Court métrage d’animation réalisé avec le célèbre écran d’épingles Alexeïeff-Parker par la professeure associée de l’École de design Michèle Lemieux, Le tableau revisite le destin de la reine Marie-Anne d’Autriche, immortalisée en 1652 par le peintre Vélasquez. Le film est présenté en première mondiale les 7 et 10 mai à la Cinémathèque québécoise dans le cadre des Sommets du cinéma d’animation de Montréal.
Michèle Lemieux a découvert l’écran d’épingles Alexeïeff-Parker en 2006, lors d’un atelier donné par le cinéaste de l’ONF Jacques Drouin. L’ONF possède, en effet, l’un des 10 prototypes du fameux écran créé en 1931. La professeure associée, illustratrice et cinéaste, en est devenue l’héritière artistique, ayant signé à l’aide de cette technique le court métrage Le grand ailleurs et le petit ici (2012), plusieurs fois primé dans les festivals à travers le monde.
Avec Le tableau, Michèle Lemieux réinvente le portrait de la reine Marie-Anne. Mariée à 14 ans à son oncle Philippe IV d’Espagne, de 30 ans son aîné, la jeune femme connaît un sombre destin: ses cinq enfants, fruits de générations d’unions consanguines, meurent prématurément ou sont inaptes à régner, mettant fin à la puissante dynastie des Habsbourg d’Espagne. L’artiste se laisse guider tant par sa méditation sur la violence de l’inceste institutionnalisé que par des rêveries qui semblent naître de l’instrument lui-même. Les jeux d’ombre de centaines de milliers d’épingles, combinés à des effets croisés de lumière et de couleur, animent les regards, déforment les visages et dissolvent la matière même de l’œuvre.
En mettant en scène un tableau de Vélasquez, grand coloriste et maître de la lumière, Michèle Lemieux a décidé d’introduire la couleur à l’écran d’épingles en mettant à profit une composante intrinsèque de l’instrument: la lumière. «Après un long travail de recherche, j’ai mis au point des façons d’éclairer l’instrument qui sortent des pratiques habituelles en noir et blanc. J’ai développé des techniques d’éclairage multiples, mobiles, utilisant des gélatines colorées et intervenant sur les durées d’exposition. Cette technique expérimentale a donné des résultats surprenants et inattendus.»
La professeure raconte qu’elle avait 20 ans quand elle a vu ce tableau de Vélasquez pour la première fois et qu’elle y est toujours revenue depuis, touchée, par-delà le temps, par le destin de cette femme. «J’ai voulu faire un film qui se lit non pas comme une biographie, mais plutôt comme un poème. Un film qui suit les mouvements de la pensée et des souvenirs, qui ne révèle pas tout», explique la cinéaste.
Michèle Lemieux, qui a enseigné à l’École de design pendant plus de 30 ans, a publié depuis la fin des années 1970 une quinzaine d’ouvrages illustrés pour la jeunesse, dont Nuit d’orage (1997), adapté au cinéma en 2003 à l’ONF.