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Un répertoire féminin pour l’industrie musicale

Le nouvel outil permet de trouver des artistes et des professionnelles partout au pays.

Par Pierre-Etienne Caza

8 mars 2024 à 8 h 32

Mis à jour le 12 mars 2024 à 19 h 26

Un nouvel outil permet désormais d’encourager la parité et une meilleure représentativité des femmes cisgenres, transgenres et non binaires dans les coulisses et sur les scènes musicales du Québec. «Le répertoire Women in Music Canada, maintenant disponible en français, permet de trouver des artistes et des professionnelles de l’industrie musicale partout au pays», se réjouit la professeure du Département de musique Vanessa Blais-Tremblay.

Ce projet a pu voir le jour grâce au travail du pôle universitaire du réseau DIG! Différences et inégalités de genre dans la musique au Québec, qu’elle dirige, au leadership de FEM MTL WIM, au soutien financier de la Fondation Musicaction, et à la collaboration et à la concertation entre plusieurs partenaires qui soutiennent le rayonnement féminin en musique au Québec, incluant Femmes* en Musique, shesaid.soMTL, Lotus Collective Mtl Coop et le comité d’action Femmes, Inclusion et Diversité de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec.

Élargir les réseaux professionnels

Au Québec comme ailleurs au Canada, l’industrie de la musique fonctionne en s’appuyant sur les réseaux de contacts des uns et des autres. «Si une personne n’est pas disponible, elle va toujours référer la même personne pour la remplacer, ce qui a souvent pour résultat des équipes exclusivement masculines, car on ne parvient jamais à élargir et à diversifier les réseaux connus», observe Vanessa Blais-Tremblay.

«Il ne faut pas que les préjugés genrés, le manque d’information ou de contacts soient une excuse pour ne pas avoir pu engager, par exemple, une bassiste pour un concert à Rimouski ou une technicienne de son pour partir en tournée.»

Vanessa Blais-Tremblay

Professeure au Département de musique et directrice du réseau DIG!

Créé au printemps 2021, le réseau DIG! a mis sur pied un groupe de travail élargi pour pallier ce problème. «Il ne faut pas que les préjugés genrés, le manque d’information ou de contacts soient une excuse pour ne pas avoir pu engager, par exemple, une bassiste pour un concert à Rimouski ou une technicienne de son pour partir en tournée», illustre la professeure. Toutes les organisations avec lesquelles le réseau DIG! a collaboré souhaitaient la création d’un répertoire pour élargir ces réseaux musicaux et faire une meilleure place aux femmes, ajoute-t-elle.

Une rencontre avec Women in Music Canada

Le groupe de travail a effectué des recherches pour recenser ce qui existait dans le domaine et s’en inspirer. Une des organisations partenaires avait développé au fil des ans une base de données Excel avec des numéros de téléphone privés. «Nous ne pouvions pas utiliser ce modèle en raison d’enjeux éthiques, il fallait trouver autre chose», se rappelle Vanessa Blais-Tremblay.

Une veille des activités de plusieurs organisations féministes en musique au Canada a permis d’apprendre que l’organisation Women in Music Canada, une OBNL financée par Factor Canada (le pendant canadien de Musicaction), lançait à l’automne 2021 un répertoire anglophone en version bêta. «J’ai rencontré la directrice générale de Women in Music Canada pour lui signifier notre intérêt à nouer un partenariat afin de traduire leur répertoire et de le bonifier avec les idées que nous avions développées au sein de notre groupe de travail», raconte Vanessa Blais-Tremblay.

Miser sur les réseaux sociaux

Parmi les priorités qui ont guidé l’adaptation du répertoire, il fallait qu’il soit facile pour les artistes de s’y inscrire et qu’elles ne soient pas constamment obligées de mettre leur profil à jour. «Les musiciennes changent de projet au gré des subventions qu’elles reçoivent. Elles peuvent s’investir dans un projet solo pendant un temps, puis jouer avec un ou plusieurs groupes… ou même changer d’instrument, note la professeure. Il fallait que le répertoire soit conçu pour leur faciliter la vie et leur permettre de se mettre en valeur.»

La solution? Chaque profil permet de pointer vers les pages Facebook, Instagram, Tik Tok ou tout autre réseau social ou page web alimentés par les artistes. «De nos jours, les réseaux sociaux servent à partager où on en est dans sa carrière. Ils permettent de diffuser des extraits audio ou vidéo, ce qui est génial pour un répertoire, car lorsqu’on veut engager une musicienne, on veut d’abord l’entendre jouer.»

Des critères de recherche précis

Le nouveau répertoire permet non seulement de trouver une bassiste à Rimouski, mais aussi de sélectionner plusieurs autres critères, tant du côté des artistes (selon leurs spécialités instrumentales et leurs expertises, comme le studio ou la tournée) que des professionnelles de l’industrie (techniciennes de son, organisatrices, consultantes, diffuseuses, entrepreneures, gérantes, productrices, etc.).

Les partenariats avec les milieux de pratique

Près d’une centaine de nouvelles inscriptions ont été effectuées depuis le lancement de la version francophone du répertoire. «La campagne de promotion de l’outil s’échelonnera tout au long de la saison des festivals et pendant les événements professionnels des prochains mois», précise Vanessa Tremblay, qui n’a entendu que des échos positifs depuis la mise en ligne du répertoire. «Plus les femmes de l’industrie se l’approprieront pour élargir leurs propres réseaux et lancer de nouveaux projets, plus le répertoire sera utilisé, observe-t-elle. Et les diffuseurs et diffuseuses qui ont mis en place une politique d’équité, de diversité et d’inclusion pourront s’en servir pour atteindre une meilleure représentativité des femmes dans leurs équipes.»

Ce type de projet emballe la directrice du réseau DIG! «Cela confirme à mes yeux l’importance et la richesse des partenariats universitaires avec les milieux de pratique. Nos expertises professorales, nos ressources étudiantes et la possibilité d’obtenir du financement pérenne nous permettent d’envisager et de développer ces projets emballants en concertation avec les organisations sur le terrain», conclut-elle.