilégier les projections en salle, la technologie offre aujourd’hui d’autres moyens. La plateforme web de l’organisme donne accès à une panoplie de courts métrages en tout genre.
Pour les 25 ans du mouvement, une grande soirée anniversaire s’est tenue le 24 février dernier à la Cinémathèque québécoise. En vue de cette occasion, un micro Kabaret avait été organisé: six paires de kinoïtes formées d’un ou une membre chevronnée avec un ou une membre de la relève avaient reçu le défi de réaliser un film sur le thème de la transmission. Leurs courts métrages ont été présentés lors de la soirée. Quelques jours plus tôt, le 15 février, les amis du mouvement avaient eu droit à une rétrospective d’une quarantaine de films parmi les plus marquants du mouvement, également à la Cinémathèque.
La soirée bénéfice annuelle, un gala qui aura lieu le 11 juin prochain, s’inscrira aussi dans le cadre des activités marquant le 25e anniversaire.