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Une activité météorologique suivie par plus de 1500 élèves

Julie Thériault et la doctorante Margaux Girouard lancent un ballon-sonde en direct sur la chaîne YouTube du Cœur des sciences.

Par Pierre-Etienne Caza

25 novembre 2024 à 12 h 02

Plus de 1500 élèves d’une cinquantaine d’écoles secondaires du Québec, du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique se sont connectés sur la chaîne YouTube du Cœur des sciences, le 20 novembre dernier, afin d’assister à une activité météorologique. En direct du mont Saint-Hilaire, la professeure du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère Julie Thériault et la doctorante Margaux Girouard ont lancé un ballon-sonde avant de faire visiter aux élèves les installations de leur station météorologique mobile.

En plus de ces jeunes branchés en direct, un peu plus de 6 700 élèves de 170 écoles à travers le Canada se sont inscrites pour suivre l’activité en différé. Celle-ci était organisée par l’agente de recherche et de planification Catherine Jolin du Cœur des sciences.

«Les ballons-sonde, ou ballons météo, servent aux prévisions à court terme, explique Julie Thériault, qui est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en événements météorologiques hivernaux extrêmes. Ils permettent notamment de déterminer précisément l’altitude des nuages afin d’alimenter les modèles de prévisions météorologiques. Nous les utilisons aussi en recherche pour mieux comprendre les différents types de précipitations hivernales – pluie verglaçante, grésil, neige mouillée – et les processus qui se déroulent dans les nuages.»

Sous l’œil de la caméra, les deux chercheuses remplissent le ballon météo d’hélium. Photo: Ève Bigras

Le ballon météo que les deux météorologues s’apprêtent à lancer montera jusqu’à environ 20 kilomètres dans le ciel. C’est la radiosonde, un instrument attaché au ballon par une corde, qui transmettra les données recueillies en altitude à l’un des ordinateurs du laboratoire mobile.

«La radiosonde mesure le changement de température pendant son ascension, ce qui nous permet de déterminer, notamment, la ligne à partir de laquelle les précipitations solides deviennent liquides, ou l’inverse, indique Margaux Girouard. Elle mesure aussi l’humidité dans l’air pour prédire la formation de nuages et éventuellement les précipitations, de même que la vitesse et la direction du vent pour déterminer, par exemple, la trajectoire des tempêtes.»

La directrice du Cœur des sciences, Stéphan Chaix, anime l’activité à distance et relaie les questions des élèves aux deux chercheuses. «Est-ce une bonne journée pour lancer un ballon-sonde aujourd’hui?», demandent-ils. «Nous pouvons le faire dans n’importe quelles conditions, comme cette journée nuageuse, mais nous préférons lorsqu’il y a de la pluie verglaçante», répond en riant Margaux Girouard, dont la thèse porte sur les précipitations hivernales. «S’il fait tempête, par contre, il faut tenir le ballon solidement lors de sa préparation!», ajoute-t-elle.

Lancement du ballon météo

Sous l’œil de la caméra, les deux chercheuses remplissent le ballon météo de 700 grammes d’hélium, un gaz plus léger que l’air, pour qu’il puisse monter rapidement dans l’atmosphère. «S’il neigeait, on en mettrait un peu plus pour s’assurer que le ballon poursuive son ascension malgré le poids des flocons», précise la doctorante.

Margaux Girouard fixe la corde de la radiosonde au ballon. «La corde mesure 30 mètres car on ne veut pas que l’antenne métallique de la radiosonde perce le ballon», explique-t-elle. La doctorante cherche ensuite le meilleur endroit, le plus loin possible des arbres, pour que le ballon puisse s’envoler. Les deux chercheuses invitent les élèves à faire le décompte avec elle: 5, 4, 3, 2, 1, Go!

Margaux Girouard vient de laisser le ballon météo s'envoler avec sa radiosonde. Photo: Ève Bigras

Le ballon monte rapidement et on aperçoit la corde de la radiosonde qui se déroule de plus en plus loin du ballon. «C’est toujours aussi excitant de lancer un ballon météo», souligne Julie Thériault tandis que Margaux Girouard observe les données en temps réel. Elle nous annonce que le ballon vient d’atteindre 536 mètres d’altitude. «Il y a plusieurs couches dans l’atmosphère, explique Julie Thériault. La plus basse, comprise entre la surface de la Terre et la stratosphère, est la troposhère, dont la limite supérieure se situe à notre latitude à une altitude d’environ 15 kilomètres.»

Lorsque nous perdons de vue le ballon météo, la professeure souligne qu’il vient d’entrer dans la couche nuageuse, à quelque 800 mètres d’altitude. Il continuera son ascension jusqu’à une vingtaine de kilomètres, au-delà même de l’altitude à laquelle volent les avions (entre 7 et 12 kilomètres). «À ma connaissance, aucun accident n’a été rapporté avec l’aviation civile en lien avec un ballon météo», spécifie Julie Thériault en réponse à une question des élèves. «On demande toujours la permission aux contrôleurs aériens 24 heures avant le lancement», spécifie-t-elle.

Un ballon en expansion

Plus le ballon météo s’élève, plus il prend de l’expansion, explique Margaux Girouard. «Il se gonflera jusqu’à atteindre environ 5 mètres de diamètre, soit la longueur d’un demi autobus, avant d’éclater et de redescendre sur Terre.»

«Est-ce que vous récupérez les ballons lorsqu’ils retombent sur Terre?», demandent les élèves. «Pas systématiquement, mais cela arrive que des randonneurs les retournent à Environnement Canada», répond Julie Thériault. «N’y a-t-il pas une balise GPS sur la radiosonde?», interrogent les élèves. «Oui, mais puisque nous lançons les ballons météo en territoire peu habité, ils retombent souvent en pleine forêt et c’est difficile d’aller les récupérer», explique la professeure.

Les données transmises par la radiosonde

Devant son ordinateur dans la station mobile, Margaux Girouard annonce qu’un pépin technique empêche apparemment la radiosonde de transmettre correctement les données. Ce sont les joies du direct! «Des aléas surviennent parfois en recherche», indique la doctorante, qui avait prévu le coup. «Nous avons lancé un autre ballon-sonde plus tôt ce matin pour avoir des données à partager advenant un problème», précise-t-elle.

Sur les graphiques qu’elle nous présente, on peut observer la courbe de l’altitude et de la pression atmosphérique, laquelle diminue à mesure que le ballon lancé plus tôt ce jour-là s’élevait dans les airs. Sur un autre graphique, on voit la courbe de la température de l’air et celle de la température du point de rosée, c’est-à-dire la température qu’une parcelle d’air aurait si on la refroidissait jusqu’à ce qu’elle atteigne la saturation, formant de la condensation et de petites gouttelettes liquides. «Lorsque ces deux courbes se rejoignent, comme c’était le cas ce matin à environ 500 mètres d’altitude, ça signifie qu’il y avait un nuage, explique la chercheuse. Et si on observe attentivement, on note que les deux courbes s’éloignent ensuite, ce qui signifie que la couche nuageuse était très mince, probablement quelques dizaines de mètres seulement.»

Ce premier ballon lancé en matinée a parcouru environ 40 kilomètres à l’est du mont Saint-Hilaire, explosant probablement dans la région de Yamaska, souligne Margaux Girouard. «Si les conditions avaient été plus venteuses, notre ballon aurait pu parcourir jusqu’à 250 kilomètres», précise-t-elle.

Instruments de mesure

Julie Thériault prend le relais et présente chacun des instruments de mesure installés sur le terrain pour l’occasion. Thermomètre, anémomètre (qui mesure la vitesse du vent), radiomètre (qui mesure le rayonnement solaire ou le rayonnement infrarouge de la Terre), disdromètre (qui mesure la taille des précipitations), radar météorologique, tous ces instruments sont indispensables aux recherches de son équipe. On en retrouve d’ailleurs quelques-uns à la station météo située sur le toit du pavillon Président-Kennedy.

Julie Thériault présente chacun des instruments de mesure installés sur le terrain pour l’occasion. Photo: Ève Bigras

«Peut-on installer ces instruments loin des villes et recueillir les données à distance?», demandent les élèves. «Oui, nous le faisons, par exemple, en Arctique, illustre Julie Thériault. Mais il faut se déplacer si l’instrument ne communique plus avec nos ordinateurs!»

La professeure précise qu’elle participe à plusieurs projets de recherche lancés pour récolter des données en Arctique, dans le sud du Québec, au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique. «On peut consulter nos données en direct sur le site web de notre groupe de recherche», conclut la professeure à l’intention des élèves, parmi lesquels elle espère qu’on retrouvera peut-être un jour de futures et futurs météorologues au bac en sciences de la Terre et de l’atmosphère ou au certificat en sciences de l’atmosphère.